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Le scandale Ashley Madison: révélateur du paradoxe entre vie privée et internet

En juin dernier, le sulfureux site de rencontres extraconjugales Ashley Madison a été la victime d’un piratage de grande envergure mené par « The Impact Team », un groupe de hackers expérimentés. Ce scandale soulève une interrogation plus globale quant à la sécurité de nos données personnelles sur Internet.
L’affaire Ashley Madison
Ce ne sont pas moins de 9,7 gigaoctet de données liés à trente-deux millions de comptes qui ont été mis en ligne par « The Impact Team », contenant des données très personnelles, allant des coordonnées aux préférences sexuelles des utilisateurs.
Ce scandale a fait trembler les Etats-Unis. On trouve en effet dans les données rendues publiques les coordonnées de membres de l’armée américaine et de la Maison Blanche. Il a également eu des répercussions humaines tout à fait regrettables : de nombreux cas de dépressions et de chantages, ainsi que trois suicides ont été répertoriés.
« The Impact Team » dénonçait des pratiques amorales menées par le site de rencontres, avec en premier lieu Established Men, autre site du groupe, qu’elle qualifie de « site de prostitution et de trafic d’êtres humains pour que des hommes riches s’achètent du sexe » (d’après un article du Monde). Venait ensuite une autre pratique d’Ashley Madison, symptomatique d’un phénomène plus global : le site propose une option payante pour qu’un utilisateur supprime toutes ses données du site, mais n’effacerait rien.
Suite à l’affaire Ashley Madison, treize sites de rencontres français ont été mis en demeure par la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), dont Meetic, Attractive World, et AdopteUnMec pour des manquements à la Loi Informatique et Libertés datant de 1978. Ces manquements consistant à ne pas totalement supprimer les données des personnes ayant clos leur compte. Le site américain Fusion explique dans un article que ce phénomène est enclin à se démultiplier, et qu’il ne se limite pas aux seuls sites de rencontre « dans un monde où les détails de nos vies sont stockés sur nos téléphones et dans le cloud, ainsi que dans les métadonnées de tout ce que l’on poste sur les réseaux sociaux ».
La sécurité sur Internet, une problématique double
Le problème de la confidentialité de nos données dépend de deux facteurs. D’une part la fiabilité technique des serveurs qui stockent une quantité colossale de données, à tel point que l’on parle de Big Data, difficilement contrôlables. D’autre part l’éthique des détenteurs de ces serveurs, qui peuvent utiliser nos données à des fins commerciales, voire politiques.
Le problème de la fiabilité technique
La sécurité de nos données sur Internet est une question qui touche l’ensemble de la population, à l’ère de l’hyper-digitalisation. Presque la moitié de la population mondiale est sur Internet (42%, soit 3, 025 milliards d’internautes), et concentre son usage sur un nombre extrêmement restreint de sites avec Google, Facebook, et YouTube en tête. Ces sites ont un point commun : chaque fois que nous les visitons, nous y laissons des traces. Or une étude de NetNames réalisée en 2013 estime le nombre d’internautes ayant effectué des piratages sur un mois à 432 millions, ce qui nous permet de nous inquiéter quant aux potentielles failles de ces systèmes. En effet Internet est à la base un canal non sécurisé pour l’échange d’informations. Les pare-feux de ces serveurs ne sont pas infaillibles, comme le prouve le cas d’Ashley Madison. Cela ne semble pourtant pas nous inquiéter, puisque ce sont chaque jour des millions de données qui sont digitalisées.
De plus en confiant nos données à ces sites, nous leur octroyons davantage de pouvoir, et augmentons le risque d’un piratage d’envergure. Aujourd’hui toutes les informations sont sur Internet, et ce même au plus haut niveau. Le cas d’Amazon est édifiant. La firme a remporté en février 2013 un marché en or contre IBM : son service de « cloud computing », Amazon Web Services, est en charge de construire un serveur visant à accueillir les données de la CIA.

Le problème de l’éthique des sites web
Quels genres de données sont collectés lorsque nous visitons ces plateformes ? La question est vaste, mais si l’on s’attarde sur les « Règles de confidentialité » de Google, on peut trouver quelques éléments de réponse.
Quatre grands types de données sont collectés par Google : des données relatives à l’appareil utilisé (le modèle, le système d’exploitation, le numéro de téléphone) ; des fichiers journaux (nos recherches, ainsi que la durée et les correspondants de nos conversations téléphoniques) ; des données de localisation ; des cookies, petits fichiers de texte stockés sur notre terminal contenant souvent des informations personnelles. Les cookies sont très controversés car ils sont souvent exploités par les sites à des fins commerciales. C’est en réponse à ce phénomène qu’une réglementation a été mise en place en 2002 par la Directive Vie Privée et Communications Electroniques, puis actualisée en 2009, mais elle ne parvient pas à être appliquée – les géants d’Internet possèdent bien trop de pouvoir pour être inquiétés.

Pourtant Google indique dans ses règles de confidentialité que ces cookies servent avant tout à son service d’analyse d’audience de sites web, Google Analytics¸ gratuit et utilisé par 80% des sites sur la toile. On pourrait s’étonner que ce service soit gratuit, mais Google le rentabilise avec sa régie publicitaire créée en 2000, AdWords. Fonctionnalité payante proposée aux sites utilisant Google Analytics, elle permet d’afficher des publicités correspondant aux mots-clés tapés par leurs utilisateurs.
Le moteur de recherche nous rassure, en affirmant ne communiquer « des données personnelles [nous] concernant qu’avec [notre] consentement ». Hélas notre consentement ne nous est demandé qu’une seule fois, et est quelque peu contraint (puisque nous ne pouvons utiliser le service sans cela), lorsque nous acceptons les conditions générales d’utilisation.
La puissance de tels sites est indéniable, ce qui peut parfois les amener à jouer de leur pouvoir. Les seigneurs de la Silicon Valley ont par exemple minimisé leur implication dans le scandale des écoutes de la NSA, déclenché par les révélations d’Edward Snowden en 2013, selon un article du Figaro. Voulant redorer leur blason, la publication d’un rapport rendant compte du nombre de requêtes judiciaires qu’ils ont reçu pour fournir des données sur des internautes suspectés par la NSA a été décidée par ces sites. On apprend ainsi que Yahoo ! a reçu des demandes pour trente mille comptes d’utilisateurs, Microsoft quinze mille, et Google neuf mille. Ce rapport ne révèle cependant pas le nombre de réponses positives à ces demandes.
La sécurité de nos données sur Internet relève par conséquent d’une problématique double, entre fiabilité technique des serveurs et éthique de ces sites, questionnant ainsi nos pratiques et nos usages quotidiens d’un outil qui nous dépasse. En effet peut-être devrions-nous, dans le doute, être plus attentifs aux données que nous laissons derrière nous sur la toile.
Clément Mellouet
Sources :
Le Monde, Le piratage du site Ashley Madison et la question de la moralité des « hackers », 19/08/2015
Le Figaro Tech, Les géants du web minimisent leur implication dans le scandale de la NSA, 4/02/2014, 
Crédits images :
Ashley Madison.
Google.
marketingdonut.co.uk

Flops

UFC QUI PUNIR ?

 
L’association de consommateurs UFC Que Choisir a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris Facebook, Twitter et Google+ pour clauses jugées « abusives ». L’association s’est attaquée aux plus grands et pointe du doigt leur manque de transparence quant à la gestion des données personnelles des internautes.
L’association avait déjà mis en demeure ces géants de l’internet en juin 2013, et déplore l’avancement des discussions depuis l’année dernière : « Après plusieurs mois de discussions, malgré nos avertissements, ils s’entêtent à maintenir des clauses que l’association juge abusives ou illicites, et ont fait le choix de maintenir les clauses problématiques de leurs conditions générales d’utilisation ».
En effet, il n’y a eu aucun progrès concernant la transparence des accusés. « Les conditions sont toujours aussi inaccessibles, illisibles, remplies de liens hypertextes – entre 40 et 100 liens hypertextes – renvoyant parfois à des pages en langue anglaise », « Pire, les réseaux persistent à s’autoriser très largement la collecte, la modification, la conservation et l’exploitation des données des utilisateurs et même de leur entourage. Ils s’octroient toujours, sans l’accord particulier des utilisateurs, une licence mondiale, illimitée et sans rémunération, d’exploitation et de communication des données à des partenaires économiques » déplore l’UFC.
Alors que des millions d’internautes partagent des messages, des photos ou des vidéos, l’association demande à Facebook, Twitter et Google+ de respecter le code de la consommation ainsi que la loi Informatique et des libertés. La politique de ces derniers permettrait une utilisation tentaculaire et à l’infini de nos données personnelles, un véritable enjeu et une vraie problématique à l’heure où l’information est devenue une véritable monnaie d’échange.
Selon Alain Bazot, patron de l’UFC, l’assignation en justice est justifiée par le fait que le plus souvent les internautes ignorent que ces réseaux peuvent utiliser leurs informations, les transmettre ou les vendre. L’UFC prend l’exemple de l’icône de partage d’un message ou d’un article via Twitter, Facebook ou Google+. « Ce sont des icônes espions qui permettent de savoir que vous avez visité la page et qui suivent votre comportement sur Internet ». Le but serait de favoriser la publicité ciblée. Vous savez, cette fameuse publicité qui mettent en avant un appareil photo ou des chaussures devant lesquelles vous bavez depuis des mois, et qui apparait innocemment sur votre compte Facebook, cette publicité qui enrage et qui nous alerte sur la disponibilité de nos informations personnelles.
Certains bugs informatiques, comme les messages privés qui apparaissent sur les murs Facebook de chacun, nous rappellent que ces informations sont stockées et utilisables sans que l’on puisse avoir une quelconque emprise sur celles-ci. C’est pourquoi les internautes – de moins en moins dupes – se posent de réelles questions sur la protection de leurs informations personnelles. Selon un récent sondage de CSA pour Orange, 42 % des Français pensent que la protection s’est détériorée et 85 % déclarent être dans l’impossibilité d’effacer d’Internet des informations les concernant.
L’association a donc mis en ligne une pétition intitulée « Je garde la main sur mes données » illustrée par des vidéos « Sur les réseaux vous êtes vite à poil » :

L’association française n’est pas la première à faire état du manque de transparence des réseaux sociaux. Le 31 décembre 2013, Techbrunch a publié un article révélant le piratage de l’application Snapchat par le site SnapchatDB.info. Les informations de 4,6 millions d’usagers de Snapchat ont alors été rendues publiques. Le but premier de ce piratage était de pointer du doigt la faible protection des informations des usagers de l’application. Snapchat a immédiatement réagi en annonçant une nouvelle version sécurisée afin de rassurer ses usagers. Le piratage de cet outil de communication a fait ressurgir bien évidemment des débats sur la limite de la vie privée sur les réseaux sociaux.
Le signal d’alarme a été enclenché : il serait temps que les géants commencent à faire preuve de plus de transparence.
Sibylle de la Marandais

Sources :
Lemonde.fr
Leparisien.fr
Quechoisir.org

Scroogled
Com & Société

KEEP CALM WHILE WE STEAL YOUR DATA

 
« Don’t get Scroogled » (comprenez: ne vous faites pas arnaquer par Google): voici ce que les chargés de communication de Microsoft ont décidé d’écrire sur de nombreux produits dérivés en vente sur l’e-shop de la marque depuis mercredi 21 novembre. En effet, le géant américain de l’informatique a décidé de ne pas y aller de main morte dans sa campagne anti-Google, qu’il avait déjà amorcée cet été.
C’est donc à grands renforts de mugs, de T-shirts ou encore de casquettes où l’on peut lire des catch phrases plutôt savoureuses – du type « Google is watching you » ou encore « Step into our web » – que la firme s’inscrit dans une opération de communication plutôt risquée, entre humour et agressivité. Ce qui tend à nous laisser plus que perplexes… Alors, pari communicationnel plutôt gagné ou perdu pour Microsoft?
Reprenons depuis le début. L’origine de la controverse est connue de tout le monde: en juillet dernier, le scandale qui avait eu lieu après la révélation par Edward Snowden du programme nord-américain PRISM, dont le rôle est d’espionner le Web (y compris en Europe), avait déclenché une vague d’inquiétudes et de protestations de la part des gouvernements comme des particuliers, hostiles à l’idée de voir leurs données récoltées sans leur consentement. Sur le papier, rien de bien méchant pour le célèbre moteur de recherche. Mais en réalité, cela avait permis à Microsoft de saisir une opportunité plutôt intéressante et de surfer sur la vague de l’espionnage informatique pour accuser son grand concurrent de se servir des données personnelles des utilisateurs pour gagner de l’argent, notamment en cernant les mots-clés récurrents employés sur Gmail par les particuliers pour mieux cibler les publicités leur étant destinées.
Au mois de mai, c’est donc plutôt gentiment que Microsoft avait entamé sa critique vivace de Google et de son moteur de recherche Google Chrome, qui n’en finit plus de séduire les internautes, largement préféré à Internet Explorer, en publiant des parodies des publicités faites par Google. Mais depuis quelques semaines, la firme a décidé de reprendre l’offensive. Après avoir lancé au début du mois de novembre une pétition priant Google d’arrêter de tirer profit de ses utilisateurs, Microsoft reprend donc de plus belle avec le lancement de ces nombreux goodies.

Cependant, cette campagne de dénonciation n’est-elle pas un peu osée? Il faut dire que tant d’acharnement de la part d’un géant de l’informatique censé être infaillible suscite de nombreuses réactions de la part des internautes. Si certains sont enthousiasmés par cette opération marketing à l’humour noir, il se trouve que beaucoup demeurent indécis, et n’hésitent pas à y voir un geste désespéré de la part de Microsoft, qui s’acharnerait à descendre son concurrent principal pour mieux se valoriser. Ce qui n’est pas toujours du goût de tous…
Cela se voit encore plus lorsqu’il s’agit de s’intéresser à ce que pourrait cacher ce marketing « humoristique ».
Ainsi, beaucoup ne voient en cette campagne qu’un ultime moyen de diversion de la part de Microsoft, qui, par ces produits dérivés et par la campagne « Scroogled » en général, tenterait simplement de faire oublier le fait que Google le devance très largement au niveau du capital sympathie généré chez les internautes, mais également sur le plan des avancées techniques. N’oublions pas qu’un événement technologique de taille à venir dans les prochains temps est la sortie des Google Glasses, qui constitueront à elles seules un élément capable de nous faire faire un bond en avant dans l’univers du high-tech.
Du coup, forcément, les tasses à café de Microsoft font difficilement mouche… Pire encore, elles fournissent de l’eau au moulin des détracteurs de la firme, qui s’amusent beaucoup de cette situation. On pourrait même se demander si ce merchandising anti-Google acharné ne rendrait pas l’image de ce dernier plus sympathique. D’autant plus que Microsoft, qui se veut grand dénonciateur des pratiques douteuses de son concurrent, n’est pas non plus tout blanc dans le scandale d’utilisation des données personnelles d’utilisateurs, et est lui aussi soupçonné d’avoir recours à de telles pratiques, même si cela reste à vérifier.
Ironie de l’histoire: il paraît chez les mugs « Keep calm while we steal your data » remportent un franc succès… Auprès des employés de Google.
 
Camille Gross
Sources
L’express
01net
Scroogled

Edito

Quel est le mot de l'année ? (Suite)

 
L’illustre dictionnaire Oxford a souhaité commémorer les 25 ans du GIF en le consacrant « mot de l’année 2012 ». Et pour cause : ce dinosaure des Internets est devenu à lui seul un moyen de communication numérique. Influencé par la culture Troll, le GIF transmet une image, un extrait de film, une situation qui parle à l’énonciateur et au destinataire. En somme, une situation simple retirée de son contexte et insérée dans un nouveau et le remplit d’une nouvelle signification. Le digital viral est aussi mis à l’honneur par l’American Dialect Society (association d’académiciens linguistes) qui choisit comme mot de l’année 2012, le hashtag !
Alors, après les professionnels présents lors du forum des entreprises du CELSA, à notre tour de s’interroger sur les mots de l’année 2012 et sur ceux de 2013.
 
Le Fantôme
2012 fut l’année du fantôme. Le fantôme c’est le double revenu du passé, l’artefact d’un temps que l’on préférerait oublier mais qui nous hante. C’est la manifestation physique de cette absence. On a découvert, en 2012 que le fantôme était une entité autant bénéfique que néfaste. Culturellement, l’année 2012 a laissé une grande place à l’ectoplasme, sous toutes ses formes. Après les vampires, ce fut au tour des zombies d’occuper le centre de l’actualité culturelle. Il y a bien sûr The Walking Deads, série américaine de plus en plus populaire. Le zombie symbolise ici la nécrose de la société, l’élément qu’il faut tuer pour pouvoir recommencer sur de nouvelles bases, miroir plein de sens du regard occidental sur la crise qui ne semble jamais finir. Le zombie, c’est l’avatar d’un problème économique qui se transforme en crise de la civilisation. Le zombie, mort revenu à la vie a aussi trouvé un écho bien particulier dans la sublime création originale de Canal +, Les Revenants, dont nous allons beaucoup vous parler dans les prochaines semaines : ici le zombie est un fantôme, les morts deviennent vivants… Et les vivants, eux, plongés dans leurs problèmes, deviennent des morts.   Un peu comme ces zombies-walk qui ont marqué l’année. Ce qui est en jeu c’est la conception que nous nous faisons de la civilisation : le fantôme c’est un objet foncièrement passéiste, c’est-à-dire qu’il nous rappelle un passé érigé comme idéal, et voilà son aspect bénéfique. Il nous renvoie le reflet d’une société ancienne, loin du pessimisme caractérisant 2012. Ce retour vers le passé définit l’ensemble de la société de 2012. Il y a eu les hipsters, ces individus que tout le monde adore détester, affublés de vêtements vintage sortis de fripes hors de prix. A Hollywood on fait des remakes, on fait des reboots, on fait des revivals. On prend des photos avec un appareil numérique mais on l’instagramme pour que ça fasse plus ancien (). Comment s’en sortir ? La publicité nous en offre la possibilité : en 2012, il fallait consommer pour vivre mieux. Pour être plus beaux. Pour voyager plus vite. Pour faire des économies.
Espérons que 2013 marquera une remontée d’espoir et d’optimisme – après tout nous avons survécu à  la fin du monde. L’année qui se présente est lourde d’innovations et d’avenir, signe manifeste d’un renouveau.
 
La vie privée
2013 sera sûrement l’année de la vie privée. On l’a déjà bien segmentée cette vie privée. On râle contre Facebook, contre Google, contre Apple et plus récemment contre Instagram. La CNIL n’a cesse de nous mettre en garde [1]. La vie privée, concept inventé par Habermas dans les années 80 touche à sa fin. Créée par opposition à la vie publique, espace d’échanges avant tout politiques, elle s’est largement répandue lors de la démocratisation d’Internet. On y tient à notre vie privée, mais on poste des photos confidentielles sur Facebook pour avoir quelques moments de franche camaraderie. On ne veut pas se faire cambrioler mais on se géolocalise sur Foursquare pour montrer qu’on fréquente des lieux sympas. La problématique de la vie privée n’a rien de nouveau, mais 2013 y apportera son lot de changements. En France, l’arrivée de Poke – application célèbre aux Etats-Unis, permettant l’envoi de photos qui s’autodétruisent au bout de quelques secondes- va faire parler. Il y a aussi un modèle économique fondé sur la revente d’informations privées qui ne demande qu’à se développer. Facebook essaie en vain depuis des années. Et si ce modèle s’affirmait en 2013 ? Car il y a quelque chose qu’on regarde du coin de l’œil, ici, au CELSA : le Big-data. Ce concept, permettant le tri de la masse incommensurable de données que l’on crée en utilisant Internet, va s’ancrer peu à peu dans les mœurs. Le Big-Data c’est la psycho-histoire d’Asimov : on va pouvoir prédire les embouteillages, affiner les statistiques, mieux jouer sur l’élasticité des prix [2]. Mais on va surtout pouvoir prédire vos habitudes de consommation. Enfin, on détient la formule magique pour cibler individuellement et d’une façon terriblement efficace vos habitudes les plus secrètes. La vie privée sera, dans ce contexte, au centre des débats et polémiques de l’année qui vient de commencer. Jusqu’où iront les internautes dans le renoncement de la sacro-sainte vie privée pour bénéficier de nouveaux services révolutionnaires ? Nous verrons bien.
 
Le marketing sportif
Avec les Jeux Olympiques, en 2012 le sport a été à l’honneur dans le marketing. La mode pour les entreprises a été de promouvoir des valeurs calquées sur le sport. Elles ont été de plus en plus nombreuses dans ce cas.
Prenons par exemple la Société Générale qui suite aux scandales dont elle a fait l’objet (affaire Kerviel notamment) et à la crise de confiance dans les banques, a choisi dès 2011 de redorer son blason en misant sur le rugby et ses valeurs avec l’aide de l’agence Fred & Farid. Leur nouveau slogan « Développons ensemble l’esprit d’équipe » et leurs efforts de sponsoring poursuivis en 2012 en sont les symptômes. Ou encore, il est difficile de dénombrer tous les fournisseurs officiels des Jeux Olympiques ou les campagnes de publicités axées sur cet événement. (Vous pouvez avoir un aperçu des 10 meilleures campagnes autour des Jeux Olympiques ici)
En 2012, malgré les contractions des budgets, le marketing sportif est resté une cible privilégiée. Il faut dire aussi que les valeurs sportives tombaient à pic dans ce contexte de crise. Rien de plus efficace que de recentrer sa communication sur l’équipe et la solidarité dans ces temps difficiles. L’événementiel sportif ou encore le sponsoring étaient les bienvenus.
Mais 2013 n’est pas une année phare pour le sport en France et ailleurs. Il y a toujours les rendez-vous habituels (Grands Chelems dans le tennis, coupes de France dans le rugby et les autres sports) mais pas d’événement assez exceptionnel pour marquer le coup. Cependant, si 2013 est une année plutôt creuse, en 2014 les coupes d’Europe et du Monde de Football ainsi que le Jeux Olympiques d’hiver devraient redonner de l’énergie au marketing sportif.
 
Responsabilité sociale
On le sait bien, dorénavant le consommateur n’est plus un simple acheteur. Il est aussi un citoyen responsable et actif. En conséquence, les entreprises sont de plus en plus surveillées, elles doivent maintenant rendre des comptes sur leur techniques de production au nom de la transparence. Ce phénomène touche tous les domaines de la responsabilité sociale : le respect de l’environnement, le respect des droits de l’homme, des conditions de travail, « les bonnes pratiques dans les affaires » (comme le respect de la concurrence), les droits des consommateurs, etc. En 2012, les débats sur l’obsolescence programmée (avec les nouveaux équipements liés au nouvel iPhone par exemple), le nucléaire (Areva tente justement de communiquer sur la transparence pour rattraper ses bourdes), l’écologie ou le dumping social sont les symptômes de cette responsabilité citoyenne grandissante.
Dorénavant, l’entreprise se doit d’assumer sa responsabilité sociale pour se prévenir de scandales et donc sans cesse se légitimer au près de ses consommateurs. A ce propos, elles choisissent de plus en plus de faire de la RSE (Responsabilité Sociale de l’Entreprise). Par exemple, elles sont nombreuses à choisir de répondre à la norme ISO 26 000. Son but est de donner un cadre à cette nouvelle responsabilité des entreprises. Elle a été créée pour répondre aux attentes des consommateurs en terme de transparence et récompense les entreprises s’engageant à lancer des démarches de développement durable, de protection de la santé des personnes et d’encouragement au bien-être de la société (En savoir plus sur la norme ISO 26000 : http://www.iso.org/iso/fr/home/standards/iso26000.htm) Le fait que la RSE est maintenant institutionnalisée montre bien son actualité et son importance grandissante.
Si les phénomènes autour de la responsabilité sociale existent déjà depuis quelques années, ils seront plus que jamais au cœur des débats en 2013, comme l’annonce le récent scandale autour d’Apple  et les conditions de travail de ses employés. Désormais, les mythiques entreprises ne sont pas épargnées. Si la RSE est une démarche volontaire de la part des entreprises, aujourd’hui les grandes firmes ont du mal à y échapper. On peut penser qu’en 2013, le phénomène s’étendra aux entreprises de plus petites tailles.
 
Arthur Guillôme (pour Fantôme et vie privée)
Camille Sohier (pour marketing sportif et responsabilité sociale)

[1] On vous conseille chaudement la lecture du rapport sur la vie privée (http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/publications/DEIP/CNIL-CAHIERS_IPn1.pdf)

[2]   A ce propos, un Américain a réussi à prédire les élections Américaines en devinant les résultats de 48 Etats sur 52. Pour plus d’informations lire cet article du Nouvel Obs (http://obsession.nouvelobs.com/high-tech/20130103.OBS4353/comment-le-big-data-va-revolutionner-2013.html)