Publicité, Société

Le snobisme publicitaire

La marque de design haut de gamme AMPM a dévoilé en ce bon mois de mars sa nouvelle campagne print. Et c’est entre autres dans le métro parisien qu’on est resté perplexe face à ces visuels un tantinet élitistes : zoom sur le snobisme publicitaire.
Le but premier de la publicité : capter l’attention pour faire passer un message
La publicité ne cesse de se réinventer afin de capter notre regard fuyant les milliers de sollicitations quotidiennes. D’ailleurs, marques et agences sont conscientes du phénomène de publiphobie qui sévit dans nos sociétés contemporaines et tentent d’y remédier à coup de brand content et autres innovations.
De plus, une certaine logique de « campagne sur-mesure » privilégiant la stratégie de core targeting, c’est à dire centrée sur le cœur de cible, pousse les enseignes à cibler toujours plus leurs campagnes. Cette cible étant de préférence une population à fort pouvoir d’achat puisque les produits de design ne sont, entendons-nous bien, pas des plus abordables.
Cependant, si le message de cette campagne intrigue, il n’est pas des plus aisés à décoder. En effet, c’est un sentiment d’incompréhension qui envahit le récepteur durant la lecture de ce message. Ainsi, on saisit rapidement que cette campagne est destinée à une élite intellectuelle qui, apriori, ne constitue pas un segment de grande envergure.
Faut-il être « intello » pour acheter de l’ameublement design ?
Benjamin Marchal, directeur de création de l’agence Fred et Farid indiquait récemment dans une interview que cette campagne avait pour but de « montrer que la beauté et la modernité de la nouvelle collection se passent d’explications et sont donc accessibles au plus grand nombre » – ce qui se résumerait en somme à un exercice de démocratisation auprès de la fameuse catégorie des CSP+ constituée de cadres et personnes ayant une profession intellectuelle supérieure ou intermédiaire.
Pourtant, plus qu’un désir de populariser une marque telle qu’AMPM, c’est la recherche d’un certain entre soi qui saute aux yeux de prime abord. Le badaud est alors exclu au profit d’une micro communauté capable de saisir le clin d’œil lourdement appuyé par la marque. Car l’on peut aisément avoir un sens artistique et un portefeuille bien rempli sans pour autant savoir que l’académisme post-Bauhaus, évoqué sur l’affiche, fait référence à un mouvement artistique allemand. Ni que le Bauhaus est la référence en termes de modernité architecturale et de design.

 
Métamorphose de la figure féminine
AMPM tente donc de regrouper son cœur de cible en une communauté d’intellos stéréotypés. Mais ce n’est pas tout : elle file également la métaphore du meuble contemporain acteur d’une performance, en proposant une métamorphose de la femme en objet (voire de la femme en étagère). Et cette fois ci, on s’accorde sur le fait qu’il ne faut pas avoir un bac+5 pour comprendre cette délicate image. C’est effectivement dans une ambiance austère, qu’une femme se courbe sous le poids d’une planche de bois; le tout pour 399 euros ?
Finalement, cette campagne met également en lumière un autre enjeu : la façon dont les marques peuvent créer un dialogue privilégié avec leurs clients, et cela en proposant un contrat de communication sur le mode conversationnel. Patrick Charaudeau, grand théoricien des sciences de l’information et de la communication, énonçait que toute communication était comparable à un contrat mais régi par des règles implicites que les agents signaient inconsciemment. Aujourd’hui, les entreprises doivent de plus en plus intégrer les clients dans leurs contenus, prendre en compte leurs avis et opinions à l’instar des chaines de TV qui mettent en avant les commentaires Twitter de leurs émissions par exemple.
Cependant, l’exclusion et la proposition d’étagères humaines ne semblent pas être des options efficaces puisqu’en plus d’utiliser le mythe de l’intellectuel français du type « monsieur je sais tout », elles obligent le voyageur à sortir son smartphone de bon matin, les yeux encore mi-clos et pour lancer sur Google la recherche suivante : qu’est-ce que le dogme galiléen ?
Clara Duval
Sources :
lsa-conso.fr
arretsurimages.net
ladn.eu
cbnews.fr
Crédits photos :
ladn.eu
arretsurimages.net
 
 

1
federal communications commission fastncurious neutralité du net
Agora, Com & Société

La neutralité du Net, par-delà Bien public et Mal économique

C’est une bataille qui durait depuis bien longtemps qui vient de se terminer le 26 février dernier avec la consécration d’Internet par la Federal Communications Commission (FCC) comme bien public. En 2004, la FCC avait pourtant tenté, sous la pression des puissants lobbys des télécoms, d’encadrer la neutralité du Net. Ce n’est qu’en 2010 que l’idée est venue d’empêcher les opérateurs de discriminer certains services, interdisant ainsi la création d’un Internet à deux vitesses. Mais il aura fallu attendre l’intervention du président Barack Obama, appelant en novembre 2014 la FCC à faire d’Internet un bien public, ainsi que l’incroyable mobilisation des partisans de la neutralité, pour que les choses se concrétisent enfin. En consacrant la neutralité du Net le 26 février, la FCC a pris une décision qui risque de faire de nombreuses vagues et peut-être d’inverser les rapports de force entre opérateurs de télécommunications et géants d’Internet. Dans ce contexte, il semble important de préciser ce que l’on entend par « neutralité du net ». Cette expression apparaît trop souvent réduite à sa seule dimension technique. Pourtant, la décision de la FCC apparaît à bien des égards comme sociale et politique.
Les implications techniques de la décision de la FCC
Rappelons rapidement ce qu’est la neutralité du net. Il s’agit d’un principe fondateur d’Internet, défini par Tim Wu en 2003 dans « Network Neutrality, Broadband Discrimination ». La neutralité du Net garantit l’égalité de traitement de toutes les données sur le réseau. Comme le rappelle Marie Mougin dans Internet sous péage : entre voies express et chemins de terre, « La fin de la neutralité du Net ce serait donc des offres différenciées, un système de péage, amenant à un Internet à deux vitesses, entre ceux qui pourront payer plus cher un débit de connexion plus rapide et un accès illimité, et les autres. ». La décision de la FCC, en empêchant les fournisseurs d’accès à Internet comme Verizon, AT&T, Orange ou SFR, de discriminer les données qu’ils transportent selon les sites dont elles proviennent, consacre donc la neutralité du Net. Il faut ici souligner l’effort de mobilisation des internautes suite à la fuite d’un plan de la FCC en avril dernier, autorisant des « voies rapides » réservées aux services s’étant acquittés d’une taxe auprès des fournisseurs d’accès : la FCC a ainsi recueilli quatre millions de messages, la plupart en faveur de la neutralité.
Cependant, il ne saurait être question d’oublier que la décision de la FCC s’inscrit dans un cadre économique et social bien plus large qu’un simple débat concernant les modalités d’utilisation d’Internet.
La question du coût de la neutralité
Autorisons-nous d’abord à faire aux détracteurs de la neutralité le crédit de l’argument économique. Promouvoir la neutralité au nom des fondements d’Internet est une bonne chose, mais la question du coût de cette neutralité ne saurait être éludée. En effet, ceux qui s’opposent à la neutralité du Net et à la décision de la FCC, notamment les fournisseurs d’accès à Internet, insistent sur les coûts importants qu’engendrerait le maintien d’un accès non discriminatoire à Internet, dans un contexte de forte croissance du trafic. Cependant, au sein même des détracteurs de la neutralité, cet argument est remis en cause. Mike Masnick parle même d’un « bluff » de la part des fournisseurs d’accès visant à s’assurer des rentes de monopoles… D’autre part, certains élus républicains rejettent la neutralité au nom du libéralisme et de la crainte de toute forme d’ingérence. Ted Cruz, sénateur républicain, a ainsi qualifié la neutralité d’ « Obamacare de l’Internet ».
 

 
La neutralité, fondement de la « société de la connaissance »
Dans une vidéo humoristique de l’émission satirique « Last Week Tonight », John Oliver avait lancé en avril dernier un appel aux internautes, leur enjoignant de défendre la neutralité sur le site de la FCC. Derrière la neutralité, nous indique en creux John Oliver, se pose une question essentielle : quel Internet, pour quelle société ? La neutralité est en effet porteuse de bien plus de choses qu’un débat opposant fournisseurs d’accès et géants d’Internet. Ce qui est en jeu, c’est bien le type de société dans laquelle nous voulons vivre. La neutralité permet l’innovation : les petites start-up peuvent concurrencer les grands du Net. C’est ce qui explique pourquoi certains géants se sont rangés du côté de la neutralité : eux-mêmes n’oublient pas d’où ils viennent. La neutralité s’entoure ainsi d’une enveloppe politique. Défendre la neutralité du net, c’est défendre le mode de transmission de l’information et du savoir dans notre société. Un Internet libre et ouvert devient ainsi un lieu d’exercice de la liberté d’expression. Comme le dit Benjamin Bayart, « L’imprimerie a appris au peuple à lire, Internet lui apprend à écrire ».
http://www.slate.fr/economie/87935/neutralite-net-chiant-video-john-oliver
 
 
Pour terminer, revenons sur le concept de « neutralité » en lui-même. Quelle est la pertinence empirique de ce concept ? Nicolas Curien, dans  « Du coût de la net-neutralité au goût de la net-potabilité », propose une analyse intéressante selon laquelle le concept de «neutralité » serait trop absolu, et donc biaisé : viser un Internet absolument neutre serait illusoire. Il propose donc le concept de «potabilité » du Net : peut-être ce critère, autorisant quelques variations mais nécessitant un traitement, comme pour l’eau, permettra-t-il de concilier les attentes des acteurs respectifs de ce débat technique, économique, politique et social qui entoure la neutralité du net. Comme l’écrit Nicolas Curien : «A une net-neutralité sans odeur ni saveur, et surtout inatteignable en raison de son illusoire perfection absolutiste, je préfère quant à moi, dans leur imperfection satisfaisante, le charme et le goût discrets de la net-potabilité ! ».
Alexis Chol
 
Crédits photos :
huntnewsnu.com
deadstate.org
 
 
 
Sources :

www.slate.fr
lopinion.fr
fastncurious.fr
techdirt.com
docassas.u-paris2.fr
ncurien.fr
lemonde.fr (1) et (2)
ecrans.liberation.fr

3
le gorafi fastncurious
Société

Infaux-maniac

Les visiteurs du musée Grévin seraient autorisés à gifler les statues des personnalités qu’ils n’aiment pas chaque vendredi ! Dans sa rubrique « Dernière minute » du numéro de février 2015, Arts magazine s’indigne. « Un cahier pour écrire ce qu’on pense d’eux aurait suffi et laissé plus de traces. Je pense que les gifler ne sert pas à grand-chose ça ne vide pas ce qu’on a sur le cœur et ça détruit le travail des artistes qui ont fait ces statues. Il faut respecter leur travail même si certaines personnalités ne méritent pas d’être exposées », se désole un internaute penaud en commentaire. Cet emballement et la bévue de la dernière minute, celle de trop, font sourire les habitués du Gorafi, site d’information satirique à l’origine de l’intox. Cette méprise aurait pu arriver à beaucoup. A l’heure où la moindre information se veut aussi divertissante qu’un singe ventriloque, difficile de distinguer la satire du fait avéré…
Un engouement pour les fake news
« Russie – Une nouvelle loi sanctionne les personnes qui connaissent ou qui ont déjà vu un homosexuel », « Ouverture d’un pont de déchets en plastique entre l’Amérique et l’Asie », « Fabrice Luchini sombre dans la dépression après avoir commis une faute de liaison », « Sortie en DVD de la version longue de la pub LCL avec Gad Elmaleh »… Le Gorafi, site satirique d’ « information de sources contradictoires » créé en 2012 attire, selon ses créateurs, plus d’un million de visiteurs chaque mois avec ses articles « faux (jusqu’à preuve du contraire) ». Depuis, plusieurs sites se sont inspirés de ce concept, que ce soit bilboquet-magazine.fr, le dailyberet.fr, darons.net ou encore trollywood.fr.
Fort de son succès, Le Gorafi s’est vu offrir un créneau au Grand Journal de Canal+. Chaque lundi, Pablo Mira présente un faux sujet d’actualité – « Les politiques devront déclarer leurs pots-de-vin aux impôts », « Un élève des beaux quartiers a trois fois moins de chance de remporter une bagarre qu’un élève de ZEP », … – photomontages et propositions de loi factices à l’appui. Les codes du journalisme sont repris, le cadre de l’énonciation aussi : seul le jugement critique du spectateur (aidé par les rires de ses pairs présents sur le plateau) lui permet de déceler la farce.
Les réseaux sociaux ou l’avènement du bullshit viral
Evidemment, le succès de l’information satirique n’est pas un phénomène nouveau. Il remonte aux origines du journalisme et l’a accompagné au fil des siècles, de La Baïonnette à Charlie Mensuel en passant par l’Os à moelle et Hara-Kiri. Seulement, l’arrivée des réseaux sociaux a totalement bouleversé notre rapport à l’information humoristique.
A la différence de ses ascendants sur papier, le site web satirique laisse planer un flou sur la véracité de ses articles. Sur Le Gorafi, si l’internaute n’a pas le réflexe de faire un détour par la rubrique « A propos », seul endroit du site où il est précisé franchement que les articles sont faux, rien ne le lui indique. Or peu d’internautes se rendent sur le site – et a fortiori sur la rubrique « A propos » – d’eux-mêmes. La popularité des articles est grandement due au fait qu’ils sont massivement relayés sur les réseaux sociaux. Contrairement aux journaux, donc, les articles satiriques ne sont pas regroupés en une entité médiatique, cantonnés à un journal unique qui ne se mélange pas avec les autres, ne serait-ce que par sa matérialité. Sur Internet, les articles sont volatiles, extraits de leur site, et donc de leur contexte d’origine. Ils ne sont pas abordés avec une grille de lecture propre. Info et intox se mêlent dans nos fils d’actualité, sur Twitter ou Facebook, sans aucune hiérarchie, offrant une lecture uniforme. De plus, rien ne ressemble plus au site du Figaro que celui du Gorafi.
Sur les réseaux, on ne lit pas un article parce que la source est fiable, comme lorsqu’on achète un journal ou que l’on regarde une émission, mais pour son titre. Or dans le flux ininterrompu des réseaux sociaux, l’attention de l’internaute hypersollicité va au plus racoleur, au plus insolite, au plus inattendu. L’information se consomme vite, se dévore en un coup d’œil : on lit le titre et les premières lignes.
Et entre « Les critiques de la CNIL contre le projet de loi sur le renseignement » (Le Monde) et « La boulette de Ribéry : Nominé à l’Ice Bucket Challenge, il se renverse des Buckets du KFC et se brûle » (Footballfrance), l’œil va plus facilement au dernier. Cela pourrait être sans conséquences si les réseaux n’étaient pas la première source d’information pour beaucoup d’entre nous, journalistes compris et que souvent, l’instantanéité de l’information et son potentiel émotionnel triomphent sur sa vérification méticuleuse.
L’insoutenable légèreté du web
Les réseaux sociaux confèrent une visibilité énorme au vide ou presque, pourvu qu’il fasse rire et qu’il permette de créer du lien. C’est ce qu’a illustré l’engouement immense pour les faux évènements sur Facebook, mystérieusement nés le 15 février (et morts une semaine plus tard d’une lassitude agacée de la presque totalité des utilisateurs du réseau social). Pendant quelques jours, nos fils d’actualité Facebook se sont inexplicablement empli de faux évènements reprenant là aussi les codes du genre. « Grand concert pour enfin entendre la carotte râpée » (regroupant 20 671 participants), «Grand bal de fin d’année pour que Manuel valse », «Sommet pour savoir si l’OTAN en emporte le vent », « Rassemblement pour retrouver le pain perdu » : ils étaient plus d’une centaine à fleurir sur le réseau. Tous ces faux évènements qui ont fait le buzz n’avaient aucune raison d’être, si ce n’est de créer un sentiment de communauté et de faire rire – ou du moins provoquer un rictus –, par des jeux de mots et une culture populaire. Ces événements se sont appuyés sur une expérience commune (celle du CP et de l’apprentissage des conjonctions de coordination avec la «Traque pour retrouver Ornicar »), des références cinématographiques populaires («Grande battue pour retrouver la valise de Charlotte » (Nos Jours heureux) ou «Grand débat pour savoir si c’est une bonne ou une mauvaise situation » (Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, regroupant 46 527 participants)) ou musicales («Grand questionnaire pour savoir qui a le droit » (Patrick Bruel, 12 162 participants)).

Cette courte tendance a mis en lumière l’engouement créé par la satire et la viralité liée aux réseaux sociaux.
L’ère de l’infotainment
Le phénomène de confusion de la satire et de la réalité est renforcé par l’infotainment ambiant. Ce mot valise, composé des termes information et entertainment, renvoie au mélange de trois des quatre catégories du contenu médiatique dégagées par Daniel Bougnoux : l’information proprement dite, le divertissement et les émissions relationnelles. L’infotainment permet de ressembler les fonctions essentielles de la communication, à savoir s’informer et être ensemble, de manière ludique.
Car l’information a plus d’impact si elle est humoristique, comme c’est le cas dans Le Canard enchaîné. Il y a, dans notre société, une injonction à l’humour, forme de distinction nouvelle. Pour Gilles Lipovetsky, auteur de L’ère du vide, l’humour caractérise notre époque en tant qu’il s’est démocratisé. Pour que l’information trouve preneur, elle doit être sensationnelle. « On est naturellement attiré par ce qui nous paraît surréaliste et qui nous fait rire. C’est l’avènement de l’info de l’émotion. Les médias de masse comme leurs pendants satiriques se lancent dans une course aux infos invraisemblables parce que ça emballe la machine à clics », analyse le journaliste Vincent Glad.
En somme, il est moins aisé de distinguer le vrai du faux sur Internet du fait de notre lecture rapide mais aussi des sites d’information classiques qui relayent les informations les plus insolites possibles, bien qu’elles relèvent parfois plus du bruit que de la pertinence. Et quand bien même, la réalité dépasse parfois cruellement la satire, lorsqu’on apprend qu’un groupe d’extrémistes saccagent un musée pour réaliser une vidéo de propagande…
Néanmoins, forts de notre humiliation d’avoir pris la satire pour la réalité ou inversement, nous avons développé un sens critique plus aiguisé que celui des générations précédentes. La génération Y, et davantage encore la génération Z, sont caractérisées par leur méfiance envers les médias.
Louise Pfirsch
@ : Louise Pfirsch
Sources :
legorafi.fr
Stylist, n°064
Gilles LIPOVETSKY, L’Ere du vide, essai sur l’individualisme contemporain, Gallimard, coll. Folio Essais, éd. 2013
Crédits images :

Le Gorafi
Facebook

Bannière Obama lol fastncurious
Com & Société, Politique

LOL et politique : un cocktail gagnant ?

Obama monsieur tout le monde ?
Si vous espérez secrètement atteindre votre record de « likes » à chaque photo postée sur Facebook, Barack Obama est quant à lui plutôt fort à ce jeu. Le président américain a en effet enflammé les Internet le 12 février dernier avec sa vidéo Things everybody does but doesn’t talk about, soit Les choses que tout le monde fait mais dont personne ne parle. Comme le titre l’indique, nous plongeons alors dans le quotidien d’un Barack Obama perfectionnant son charisme devant un miroir, dessinant sa femme ou encore prenant un selfie. Accompagné d’un membre de son cabinet, le président joue la carte de l’humour et n’hésite pas à rire de lui-même, notamment lorsqu’il échoue à cette tache si difficile que nous avons tous expérimentée qui consiste à tremper un cookie dans un verre de lait. Le président ne s’arrête pas là et après avoir demandé s’il pouvait vivre sa vie lorsqu’il se fait surprendre en plein match de basket imaginaire, il conclut par un « YOLO man ! », autrement dit, on ne vit qu’une fois.

//

Post by BuzzFeed Video.

Si ces images humanisent sans aucun doute le président, leur finalité est évidemment toute autre : attirer l’intention de l’internaute américain sur l’assurance santé dont Barack Obama est à l’initiative. Aussi connue sous le nom « Obamacare », cette réforme vise à permettre aux citoyens les plus pauvres de bénéficier d’une couverture santé. Au cours de la vidéo, il rappelle ainsi l’échéance du 15 février pour s’y inscrire en même temps qu’il s’entraîne devant son miroir. A la fin, les visiteurs sont invités à cliquer sur le lien renvoyant sur le site healthcare.gov. Face à cette vidéo inédite, les réactions des internautes ne se sont pas faites attendre et la majorité d’entre eux saluent cette initiative du président :
« Cette vidéo est un moyen amusant de faire savoir au grand public que la date limite pour choisir une assurance maladie est le 15 février ! »
« Il n’y aura jamais aucun président aussi cool que lui ! »
«  Je ne suis pas fan d’Obama ou de sa politique mais j’ai apprécié cette vidéo. C’est agréable de voir un côté différent de lui. »
Plutôt doué ce Barack.
La mise en scène de la quotidienneté présidentielle
Si cette vidéo nous permet d’apprécier les talents artistiques et sportifs de Barack Obama, cette humanisation n’est pas innocente mais au service d’une stratégie bien bâtie. L’humanisation de la figure présidentielle n’est en effet pas quelque chose d’habituel, la finalité d’un président n’étant pas d’ordinaire de paraître cool ou sympa auprès de ses citoyens. La mise en scène du quotidien joue donc un rôle important qui consiste à rapprocher le président de sa nation, la quotidienneté étant inhérente à chacun de nous. Notons que le selfie est ancré depuis quelques temps maintenant comme une vraie pratique de la quotidienneté. Véritable acte de monstration de soi, le selfie vient ici servir l’extimité de la figure présidentielle dans l’espace public sous une forme totalement différente de celle à laquelle nous sommes habitués : un président cool avec qui on ferait bien une partie de basket. Rappelons que notre cher Barack n’en est pas à son premier coup d’essai puisqu’il avait participé à un entretien totalement décalé l’année dernière avec le comédien Zach Galifianakis dans Between Two Ferns pour Funny or Die. Des photos d’enfance avaient également été dévoilées lors du « Throwback Thursday » il y a quelques semaines.

BuzzFeed : un choix de média évident ?
Derrière cette stratégie de communication bien rodée adoptée par le président, le choix du média  n’est lui non plus pas innocent et relève d’une vraie réflexion préalable à l’impact de la vidéo. En effet, le pureplayer d’origine américaine Buzzfeed naît à New York en 2006 et rencontre un franc succès dans son pays natal. Avec un total de 150 millions de lecteurs mensuels, la recette de sa viralité repose sur un mélange d’informations légères, de chats, de contenus sérieux et encore de chats. Face à l’engouement et à l’utilisation massive des internautes américains de ce site, le choix de ce support médiatique comme vecteur de la vidéo paraît alors justifié.

Notons que si ce modèle fonctionne très bien aux États-Unis, son adaptation française rencontre quant à elle plus de difficultés à s’implanter dans les pratiques médiatiques des internautes. Si les Américains sont en effet très friands d’articles sur les animaux mignons, l’état d’esprit des Français ne s’inscrit pas du tout dans cette même dynamique. Les Français partagent en effet davantage de contenus d’actualités plutôt sérieux avec une dimension politique. Ce clivage est assez éclairant sur l’importance du culturel et le rapport différent qu’entretiennent France et États-Unis face à ce type de site. On peut ainsi raisonnablement émettre l’idée que le modèle de la vidéo Things everybody does but doesn’t talk about serait difficilement transposable en France : on n’imagine pas vraiment François Hollande dans une telle vidéo pour communiquer sur ses réformes.

Si aucune donnée n’est disponible pour apprécier l’impact de cette vidéo sur le nombre d’inscrits à l’assurance santé, retenons que cette dernière est toutefois rapidement devenue virale et a dépassé en seulement deux semaines les 50 millions de vues et les 500.000 partages sur le compte Facebook de BuzzFeed. Une chose est sûre : les talents en dessin du président ne sont plus à démontrer.
Pauline Flamant
@_Magnetique
Sources :
leplus.nouvelobs.com
lefigaro.fr
Crédits photos :
BuzzFeed

Société

Snapchat : from Sexting to Teaching

Jeudi 26 février, un nouveau client de poids débarquait sur Snapchat : Dan Bilzerian. Pour ceux qui ne le connaissent pas, celui qui s’autoproclame le « King of Instagram » est devenu célèbre sur les réseaux sociaux en publiant des photos de son mode de vie « libéré », composé en grande partie de fêtes arrosées, d’armes à feu en tout genre ou de soirées en compagnies de jeunes femmes sans complexes. Cependant, difficile de régner sur deux royaumes à la fois, face à cette arrivée en grande pompe et une première story évocatrice (prise de son lit avec pour compagnie un revolver chargé et une top modèle dans son plus simple appareil), Snapchat a réagi dans la foulée, bannissant le compte au bout de… 6 heures d’existence.
Dan Bilzerian 0 – 1 Ghostface Chillah (notre petit fantôme adoré)
Tu ne croyais pas si bien dire
Cette sanction prise rapidement par les modérateurs du réseau social peut étonner. L’argument principal venait du fait que ces contenus publiés publiquement par le biais du module « story » étaient accessibles à tous, et donc aux mineurs. Sur le papier, la raison est valable, dans les usages, elle étonne venant de Snapchat. Pour rappel, le petit fantôme qui soufflera sa quatrième bougie en septembre prochain a été crée par deux étudiants de Stanford qui avaient eu cette idée suite au scandale qui avait vu l’élu Anthony Weiner démis de ses fonctions pour avoir échangé des photos à caractère sexuel avec de nombreuses femmes.
Le sexting, un pilier en cours de démolition
Si les usages se sont aujourd’hui démocratisés, il ne faut pas oublier pour autant que l’application s’est développée en partie grâce au « sexting » (vous êtes majeurs et vaccinés, on ne vous fera pas de dessins). Une étude réalisée par des élèves de l’université de Washington (disponible ici) analysant les usages des « Snapchatters » et montre que 15% des usagers ont déjà envoyé des snaps à caractère sexuel et que près de 25% ont déjà envoyé des traits d’humour assez connotés. Cependant, les images n’ont pas toujours le caractère éphémère que la marque leur adosse. Il est toujours possible de prendre des captures d’écran (même de manière cachée grâce à des applications tierces), ce qui peut devenir problématique, surtout face à de nouvelles pratiques fermement condamnées comme le « Revenge Porn » (lorsque des cœurs brisés publient sur Internet des clichés ou des vidéos compromettantes de leurs ex en mentionnant même parfois l’adresse de leur lieu de résidence, pour plus d’infos on en parle ici). N’oublions pas non plus les ennuis que l’appli s’est attirée en gardant trop longtemps cette image sur les stores, ou enfin le scandale qui avait éclaté lorsque des hackers ont récupéré des dizaines de milliers de photos qui étaient censées avoir disparu.
Les usages semblent pourtant considérablement changer: le fantôme a fait son petit bonhomme de chemin et compte plus de 100 Millions d’utilisateurs actifs (dont plus des deux tiers ont moins de 25 ans). L’application fait un carton chez les très jeunes et il est temps pour la marque d’opérer quelques changements si elle veut perdurer sans créer de scandales dans un futur proche. A ce propos, rappelons qu’après avoir refusé plusieurs propositions d’achats de plusieurs milliards de dollars, la société devrait être réévaluée à 19 milliards de dollars et vend des espaces éphémères de 24h aux annonceurs pour la modique somme de 750.000 dollars. Il serait donc judicieux d’éviter de tarir le filon avec quelques petits scandales liés à la nudité. C’est dans cette optique que la marque déclare dans ses nouvelles consignes « Keep your clothes on ! »

Une plateforme à destination des adultes
A l’occasion du Safer Internet Day, Snapchat a inauguré sa nouvelle plateforme : le Snapchat Safety Center. Ce nouveau site au design enfantin a pour vocation de sensibiliser les parents et les éducateurs aux usages que peuvent faire leurs enfants de l’application de messagerie par l’image. L’entreprise a développé un partenariat avec trois associations qui luttent pour la sécurité d’internet. On y retrouve des études propres aux différents usages du service ainsi que des liens vers le site de support et de prévention de l’application. Un guide explicatif de six pages à destination des parents et des éducateurs est également disponible. Doit-on donc se rassurer d’une telle décision de la part de ce nouveau géant ? Cette plateforme mettant en scène le petit fantôme et ses amis (la famille s’est considérablement agrandie) est-elle tout à fait innocente ?
Sensibilisez vos enfants, mais surtout parlez-en !
Sur cette plateforme la marque se met en avant, elle s’autoproclamme accompagnatrice de la jeunesse, participant d’une certaine manière à l’émancipation et au développement de celle-ci. On ne reviendra pas sur ces déclarations typiques mais certaines formules sont assez intéressantes tout de même.
Because Snapchat is an important way many young people communicate, parents and teachers should talk with them about how they’re using Snapchat.
Snapchat est ici incontournable, le terme « because » renforce cette idée. Les parents et les professeurs devraient parler de cette application et de ses usages à leurs enfants. Le discours est fort, il affirme qu’il est du devoir des parents de traiter de ce sujet avec leurs petits, pour les protéger, mais aussi les instruire. De là, à l’usage même des adultes pour promouvoir l’usage de l’application à leurs enfants, la frontière semble aisément franchissable. L’usage de la figure professorale est également très fort, il serait important de traiter de ces sujets à l’école, comme si le bon usage de Snapchat faisait partie des essentiels de la scolarité.
Help your kids and students understand how and when to report issues, and encourage them to be good to their friends and responsible members of the Snapchat community.
Le doute ne semble plus permis, la marque propose ouvertement d’encourager les élèves à être de bons membres de la communauté Snapchat.
En grandissant toujours plus vite et en réunissant toujours plus d’utilisateurs de plus en plus jeunes, la marque se devait d’opérer un virage plus éthique pour faire perdurer son incroyable expansion. En 2015, elle s’ouvre à de nouvelles voies avec, par exemple, un premier pas dans les médias via le module Discover et se doit d’apparaître plus sérieuse au vu des sommes qu’elle génère. Pour ce faire, le fantôme doit renier une partie de ce qui l’a fait grandir, quitte à suspendre définitivement aujourd’hui les comptes dérogeant aux nouvelles règles. Etait-ce nécessaire pour devenir encore plus grand ? Les prochains mois nous le diront.

Valentine Cuzin
Sources :
snapchat.com
rtl.fr
Crédits photo :
Safety center snapchat

discover snapchat fastncurious
Agora, Com & Société

Snapchat lance Discover (et sa monétisation ?)

Fin janvier 2015, l’application des 15-25 ans de partage de photo et de vidéo Snapchat a annoncé le lancement d’un nouveau service : Discover. Cette nouveauté permet aux utilisateurs de « switcher » depuis leurs partages personnels vers des contenus interactifs d’actualité ou de divertissement fournis par d’importants médias tels que CNN, National Geographic ou encore Vice. Chaque page propose tous les jours une nouvelle offre interactive actualisée (photos, vidéos, textes etc.). La firme qui ne générait jusqu’alors aucun revenu et qui a été valorisée à plus de 10 milliards de dollars serait-elle entrain d’enclencher sa monétisation en créant à travers Discover des espaces publicitaires potentiellement très juteux ?
Snapchat comme outil marketing prometteur
« Ce que nous vendons à Coca-cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Cette célèbre phrase de Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1, résume bien les enjeux rencontrés par les annonceurs et les médias. En effet, ce qui intéresse les marques dans leur stratégie médias, c’est de trouver les supports les plus adaptés à leur cible : toucher le plus possible les consommateurs potentiels et de la façon la plus efficace.
Une étude récente menée par la chaîne de télévision anglaise Sky News a montré que 18% des 16-24 ans seulement utilisaient des médias dits « mainstream » (comprendre « médias traditionnels » tels que la presse écrite, la télévision et la radio) pour s’informer de l’actualité. En effet, les réseaux sociaux sont devenus en quelques années la première source d’information de cette tranche d’âge tant sollicitée par les marques.
C’est pour s’adapter à de telles mutations que les entreprises de médias classiques se sont de plus en plus imposées sur la toile, principalement sur Facebook et Twitter. L’information délivrée prend la forme de ce que l’on pourrait appeler des « digest news » : il s’agit d’une information « prémâchée » dans le sens où leur contenu est succinct, synthétique et ne pousse pas l’internaute à l’interprétation ou à des questionnements. Le but in fine étant encore et toujours d’attirer les annonceurs, la publicité étant leur source de revenu principale.

Le format et le principe même de l’application Snapchat semble très attrayante en termes de publicité et de marketing. Les marques s’y intéressaient d’ailleurs de plus en plus en postant des vidéos ou des spots dans la rubrique « stories » de l’application. Cela leur permettait de toucher un public jeune (15-25 ans), très précieux et difficile à atteindre. Le principe de Snapchat repose sur le caractère éphémère des images et des vidéos qui disparaissent au bout de 3 à 10 secondes. Cela force l’utilisateur, potentiel consommateur, à délivrer de l’attention le temps de la visualisation : le caractère éphémère du contenu permet de focaliser efficacement l’attention de l’utilisateur.
Ce caractère éphémère se retrouve dans la nouvelle fonctionnalité de Snapchat, Discover. Les médias d’information présents proposent des contenus disponible pendant seulement 24 heures dans un format au sein duquel des insertions publicitaires semblent faciles. Bien que Snapchat ne s’en vente pas encore en ces termes, il y a de fortes chance que ce modèle économique ait été choisi pour amorcer la monétisation de l’application au petit fantôme déjà valorisée à 10 milliards de dollars.
Le risque d’une « ringardisation » et d’un détournement des utilisateurs
Snapchat est un réseau social et sa communauté risque de s’en détourner dans le sens où Discover n’a pas été conçu sur ce modèle. Parmi les avantages à s’informer à partir des réseaux sociaux, on trouve principalement le ciblage qui va être fait par les utilisateurs. En effet, les internautes peuvent choisir quels médias, quelles marques ils vont suivre selon leurs centres d’intérêts. Les données récoltées vont ensuite permettre une publicité ciblée de la part des annonceurs. L’offre s’adaptera aussi en fonction de ce que vous suivez, lisez, regardez. C’est le principe même de Facebook.
Or, Discover n’offre aucun ciblage. Le contenu est choisi par les partenaires financiers de l’application qui vont tenter de captiver une audience qui n’a pas choisi sur quoi elle allait « s’informer ». L’offre est la même pour tous les utilisateurs. Discover n’est pas « social » et l’équipe de Snapchat l’affirme « Discover n’est pas un média social. Les médias sociaux nous disent quoi lire à partir de ce qui est le populaire. Nous voyons les choses différemment. Nous comptons sur les rédactions et les artistes, pas sur les cliques et les partages, pour déterminer ce qui est important ». Il s’agit en quelque sorte d’un retour au modèle de la télévision des années 1950, où les téléspectateurs regardaient tous la même chaîne sans aucun choix possible.

Le business model de Discover semble avoir pour but de capter du « temps de cerveau disponible » et non pas d’informer les internautes sur l’actualité en choisissant et en traitant des faits marquants de l’actualité. Il n’y a rien de social là dedans car aucune interaction entre les utilisateurs à lieu : pas de partages, pas de likes…
Cette mutation d’un réseau à l’origine social en un média qui semble construit sur un modèle désuet dans un contexte où il est acquis que les internautes veulent choisir ce qu’ils voient, pourrait conduire à une « ringardisation » de Snapchat. D’autant que ses utilisateurs sont très jeunes, connectés et habitués aux pratiques des nouveaux médias.
Cependant, Snapchat n’est pas la première plateforme sociale à opérer une transition vers une fonction de publication de contenus et à capitaliser sur le storytelling. Les marques se servent par exemple, d’Instagram pour faire de la « native advertising » (publicité native). Il s’agit selon Charles Gros (expert des médias online) de la « descendante directe du publireportage sur supports journalistiques » qui propose « des contenus publicitaires littéralement intégrés au contenu des sites internet ».
Alice Rivoire
Crédits images :
adweek.com
theguardian.com
huffingtonpost.fr

Environnement, Flops

Quand Aoste prend les végétariens pour des jambons

Aoste, célèbre marque de jambon, a pris cette année la résolution de revenir sur les écrans pour nous faire part de sa nouvelle publicité. Mauvaise idée. Mettant en scène une famille végétarienne très stéréotypée pour vendre son jambon grandes tranches, la marque s’est totalement décrédibilisée en janvier dernier. Largement contesté sur le web, ce spot publicitaire permet à Aoste de décrocher le flop du mois.

Comme vous l’avez remarqué dans ce spot s’apparentant à une campagne des années 1950, les végétariens sont donc des hippies sales qui cultivent du quinoa pour pouvoir acheter leurs vêtements chez Desigual. Bah oui, évidemment.
Quand les végétariens 2.0 s’indignent
Au-delà des nombreuses réactions que l’on a pu voir fleurir sur les réseaux sociaux, un article publié sur TerraEco a tiré son épingle du jeu, ne comptant pas moins de 9400 likes sur Facebook et 224 partages sur Twitter. Titré « Dis Aoste, tu voudrais pas foutre la paix aux végétariens ? », le coup de gueule de Claire Baudiffier, rédactrice du site web, a été relayé dans beaucoup d’articles, notamment sur le site Rue89 où il comptabilise à ce jour 267 commentaires. En voici un extrait :
« Et non, Aoste, je ne suis pas hippie, je ne suis pas malade, je ne suis pas carencée, je ne suis pas triste, je ne suis pas chiante, je ne suis pas en manque. Et surtout, Aoste, ingurgiter le moindre bout de ton jambon ne me ferait pas pleurer. Pas de joie en tout cas.
Et pourtant, Aoste, c’est à cause de toi, à cause de publicités d’un autre âge comme la tienne, que je dois tous les jours m’expliquer, me justifier, et raconter le pourquoi du comment. A midi, le soir, au restaurant, quand je rencontre de nouvelles personnes. Et j’en ai un peu marre, figure-toi. » Deux pétitions ont également été lancées dans le but de stopper la diffusion de cette publicité, rassemblant à elles deux plus de 4200 signatures.
Pourquoi tant d’indignation ?
Parce que nombreux sont ceux qui trouvent cette publicité caricaturale et réductrice. Dans le spot, le fils ainé déclare « en avoir marre de manger toujours la même chose : salade verte-céleri, céleri-salade verte… ». La stigmatisation et le concentré de clichés mis en scène par Aoste n’ont pas plu aux végétariens, qui représentent aujourd’hui 2 à 3% de la population française. Cela peut ne pas vous paraître énorme, et pourtant quand les végétariens sont indignés, ils réussissent à se faire entendre. Ce que les végétariens ont le moins apprécié, c’est le fait qu’Aoste sous entende que la privation de viande est une décision imposée aux enfants par leurs parents, et que cela va presque jusqu’à les rendre malades, tant la variété de ce qui compose leur menu laisse à désirer. Or, comme nous pouvons le lire dans un article du Citizen Post, pour les végétariens « cela relève d’un choix personnel, autant que pourrait l’être le choix d’un style vestimentaire, d’une destination touristique ou même d’une idéologie politique ou d’une pratique religieuse ». A vous de vous faire votre propre avis.
Une marque qui dérange
Quoi qu’il en soit, ce qui dérange le plus ceux qui se sont révoltés contre ce spot publicitaire, c’est qu’Aoste se moque non seulement des végétariens, mais passe sous silence un bon nombre de détails concernant son propre cas. En 2011, le mensuel Politis dévoile en effet dans son article « Arnaque au « Made in France » agricole et gastronomique », que le jambon Aoste « n’est que le sous produit d’une multinationale américaine. Ses filiales ramassent des carcasses de porcs dans tous les pays du monde (et en Bretagne) mais le résultat n’a rien à voir avec la charcuterie de la ville italienne d’Aoste dont elle n’a plus le droit de se réclamer après de nombreux procès et surtout l’intervention (en 2008) de la Commission européenne qui a mis fin à cette tromperie organisée par Cochonou et Justin Bridou ». Dans le même article, on apprend que la marque « a sauvé son appellation trompeuse en installant ses usines dans la commune d’Aoste qui se trouve en Isère ; et vend ses produits sous le nom de « Jambon Aoste ».» Vous l’aurez bien compris, Aoste – qui semble avoir pas mal de choses à se reprocher – se moque des végétariens pour véhiculer des informations erronées sur un mode de consommation alternatif qui se veut plus respectueux des animaux et de l’environnement. Ironie du sort. Le problème, c’est que la marque, en réalisant cette publicité, a du se dire qu’il n’était pas grave de choquer une communauté qui ne consomme pas ses produits. Ce qu’Aoste ignorait surement à ce moment là, c’est que ce petit bad buzz aurait pu réveiller quelques uns de ses consommateurs éclairés. Il est un peu trop tôt pour voir l’impact de ce flop communicationnel sur les ventes de la marque de jambon, mais en ce qui me concerne j’ai jeté la tranche qu’il restait dans mon frigo après avoir lu ces horreurs, et je ne dois surement pas être la seule.
Quoi qu’il en soit, la marque s’est finalement sentie obligée de réagir et de bafouiller quelques excuses banales sur Twitter, sous le poids de ces nombreuses plaintes.

Et la liberté d’expression dans tout ça ?
Cette indignation du « web végétarien » vous semble peut-être un peu abusée. D’accord, le spot est réducteur et provocant, mais ça reste de l’humour après tout. Et pour une publicité sortie au mois de janvier, on est vite amenés à faire le parallèle avec les manifestations « Charlie Hebdo », et à se demander où sont passés les millions de personnes qui défendaient ce jour là le droit de rire de tout : des musulmans, des chrétiens, des juifs, des vieux, des ados, des gros et des maigres, mangeurs de viande ou non. Le site du magazine féminin Biba a publié un article à propos de ce bad buzz, et l’a adouci en rappelant « qu’exagérer la réalité, c’est un peu le principe de l’humour ». En effet, les végétariens rouspètent lorsque l’on se moque d’eux, mais il est rare d’entendre des geeks, des Jean-Eudes ou des gothiques s’offusquer parce que l’on joue sur des clichés les concernant. Comme le rappelle le même article, « Quand dans une pub il y a un nerd, il a des lunettes moches, les cheveux gras et mange des pizzas. Alors qu’il existe des nerds beaux qui se font opérer de la myopie et qui s’alimentent parfaitement, parce qu’ils sont végétariens ». Blague à part, il est intéressant de nuancer l’indignation des végétariens face à cet humour, bien qu’il puisse paraître assez cynique de la part d’une marque qui se moque de personnes qui ne lui ont rien demandé, sachant qu’elle a de lourdes choses à se reprocher. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’Aoste fait une publicité de mauvais goût. En effet, la marque avait fait, en 2013, le lien entre l’occupation française et la charcuterie, ce qui avait déjà indigné pas mal de français :

La diffusion du spot tv étant terminée, cette affaire va surement finir par s’apaiser. Mettons la faute sur un publicitaire en mal d’inspiration, qui aurait mieux fait d’imiter Fleury Michon et sa méthode de transparence sur la production de son jambon. A croire qu’Aoste souhaite encore jouer sur la confusion de son nom… Mais ne perdons pas espoir, cette petite crise sera peut-être l’occasion pour la marque de ré-aligner son positionnement et son discours, pour répondre aux attentes de ses consommateurs et arrêter d’agacer ceux qui ne sont pas concernés.
Voila une histoire qui fait surement sourire Cabu de là-haut, qui luttait à coup de crayons pour défendre le végétarisme, l’écologie et le respect des animaux.

Louise Bédouet
@: Louise Bédouet
Sources :
mrmondialisation.org
communication-agroalimentaire.com
bibamagazine.fr
rue89.nouvelobs.com
leplus.nouvelobs.com
citizenpost.fr
vegactu.com
www.politis.fr
Crédits photos :
pbs.twimg.com
img.over-blog-kiwi.com
mrmondialisation.org

la vérité sur les filles fastncurious
Société

Twingo et la vérité sur les filles : un féminisme raté

Le 11 février dernier, Renault, via l’agence Marcel (qui nous avait déjà fait aimer les fruits et légumes moches l’année passée), a lancé son opération « La vérité sur les filles » pour promouvoir sa nouvelle Twingo. Au programme : tweets et selfies contre sweat-shirts et totebags.
En effet, la campagne se présente comme une véritable chasse aux clichés et est caractérisée par un refus de la « femme parfaite ». Très interactive, l’initiative repose sur plusieurs piliers : tout d’abord trois spots diffusés à la télévision et sur internet et portés notamment par Bérengère Krief (comédienne et humoriste que vous avez connu dans Bref) et Nora Hamzawi (humoriste, chroniqueuse du Grand Journal sur Canal + et d’On va tous y passer sur France Inter). Intitulées « les bonnes résolutions », « le texto » et « les contes de fées », ces vidéos veulent revendiquer avec humour le droit des femmes à l’imperfection.
 

 
L’opération est aussi portée par d’influentes bloggeuses mode parmi lesquelles Kenza (larevuedekenza.fr), Deedee (Deedeeparis.fr) et Coline (etpourquoipascoline.fr) qui ont, à l’instar de Bérengère Krief et Nora Hamzawi, chacune créé un slogan chargé de véhiculer une idée forte sur les femmes ; parmi ces propositions humoristiques, on trouve des formules telles que: « Je mange du gluten », « Je crois au prince charmant et aux licornes », « Je ne suis pas chiante, je suis cérébrale », « J’adore les enfants (quand ils dorment) », « Je suis un cordon bleu du surgelé », ou encore « Femme jusqu’au bout de mes sneakers ».

Ces slogans seront ensuite déclinés sur différents supports, en sweat-shirts, T-shirts et totebags qui seront échangés gratuitement contre des selfies dans une boutique éphémère entre le 27 février et le 8 mars à Paris, puis dans toute la France à partir du 20 mars grâce à un « roadshow ». Les internautes peuvent aussi tenter de gagner leur sweat personnalisé en tweetant leurs propres vérités et en utilisant le hashtag #lavéritésurlesfilles.

Une campagne féministe… ou un flop total ?
Le problème, c’est que malgré cette volonté de faire une campagne drôle, interactive et dénonçant les préjugés sur les femmes, on se retrouve rapidement avec un sentiment de gêne… Finalement, les filles représentées dans cette campagne ne s’inquiètent toujours que de leurs régimes, de leur « horloge biologique », de leurs amours ou de leurs vêtements. Au lieu de se défaire de ces clichés, elles se positionnent en négatif par rapport à eux, alors qu’elles pourraient montrer ce qu’elles sont vraiment (fortes, drôles, travailleuses, sympa, fêtardes…). Individuellement, les spots et les goodies sont assez bien ficelés, mais la campagne dans l’ensemble dérive rapidement vers un sexisme latent dénoncé par de nombreux internautes…
D’autant plus que Renault n’en est pas à son coup d’essai dans le thème « campagne sexiste ». En juillet 2014, la marque avait dévoilé sur son compte Belgo-luxembourgeois une vidéo d’assez mauvais goût en proposant aux femmes l’option « Désolée-de-m’être-garée-là » pour avoir l’air « d’une fille sympa même quand vous êtes mal garée » :

Le fait est que cette nouvelle campagne attire un certain nombre de commentaires plus ou moins acceptables via le hashtag #lavéritésurlesfilles : du ridicule à la misogynie, les propositions des twittos rendent plus perplexes qu’elles ne font rire.
On fait des caca papillons #LaVeriteSurLesFilles
— Clara (@Clara_Kck) 19 Février 2015
 

#laveritesurlesfilles c’est que qu’il vaut mieux ne pas chercher à comprendre le plus souvent — Megaconnard (@megaconnard) 12 Février 2015

Mais surtout, c’est une campagne qui veut donner LA vérité sur les femmes… Comme si elle était unique et universellement acceptable. Renault véhicule ainsi l’idée qu’il suffit d’avoir un manuel, une sorte de guide type pour comprendre toutes les femmes, sans distinction de personnalité, de caractère ou de sensibilité… Et que toutes les femmes entrent dans une seule et même catégorie. D’où de nombreuses protestations sur Twitter qui dénoncent purement et simplement cette campagne, ou qui l’utilisent pour pointer du doigt de véritables inégalités homme-femme en changeant totalement la portée du hashtag :
Genre les filles sont un sous groupe homogène du genre humain. Super, quoi. #LaVeriteSurLesFilles #Sexisme
— VeniVidiVoyage (@VeniVidiVoyage) 12 Février 2015

“@Larmurerie: #LaVeriteSurLesFilles c’est qu’en France 121 femmes ont été tuées sous les coups de leur conjoint en 2013” 1 femme / 3 jours — MarieShani Pinkfear (@MarieShani) 12 Février 2015

En somme, une campagne ambitieuse qui aurait pu être très innovante et originale (les goodies, le pop-up store, l’interactivité et la lutte contre les clichés) mais qui tombe dans les travers qu’elle était censée dénoncer… Dommage.
Léa Lecocq
 
Sources:
laveritesurlesfilles.fr
larevuedekenza.fr
etpourquoipascoline.fr
deedeeparis.com
leplus.nouvelobs.com
marieclaire.fr
leplus.nouvelobs.com
madame.lefigaro.fr
Crédits images
img.e-marketing.fr
misszaza.com
Tumblr.com 1, 2,3