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Le street, c'est pas automatique

 
S’il y a encore un mariage qui fait débat, c’est naturellement celui de la publicité et du street-art. La tendance à cette association contestée n’est, certes, pas inédite mais elle poursuit sa systématisation et sa normalisation. Loin d’être encore perçu comme une expérimentation originale et périlleuse de la marque, le recours aux codes du street-art est désormais tristement banal. L’underground acéré s’est fondu dans la masse, à grands coups d’édulcoration et de censure. Exit les contenus politiques et sociaux contestataires, bienvenue dans le joli monde marketé du street-art gentillet.
Un mariage arrangé contre-nature
« J’essaie de faire de belles peintures et je m’arrêterai le jour ou la publicité ne m’agressera plus dans les rues » , nous dit le street-artist Lenz. Que penser aujourd’hui quand le street-art prend part au mécanisme de « pollution visuelle » qu’il prétend combattre ?
Le street-art et la publicité entretiennent originellement une relation conflictuelle, aux limites de l’antagonisme. Les Pixadores, groupe de graffeurs de São Paulo, appuient cette idée en présentant le street-art comme « une forme de protestation, de révolte idéologique ! » . Précisons que, ironie du sort ou appât du gain, ces mêmes défenseurs de l’art sauvage finiront par collaborer avec Puma en 2012 (Puma x ASOS dans « OS PIXADORES »).
L’acte originel de la profanation de l’espace publicisé (ou simplement urbain) a aujourd’hui ouvert la voie à son contraire. Le contre-dispositif qui se met en place depuis quelques années investit la publicité non plus comme victime du street-art mais bel et bien comme instigatrice et mécène de celui-ci. Le mouvement audacieux et subversif est devenu un enjeu économique, tombé dans la production à la chaîne et instrumentalisé à des fins marchandes.
Le street-art pour tous ?
La question majeure qui se pose est celle de la légitimé et de la pertinence d’une marque à communiquer via les codes esthétiques et culturels qui sont ceux du street-art. Se dessinent alors plusieurs cas de figure, que l’on peut distinguer en fonction du degré de cohérence entre l’ADN de la marque et les valeurs portées par l’art de rue (la transgression, la contestation…).
Les « vrais » de la street

Keith Haring pour Reebok (à gauche) – Modèle Toki de Nike (à droite)
Ces « vrais de vrais » sont à chercher parmi les marques qui, à l’instar de Reebok ou de Nike, ont fondé leur image même sur cette « culture de la rue ». Les collaborations avec des street-artists ou les featurings avec des rappeurs se justifient par le fait qu’ils coïncident avec la volonté de la marque de se positionner en tant que pseudo « sub-culture » revendicatrice.

Le street-artist Niark à l’œuvre dans le métro pour la campagne
« Shoes are boring, wear sneakers » de Converse
Dans cette même catégorie, on retrouve les marques qui exploitent le filon de la provocation et de l’anticonformisme. Converse, avec sa campagne « Shoes are boring, wear sneakers » , dont les affiches ont été « vandalisées » volontairement par des street-artists, ou avec l’aménagement de son pavillon (au bord du canal de l’Ourcq) par l’artiste Supakitch propose une véritable collaboration entre l’art de rue et la publicité.
Les surfeurs superficiels
Ce phénomène de « street-artification » a particulièrement le vent en poupe chez les marques de boissons : on ne compte plus le nombre de bouteilles collectors en édition limitée issues des collaborations Marque/Street-Artist (Hennessy, Perrier, Malibu, J&B, Kronenbourg…). Le mouvement a également trouvé un écho dans la fashion sphère, où les marques de vêtements de luxe et semi-luxe ont toutes plus ou moins exploité les codes graphiques du street-art (Kongo x Hermès, Honet x Lacoste…).

Le manquement fondamental de ces marques est d’envisager le recours à ces « arts décalés » comme une formule magique à même de satisfaire leur aspiration à s’inscrire dans l’air du temps et à toucher un public jeune et branché.
La directrice marketing France de Perrier souligne en effet, dans le cadre de la collaboration « Inspired by Street-art » , la volonté de « parler à des gens avec lesquels [la marque] ne parle pas d’habitude », entendons « les jeunes urbains ».
Or, dans le monde de la communication, les échecs retentissants provoqués par ce type de raccourcis maladroits sont légion. Si peindre un 4×4 en rose n’en fait pas pour autant une voiture destinée aux femmes, si parler verlan n’est pas la garantie de toucher un public jeune, « faire à la manière» du street-art ne suffit pas à transformer une marque en the brand to be.
Le risque encouru, via ce genre de raisonnement littéral, est de tomber dans la gratuité de l’esthétique et dans l’absence de discours de marque au-delà. Le rapport entre le street-art et la marque devient indéniablement superficiel au sens où cette dernière est davantage dans l’imitation de codes visuels que dans l’incarnation de valeurs fortes.
La journaliste Catherine Cochard le formule clairement : « L’art est soumis aux règles de la tendance et celle-ci est actuellement urbaine » . Les marques, dans leur désir d’actualité et d’attractivité, sont ainsi les premières à surfer sur cette vague.
Les opportunistes illégitimes

La Collection Street-art de Monoprix, lancée en cette rentrée 2014, symbolise la dénaturation et la négation la plus complète du mouvement artistique qu’est le street-art. La marque a banalisé au plus haut point la tendance et a destitué l’œuvre d’art pour en faire une pure marchandise. L’absence de signature d’un artiste en particulier, au profit d’un englobant « Collection Street-art », marque l’apparition de biens de consommation sérialisés et anonymes, dont seule l’esthétique désincarnée évoque vaguement les graffitis urbains. Dans ce lieu de distribution grand public qui propose la customisation de produits domestiques (torchon, gant de cuisine, culotte…), l’art a disparu, le street aussi.
Monoprix, qui s’est démarqué sur d’autres collaborations bien plus réussies, a malheureusement endossé le mauvais rôle cette fois-ci. Alors que le recours au street-art se limitait, jusque-là, à des campagnes publicitaires et des produits de niche, l’initiative malhabile de la marque fait jouer au mouvement artistique urbain son dernier acte : celui de sa néantisation.

Détournement des codes visuels des packagings Monoprix par Martin Parker, adepte
de urban hacking, pour dénoncer la « Collection Street Art »
Le divorce radical entre l’annonceur et l’urban-artist n’est pas nécessairement souhaitable. Il serait simplement bon que certaines marques osent fermer leur porte et laisser le street-art à la rue.
Tiphaine Baubinnec
http://www.linkedin.com/pub/tiphaine-baubinnec/75/76/995
Sources :
slate.fr
digitalhunter.fr
allcityblog.com
fabula.org
midilibre.fr
Crédits photos :
street-rules.com
buzzly.fr
fraisfrais.com
monoprix.fr

Agora, Com & Société

Parisienne, lève-toi !

 
C’est quoi une Parisienne ? D’aucuns diront que c’est une snob, égocentrique, habillée avec classe. Détrompez-vous, elle est bien plus subtile que ça ! Elle se caractérise par son élégance si simple et si chic à la fois, aussi bien naturelle que recherchée, par son goût des belles choses mais son refus du luxe clinquant, par l’exigence de l’original mais sa volonté de se fondre dans la « masse », à la fois consciente d’elle-même mais feignant de l’être… Mais que cela doit être fatigant d’être Parisienne, à toujours naviguer dans cet océan de contraires !
Figure idéale aux contours flous que les magazines, publicités, stylistes, et créateurs s’évertuent à nous décrire, personne ne s’accorde néanmoins sur une définition claire : la Parisienne est un concept flottant, une nébuleuse de mots accrocheurs et vendeurs qui donnent à rêver en évoluant toujours autour de l’univers parisien. Par conséquent, elle est cet idéal inatteignable, ce vers quoi l’on essaye de tendre en ne parvenant qu’à l’effleurer.
En outre, elle semble s’adresser à tout le monde par le biais des publicités, mais ne concerne en réalité qu’un petit nombre restreint de personnes -encore une de ses fâcheuses contradictions. La Parisienne est terriblement élitiste. « Je suis belle, ô mortels » dit Baudelaire, théoricien de cette figure qui s’ignore dans La Beauté ; elle habiterait ces hautes sphères fermées à la multitude (nous).
La Parisienne fait genre
En effet, n’est pas Parisienne qui veut ! Malgré son goût prononcé pour la simplicité, elle fréquente des boutiques inabordables pour le commun des mortels (toujours nous). De plus, être Parisienne à plein temps nécessite un sacrifice de sa personne : c’est se consacrer corps et âme à cet idéal sous peine de sortir de cette bulle élitiste. Le moindre faux pas et retour à la case départ ! Elle doit être toujours à l’affût des nouvelles tendances, malgré ses éternels basiques. Aurait-elle oublié de vivre sa vie pour seulement vivre celle de son Idéal ?
La Parisienne fait sa pub !
La Parisienne fait son show dans le monde entier. Si le concept ne concerne qu’une infime partie de la population, l’imaginaire qu’il génère touche tout le monde. Et pour cause, se sentir Parisienne, c’est se sentir moderne, inscrite dans son temps et avoir un impact dans la société : ça « fait bien » aux yeux du monde. Les publicités l’ont bien compris et communiquent sur l’immatériel qu’elle suscite.
La Parisienne touche tous les secteurs, et notamment celui de la parfumerie. Parisienne, le parfum griffé Yves Saint Laurent, est mis en scène par TBWA qui œuvre à montrer l’héroïne éponyme de ce spot comme une femme moderne, à la fois sensuelle, énigmatique et impérieuse, vivant romantiquement la nuit dans son éternité : « vivre et aimer sans attendre » nous dit-on. Le décor parisien, agrémenté de rose et de noir, incarne cette alliance de volupté et d’élégance. Elle est ce double objet sexuel qui suscite le désir tant chez les hommes qui la convoitent que chez les femmes qui la jalousent. La Parisienne ou cet oiseau nocturne qui passe des nuits torrides et sait rentrer au petit jour avec classe et sérénité, même pas fatiguée ! Si seulement on pouvait faire pareil…

 

 
Mais la Parisienne sait aussi influencer des secteurs moins glam’ comme celui de l’automobile avec la présentation de la nouvelle DS Citroën, Inès de la Fressange au salon de l’automobile qui se tenait à Paris cet automne : il s’agit de consommer une image ainsi qu’une philosophie pour ne pas dire une idéologie. Acheter une voiture pour s’acheter une conduite – sans mauvais jeu de mot.
La Parisienne impose son style !
Adhérer à la philosophie de la Parisienne, c’est accepter un certain nombre de règles déguisées sous forme de « conseils ». Inès de la Fressange, dans son livre La Parisienne, impose une certaine « méthodologie du shopping » qu’il faut suivre rigoureusement pour, un jour, pouvoir prétendre intégrer cette communauté, tout en évitant les fashion faux pas. Si de tels livres existent, c’est bien que l’on souhaite vendre un concept, une idée, un état d’esprit et surtout une ligne de conduite ! La Parisienne devient un modèle à suivre.

Serait-elle ce que Baudrillard appelle déjà, dans La société de consommation un « idéal de conformité » ? A force de vouloir se différencier et se démarquer de son prochain, on tombe dans le schéma inverse qui préconise l’affiliation à un modèle, l’obéissance à un code, à ce que Baudrillard appelle « une échelle mobile de valeurs » : on risque de tomber dans une sorte d’homogénéisation ambiante. Derrière ce concept devenu banalité car très (trop ?) répandu, semble se cacher une forme de diktat de l’élitisme qui souhaite rompre avec la quotidienneté et sa trivialité. Consommer l’image de la Parisienne reviendrait à refuser son quotidien, s’en défaire pour mieux se dire que l’on est pour soi et aux yeux des autres quelqu’un d’exceptionnel à tous les niveaux. Justifier son droit à l’exception en étant Parisienne. S’agirait-il donc de délaisser sa propre identité pour rejoindre celle de l’élite en matière de vie et de style, et a fortiori d’adhérer à un modèle féminin préconçu ?
Plutôt que d’essayer de définir ce qu’est la Parisienne, laissons-nous être parisiennes comme nous l’entendons. Plus besoin de tenter d’esquisser les contours de ce concept mais plutôt s’autoriser sa propre définition. La Parisienne ou l’idée qui permet une création : celle de son propre idéal.
C’est peut-être cela qui explique le succès de la publicité de Guerlain La Petite Robe noire – consacrée publicité préférée des Français pour l’année 2012, selon le palmarès d’Ipsos – dont le personnage principal est ce coup de crayon jamais fini, qui laisse l’imagination libre de l’achever. Sous couvert de rester à Paris et d’aimer le noir.

 
« Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles ». Baudelaire, La Beauté
La Parisienne n’est pas près de mourir.
 
Jeanne Canus-Lacoste
 
Sources :
La Parisienne, Inès de la Fressange
franceculture.fr
Vogue : la nouvelle Parisienne, numéro 950, septembre 2014
puretrend.com
Crédits photos :
wgsn.com
lapopmode.com
zalando.fr

Publicité

MARKETING "GAY FRIENDLY" POUR TOUS!

 
Dans le but de promouvoir ses journées portes ouvertes, la SPA lance une nouvelle campagne print. Cette dernière, en faisant un pied de nez aux militants de la « Manif pour tous », met en exergue la représentation de la communauté homosexuelle dans la publicité.
On a pu observer dans les couloirs du métro parisien la nouvelle campagne de communication de la Société de Protection des Animaux. Ces affiches mettent en scène un couple gay rassemblé autour d’une adorable boule de poils. Rien d’incroyable jusque-là .Pourtant, pour une fois, l’entreprise a choisi de représenter cette communauté sans utiliser de stéréotypes et cela dans un contexte social houleux qui oppose « mariage pour tous » à « manif pour tous ». La publicité aurait-elle également comme objectif de mieux intégrer la communauté homosexuelle ou est-elle seulement intéressée par l’impact que ce type de message peut apporter aux marques ? Il semblerait que cette campagne ne soit finalement pas si anodine que cela …

Com & Société

ザジ* Dans le métro

(*)
 
La publicité dans le métro parisien donne parfois l’impression d’être laissée à l’abandon. Quelques écrans LCD rarement bien positionnés, les affiches géantes indigestes, les espaces vides.

La comparaison est impitoyable. La publicité s’est pleinement intégrée dans l’espace urbain japonais et Tokyo par exemple est submergée par une publicité omniprésente, visuellement très accrocheuse.
D’abord parce que l’espace du métro est le lieu de passage d’une énorme concentration de personnes ; à Tokyo c’est une audience potentielle de presque 9 millions de voyageurs par jour, le plus fréquenté du monde. Et puis dans le métro, l’attention est plus forte que dans un autre contexte. On peut changer de chaîne au moment d’une publicité à la télé, on peut installer Adblock sur Firefox, on peut passer les pages de réclame dans les magazines, mais les possibilités pour l’oeil dans le métro sont réduites. On ne peut s’empêcher d’être attiré par la couleur, une phrase d’accroche, un format ou un contenu singulier. Le temps d’une attente sur le quai ou le temps de quelques stations, l’attention, faute de choix, peut être soutenue, la distraction durer, pour finalement permettre l’assimilation du message publicitaire.
La publicité japonaise s’est réellement appropriée chaque espace du métro, en utilisant une large variété de supports. Finalement, il s’agit pour assurer une bonne transmission de s’adapter à la durée d’attention disponible, de déterminer ce que le consommateur désirerait voir à un certain moment et aussi à un certain endroit.

Pas de tabou, tout y passe : sols, portillons, escalators.
 
 
 
 
 

Alors oui, apparemment le QR est encore en vie au Japon.
 
 
 
 
 

La publicité est fréquemment filée sur tout un quai, ou tout un wagon.
 
 
 
 
 

Elle peut se fondre dans l’espace en happening, comme cette publicité pour une boisson énergisante dans la station de Shinjuku, ou bien pour Canon ci-dessus : le quidam retire un joli petit paquet contenant une brochure publicitaire, le tout dévoilant peu à peu une image sur le mur.
 
 
 
 
 

L’effet réel a pas mal la cote aussi.
 
 
 
 
 

La campagne publicitaire pour la sortie de la saga complète des Star Wars en blu-ray.
 
Après les espaces conventionnels, la station, le quai, le métro, un dispositif déjà en place à Tokyo, Budapest, Hong Kong ou encore Boston, s’attaque à l’espace vierge du tunnel. Des téléviseurs mis bout à bout diffusent à la manière d’un flip book une courte publicité à la fenêtre du métro. Le procédé est extrêmement efficace d’une part grâce à la force des images en mouvement et également parce qu’il s’empare du passage où l’attention du destinataire peut être entièrement captée, où il n’y a quasiment plus d’obstacle entre le message et son récepteur.
La publicité s’est en fait immiscée dans les rames japonaises depuis plus d’un siècle, dans les stations au début, puis sur les tickets de train des lignes d’Osaka et de Kyoto. Le redoublement de créativité qui s’en est suivi n’est alors qu’une conséquence logique du potentiel commercial énorme que représente cette masse de consommateurs empruntant le système de transport japonais ; on peut y voir un gigantesque terrain de jeu dont le design semble justement se fondre parfaitement avec les formes modernes de publicité. Par contre, les codes de cette publicité évoluent lentement et le marché publicitaire reste dominé par de grosses agences comme Dentsu et Hakuhodo ancrées dans la tradition, tandis que de plus petites agences, Tugboat notamment, cherchent à mélanger modernité et culture ancienne. Le spot TV traditionnel par exemple ne dépasse pas une quinzaine de secondes et se présente comme une forme de narration plutôt abstraite, enfantine souvent. Au contraire Tugboat propose des spots plus longs, jusqu’à une minute, jouant sur la combinaison d’éléments manga et d’humour anglo-saxon. C’est qu’un certain puritanisme est encore de mise dans la société japonaise.
Akane Nishii, interprète résidant au Japon, considère en tout cas que la publicité a totalement pénétré la vie quotidienne des Japonais, habitués à son omniprésence dans la rue autant que dans les conversations. Il est néanmoins intéressant de remarquer que l’utilisation intensive et si créative de l’espace urbain au Japon n’est possible que parce que les Japonais ne considèrent pas la publicité comme une agression, mais au contraire comme une forme de distraction, d’interaction même.
Marc BLANCHI
Sources :
Le monde de la pub : histoire globale (et inédite) de la publicité, Mark Tungate
5,110 Days in Tokyo and Everything’s Hunky-Dory: The Marketer’s Guide to Advertising in Japan, Sean Mooney
technabob.com
Crédits images :
mylifeinjapan49.blogspot.fr
blogs.lexpress.fr
flickr.com
japanese.search-marketing.jp
 

Publicité, Société

No Ad: l'art, un danger pour la publicité?

 
 Deux mots, une idée:
NO AD c’est la nouvelle application smartphone pour iOs et Android lancée par deux américains, Jordan Seiler et Jowy Romano, artistes militants qui utilisent l’espace public comme nouveau lieu d’expression. La rencontre de deux esprits rebelles, passionnés d’art a donné naissance à cette application (en réalité augmentée) qui permet de remplacer les prints du métro new-yorkais par des œuvres d’art du Centre International de la Photographie en utilisant ces derniers comme des QR codes. Une initiative audacieuse puisqu’elle fait du métro de New-York un nouvel espace d’exposition pour les artistes partenaires, posant ainsi la problématique des champs d’expression possibles pour l’art et les marques. Néanmoins, une question subsiste : dans quel but?
3 000, c’est le nombre moyen de messages publicitaires auxquels nous sommes confrontés tous les jours! Les transports en commun, la radio, Internet : que l’on soit chez soi ou encore dans la rue, les marques sont omniprésentes voire « intrusives ». Il apparaît alors pertinent de se demander: et si trop de pub tuait la pub?
Assurément, les champs d’expression des marques n’ont plus aucune limite : si l’on peut tourner les pages d’un magazine ou zapper la chaîne de télévision qui diffuse notre série préférée pour la quatrième fois en une heure, il semble difficile de ne pas prêter attention aux panneaux publicitaires format 4×3 dans les rues ou dans les transports en commun, tout comme les pop-ups qui apparaissent sur tous les sites Internet que l’on visite. Et c’est précisément ce processus qui fait aujourd’hui l’objet d’une violente critique : cette communication envahissante, presque agressive, qui ne cesse de se perfectionner par le biais de stratégies de plus en plus ciblées et omniprésentes.
En effet, si le nom de cette application est si explicite, c’est qu’il y a aujourd’hui et depuis quelques temps déjà un rejet de la publicité, une indifférence face à tout ce « bruit publicitaire». On remarque ainsi, qu’un véritable courant anti-pub prend forme : contestataire et parfois violent, il s’exprime au travers du « brandalism » (le vandalisme des panneaux publicitaires), du boycott de certaines marques mais aussi des revendications moins agressives mais plus impactantes auprès des publics, comme le street-art. A la manière de Keith Haring dans les années 80 qui fit des rues de New-York sa toile XXL ou encore de Banksy, l’anonyme anti-système par excellence qui continue à faire des murs des plus grandes villes du monde de véritables œuvres dénonciatrices et provocantes, les partisans du « no-ad » s’emparent de l’espace public pour y exprimer leur message.

Ils entendent donc dénoncer « un système publicitaire agressif », palier à la « manipulation des esprits » et à « une pollution du paysage » qui poussent désormais une grande partie des consommateurs à ignorer ces nombreux messages. Voire, à y être complètement indifférent.
C’est donc dans l’optique d’une réappropriation des espaces publics, actuellement pris d’assaut par les marques, et de la collaboration de ces deux artistes, Jordan Seiler (un graffeur anti-pub) et Jowy Romano (le blogger/artiste du métro de la Big Apple), que No Ad est née.
Jordan Seiler parle, pour sa part, de « sensibilisation à l’environnement qui nous entoure, qui est à la fois un espace de vie et un espace d’expression ». Il réaffirme cependant, qu’en aucun cas ce projet ne veut « encourager quelque dégradation que ce soit ou n’importe quelle autre forme d’art illégal dans les espaces publics ».
Si l’application n’est pas totalement au point et ne sert aujourd’hui qu’à admirer les œuvres d’art au travers de l’écran de nos smartphones, elle est certainement l’une des plus prometteuses en la matière: No Ad ne pourra en effet pleinement montrer son efficacité qu’avec le système des Google Glass, par exemple. Pour les deux instigateurs du projet, il s’agit davantage d’une preuve de concept (POC) à développer en parallèle des nouvelles technologies à venir.
Enfin, en attendant l’arrivée de l’application dans les stations du métro parisien, la RATP ouvre, dès ce mois-ci, ses quais au photographe américain Garry Winogrand qui fait en ce moment l’objet d’une exposition au musée du Jeu de Paume. Vous pourrez admirer ses photographies dans seize stations et gares de la RATP jusqu’au 8 février prochain.
Prise de conscience ou simple initiative au profit de l’art de la rue? A suivre…
A tous les Curious, qui voudraient essayer l’application No Ad: malheureusement la démo du site ne fonctionne pas mais je vous invite à faire un essai sur la photo ci-dessous (qui se trouve déjà être une œuvre de l’artiste Poster Boy) pour vous donner un petit aperçu.

Et pour ceux qui veulent faire un petit tour sur le site de l’application, c’est par là !
En bonus, une petite vidéo qui lèvera le voile sur cette appli futuriste !
Alizé Grasset
Sources
Noad-app.com
Subwayartblog.com
Vimeo.com
Nytimes.com
Animalnewyork.com
Crédits photos:
noad-app.com
blogspot.com
lifeproof.fr

Pharrell Williams - Lions d'or 2014
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Jacques a dit : Les Français triomphent à Cannes !

 
Cannes est par nature sous le feu des projecteurs. Depuis 1954, chaque année le tapis rouge est déroulé non plus pour mettre à l’honneur le cinéma mais bien la publicité. Le Cannes Lions International Advertising Festival est une référence. C’est LE festival, l’événement qu’attendent toutes les agences publicitaires.

Du 15 au 21 juin, 12 000 publicitaires sont venus, 97 pays se sont affrontés et plus de 37 OOO campagnes étaient en lice. Les agences ont dépensé des milliers d’euros pour pouvoir inscrire leurs campagnes et le chiffre d’affaire du Festival tant réputé atteint 26,2 millions d’euros cette année.
Une semaine à la fois éprouvante et palpitante pour les professionnels de la pub qui rêvent tous de remporter un trophée et de voir ainsi leur travail récompensé…

Si Monsieur Tout le Monde se perd parmi les 17 catégories (Direct / Mobile / Outdoor / Media / Press…), les résultats sont là et les agences françaises ont été largement récompensées. La France brille sur la scène internationale de la publicité.
Cependant, si l’événement est crucial pour le milieu, peut-on en dire autant d’un point de vue plus global ? Les « Lions Cannes » ne semblent concerner que le petit milieu des publicitaires. Alors, à quand une récompense venue du grand public ?
Les agences françaises telles que BETC, DDB, Fred&Farid, Marcel, Publicis, LeoBurnett et j’en passe sont à l’honneur. Mais l’agence qui a été la star du Festival est sans aucun doute Iconoclast, qui gagne le Grand Prix Cyber, cinq « Gold lions » et un « silver ». Par ailleurs, il s’agit de la seule agence française qui a remporté un Grand Prix cette année.
Les juges ont décidé de récompenser le lancement du tube de Pharrell Willams « Happy » produit donc par Iconoclast et reposant sur le dispositif 24hoursofhappy.com. Le clip interactif obtient non seulement un Grand Prix pour « l’expérience utilisateur » mais opère un véritable hold-up parmi les récompenses.

Réalisé par le duo français We Are From LA, le clip de 24 heures compte près de 200 millions de vues et génère près de 1500 versions réalisées par des fans issus de 130 pays. Au final, il semble bien que l’avis et le goût du grand public aient quelque part été entendus car « Happy » a été la chanson n°1 des ventes Itunes, celle qui passait le plus à la radio, celle qui a créé le plus d’interactivité. En somme, belle moisson 2014 pour la France qui s’accorde 86 prix contre seulement 55 l’an passé.
 
Sophie Cléret
Sources :
LaReclame.fr
Llllitl.fr
Canneslions.com

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Fast shopping comptoir des cotonniers
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Cet article est une boutique : le fast shopping, une révolution ?

 
La dernière campagne médiatique de la maison de prêt-à-porter Comptoir des Cotonniers a apporté une vague de fraîcheur sur le monde du e-commerce, pratique commerciale aujourd’hui indispensable à toute marque, et banalisée dans les consciences collectives.
Ne mâchant pas ses mots, le teasing précédant cette opération publicitaire parlait de « révolution ». La curiosité de ses clients et autres prospects a été ainsi fortement attisée par le biais des réseaux sociaux et de la presse, notamment lorsque la maison annonçait l’ouverture prochaine de « 10 000 boutiques » et que les partenaires de l’événement se trouvèrent être le groupe industriel d’affichage publicitaire JCDecaux et l’application PowaTAG.

Le 28 mai, cette fameuse révolution s’est affichée, en toute évidence, sur divers supports publicitaires qui avaient alors la mystérieuse prétention d’être des boutiques : « Cet immeuble est une boutique », « Cet abribus est une boutique », « Ce magazine est une boutique »…
Le cœur de l’opération est en réalité le lancement d’une nouvelle application mobile qui relie un achat virtuel à un support physique. En effet, une sélection d’articles de la collection Printemps-Eté 2014, réapprovisionnée de quelques 5 000 articles pour l’occasion, est présentée sur ces panneaux ou pages publicitaires, et chaque article est relié à son propre code QR, ce fameux code-barre disposé dans un carré noir et blanc, décodable par un smartphone.
Il suffit alors au simple passant, pris d’un coup de cœur pour tel ou tel article de scanner son code à l’aide de l’application PowaTAG afin de pouvoir l’acheter directement, simplement et rapidement depuis son téléphone.
Par ce lancement de la société Fast Retailing, propriétaire de l’enseigne Comptoir des Cotonniers, on constate que le canal du commerce mobile répond intrinsèquement à une demande d’immédiateté dans le processus de la découverte du produit ou de la marque, à l’achat, la concrétisation matérielle de ce premier contact.
Plus rapide et plus tout terrain que le e-commerce, le commerce mobile se développe parallèlement à la performance de plus en plus poussée des téléphones portables et des applications qui s’y rattachent, poussant ainsi les consommateurs à y passer de plus en plus de temps, entre réseaux sociaux et flâneries en ligne.

Si l’apparition de cette nouvelle pratique d’achat illustre bien le développement d’une tendance ancrée de longue date dans les consciences des consommateurs, il ne faudrait pas voir là une nouvelle concurrence au e-commerce.
En effet, les chiffres du commerce mobile sont généralement associés à celui de son aîné : la structure logistique en interne de l’entreprise est la même pour deux canaux de vente différents. Le développement du commerce mobile ne fera donc que renforcer les fondements du e-commerce.
Cette nouvelle donne aurait peut-être, en revanche, de quoi effrayer les boutiques traditionnelles. D’une part le développement de marques d’envergures internationales exclusivement en ligne (ASOS, Sheinside, Romwe…), d’autre part le manque de temps et l’addiction au net de la génération digital native, tout sembler pousser les entreprises à investir de plus en plus le commerce en ligne, au détriment, peut-être, de leurs boutiques physiques.

Ainsi, on constate aisément un développement de politiques favorables à l’achat en ligne, e-commerce ou commerce mobile : frais de port offerts, frais de retour offerts, promotions répétées (indépendamment des périodes de soldes fixées), codes promo circulant sur la toile… Avec tous ces avantages, quel intérêt aurait donc le consommateur à acheter en boutique ?
La véritable innovation du « fast shopping » est en réalité la suppression de presque toutes les étapes du processus allant de la publicité à la vente, dans l’esprit du consommateur. L’hésitation n’a guère plus sa place : entre excitation et impatience, le fast shopping semble condenser en un laps minimal de temps les émotions d’une séance prolongée de shopping (en ligne ou en magasin), optimisant alors l’abandon impulsif à la tentation de l’achat.
 
Charlène Vinh
Sources :
Fashionmag.com
Lefastshopping.com
Asos.fr

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Vanish
Flops

Une communication sans éclat

 
Après avoir vu la dernière publicité de Cif, j’ai un petit ras-le-bol sur l’industrie des produits ménagers et sa communication pas forcément sexiste, mais assurément monotone et sans surprise. Que raconte la dernière pub de Cif ? La marque a repris son style publicitaire axé sur le conte, ici La Belle au bois dormant, qui attend son prince charmant. Et ô malheur ! Le château est sale ! Elle ne peut décemment accueillir son homme dans ces conditions. Heureusement, grâce à Cif, en peu de temps le château retrouve son éclat. Ainsi, elle peut enfin recevoir son baiser… En 2012, une pub de la marque avait suscité certaines réactions négatives. Elle nous racontait l’histoire d’un chaudron que personne n’arrivait à nettoyer. Aucun homme ne trouvait le moyen idéal pour réaliser cette tâche. Jusqu’au jour où un mystérieux chevalier réussit l’inconcevable. Ce chevalier était une femme…

Un discours figé dans le temps
On peut parfaitement comprendre que ces marques cherchent à cibler un public féminin car même si les mœurs ont considérablement évoluées, il n’en reste pas moins que la majorité des tâches quotidiennes, comme les courses ou le ménage, sont réalisées par des femmes. Pourtant, cela ne doit pas signifier une communication sans originalité. Je ne défends pas l’idée d’une publicité qui mettrait la femme sur un piédestal, mais une publicité différente, originale. On voit sans cesse les mêmes mises en scène, les mêmes messages. Les pubs pour les produits ménagers en deviennent sans saveurs, prévisibles. On ne compte plus le nombre de spots qui nous montrent des femmes qui n’arrivent pas à enlever des tâches de gras sur un t-shirt ou à garder le noir étincelant de leur haut préféré, jusqu’à ce qu’elles découvrent Le produit miracle. Et ne nous attardons pas sur les doublages absurdes (quand ce n’est pas le doublage, c’est le ton adopté par les acteurs qui est risible) et les messages aseptisés véhiculés par ces marques. Il existe quand même un article de 2008 sur Buzz mode d’emploi, où l’on se plaint déjà de ce manque criant d’innovation !
Le rôle de la publicité semble paradoxal, elle veut nous en mettre plein la vue tout en s’effaçant. On doit oublier que l’on est devant une publicité. Or, avec la plupart des publicités de produits ménagers, c’est le contraire qui s’opère. On est gêné car on a l’impression d’être pris pour des ahuris. Qui, sérieusement, parle ou se conduit au quotidien comme dans une publicité de Vanish ?
Innovez !
Du coup, quand une publicité de ce secteur utilise un modèle différent, c’est un vent de fraîcheur qui souffle sur nous. On peut prendre l’exemple de la pub de Paic, avec son slogan « Adieu la graisse ! », et son format publicitaire qui ressemble à un dessin-animé. Une pub asexuée qui permet au moins d’éviter toute accusation de sexisme. C’est différent, c’est drôle, agréable à regarder. On n’en demande pas beaucoup finalement. Et pourquoi ne pas s’inspirer également des publicités qui donnent une image différente de la femme au foyer ? Décathlon avec un homme sauvé de l’attaque d’un requin par une femme, Volkswagen sur les super-héroïnes du quotidien ou encore Renault et l’histoire d’une société qui évolue.
On attend encore des publicités où la femme n’affichera pas uniquement un sourire béat devant son linge propre, tout en exhibant fièrement sa lessive préférée. La publicité est le milieu par excellence de la création. Il est temps que cette caractéristique s’applique enfin au domaine des produits ménagers.
Pierre-Yves Halin
Crédit photo : Vanish detergent « Removes grease stains » 2009, Agency : Euro RSCG Warsaw (Poland)

Société

Qui veut épouser ma banque ?

 
« Ca y est, aujourd’hui ils l’ont fait. Elle aussi l’a fait, ce matin. Eux, viennent de le faire. Elle, elle l’a fait hier soir, avec lui. Eux vont le faire, mais là tout de suite euh… Lui l’a fait tout seul, comme un grand. Eux aussi l’ont fait, à l’instant. » Mais quoi ? Qu’ont-ils fait ? Si chacun a une petite idée, beaucoup en rougissent déjà. Et pourtant, honnis soit qui mal y pense.
En effet, déjà en 2011, ce qui émoustillait ces jeunes – et moins jeunes – gens, euphoriques sur des affiches gris-orangées, n’était autre que le passage à la banque en ligne. Grâce à cette campagne pour le moins surprenante, la banque en ligne ING direct s’était alors offert un joli coup de publicité, porté par un effet de buzz savamment orchestré. Très bien, et alors ? Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts me direz-vous.
Oui mais voilà, le numéro un de la banque en ligne a choisi de récidiver, jouant une fois encore la carte de l’ambiguïté entre relation d’un client à sa banque et relation amoureuse. C’est ainsi que depuis quelques semaines on découvre une nouvelle campagne de publicité dont le titre explicite a le mérite d’annoncer la couleur : « Vivez une belle histoire avec votre banque ». La caméra suit alors un élégant jeune homme, attirant, image type du cadre trentenaire prêt à s’engager sans pour autant renoncer aux charmes d’un bel amour. Sur le ton de la confidence, tout en scrutant le spectateur de son regard charmeur, il nous explique : « on a tous nos petits secrets, je sais, mais elle… Elle en avait un petit peu trop pour moi. C’est pour ça que je l’ai quittée. Et depuis j’ai fini par trouver celle qu’il me fallait. Et elle ne me cache rien. » Alléluia, l’histoire semble bien se terminer.
Etrangement, ce discours nous rappelle quelque chose… Et pour cause. La ligne directrice ressemble sans conteste à celle adoptée par la banque concurrente Fortuneo. Pas si étonnant lorsque l’on sait que ces deux campagnes ont été pensées par la même agence DDB. « J’aime quand c’est simple. J’aime quand c’est moi qui décide. Et surtout, j’aime quand c’est offert par la maison. » « J’aime quand ça va vite. J’aime éviter les risques. Et surtout, j’aime gagner. » « J’aime ma banque ». Toutes ces belles paroles sont accompagnées par des images pour le moins claires, montrant par exemple un couple se rendant au restaurant pour un dîner aux chandelles. Mais ce n’est pas tout. Dans leur construction, les spots publicitaires d’ING direct et de Fortuneo se rapprochent fortement des stratégies de communication déployées par des sites de rencontre tels que Meetic pour ne citer que lui. On se souvient de Johann (« 30 ans, inscrit sur meetic ») qui, comme notre cher trentenaire d’ING direct, se confiait en 2013 à la caméra : « Finalement je ne rencontrais plus grand monde autour de moi, j’avais mon petit train-train métro-boulot-dodo… » Et cætera et cætera. D’ailleurs, ING direct pousse le vice plus loin et file la métaphore de la relation amoureuse sur Internet. En témoigne le site nouvellerelation.fr (page lancée par ING direct pour promouvoir ses nouveaux produits) qui clame : « vous n’imaginez pas vivre de belles histoires en ligne ? » Comment dès lors ne pas faire une nouvelle fois le parallèle avec les publicités Meetic qui annoncent d’emblée « 1 nouvelle histoire sur 3 commence sur Internet » ?
Mais alors pourquoi ? Quel intérêt les banques trouvent-elles à se travestir en site de rencontre ? L’agence de communication DDB prétend : « La confiance, la simplicité et la transparence sont des ciments à la fois rares et indispensables pour ces deux types de relation, c’est pourquoi nous avons décidé de faire de ce parallèle le fil conducteur de notre campagne ». Certes, de ce point de vue le lien semble évident. Dans un communiqué de presse, ING direct affirme quant à elle utiliser « un ton volontairement audacieux et décalé ». L’on sait en effet combien l’effet de surprise est appréciable dans toute stratégie de communication. Cette mise en scène inattendue d’une relation amoureuse entre un client et sa banque permettrait donc de dynamiser et dépoussiérer l’image du monde de la banque, souvent considéré comme trop stricte, rigide, ennuyeux et ainsi d’attirer et de séduire une cible plus jeune.
Mais après ING direct et Fortuneo, combien de banques encore auront cette idée lumineuse ? Car à y regarder de plus près, l’on se rend compte que les doubles sens, si ce n’est l’humour sexuel, ne sont pas nouveaux dans le monde de la publicité. Si même les égéries de Liligo, site comparateur de prix pour les voyages aériens, sont « capable[s] de [s]’envoyer en l’air en quelques secondes » ou ont « trouvé le moyen le plus économique pour [s]’envoyer en l’air », on peut craindre que ces effets de buzz ne deviennent, paradoxalement, communs.
 
Margaux Putavy
Sources
Nouvellerelation
Cbanque
Ilétaitunepub

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Com & Société

Un faux porno en peer to peer : un (Bit)torrent de succès pour Diesel!

 
Difficile d’imaginer comment une marque telle que Diesel, dont les campagnes de publicité sont le plus souvent provocantes et irrévérencieuses, pourrait s’exporter en Chine, où la censure demeure l’une des plus restrictives au monde. Et pourtant, la marque italienne a réussi à contourner la censure en se livrant à un exercice inédit : proposer au téléchargement la campagne Erotica Spring Summer 2014 sur…. BitTorrent.
La marque, célèbre pour ses jeans et ses campagnes scandaleuses, a fait appel à l’agence Fred & Farid pour mettre en place cette opération qui frôle l’illégalité. L’agence a décidé d’esquiver la réglementation chinoise, très stricte en ce qui concerne la pornographie, en utilisant comme plateforme de lancement de sa campagne le logiciel de téléchargement peer to peer Bitorrent, mine d’or des films pornographiques. Et puisque les italiens sont ceux qui passent le plus de temps sur Youporn, c’était l’occasion de passer de l’autre côté de la caméra. La vidéo, au nom plus que suggestif apparaît à première vue comme un film porno italien. De quoi déchaîner les téléchargements des chinois en quête de sensations exotiques et maximiser l’exposition de cette campagne ultra-sexy au pays du soleil levant.

La vidéo met en scène la rappeuse Brooke Candy, qui s’avère être une ancienne danseuse érotique, ainsi que le mannequin Tessa Kuragi. Les deux beautés torrides jouent de leur charme autour d’une barre de pole dance, arborant des sous vêtements sexys, qui font référence au vestiaire bondage ou sado-masochiste. L’esthétique noir et blanche ainsi que la lumière rasante et tamisée, créent une atmosphère en clair-obscur de club de strip-tease lynchien. Et pourtant, la vidéo n’est en rien un film pornographique, un clip erotico-fashion tout au plus. Alors comment expliquer cet engouement qui a entraîné 60 000 téléchargements, 5000 reposts et 2000 commentaires ?

Si Diesel n’a pas eu besoin de montrer des scènes de sexe crues et explicites pour attirer l’attention de l’internaute chinois, c’est car la marque s’est appuyée sur la solide réputation et la culture liée au format. Il a suffit à l’agence Fred & Farid de frapper au bon endroit pour déclencher la viralité de la campagne. Excitant et illégal, télécharger sur BitTorrent est, pour un chinois, un moyen de vivre malgré la censure,et tout simplement, un moyen d’avoir accès à une bibliothèque idyllique de sexe en tout genre. Alors même si l’ingrédient « sexe » n’est pas réellement explicite dans Erotica, la plateforme BitTorrent a parlé d’elle même aux internautes qui ont fait le reste du cheminement mental!
Mais cette campagne revêt une dimension plus profonde qu’un simple coup de pub. Elle s’inscrit involontairement dans une dynamique de lutte contre la censure de la pornographie chinoise. De fait, en Chine, la pornographie est tout simplement interdite. Face à cela, on voit émerger le porno « made in China », une culture alternative du sexe en ligne, entre description des activités sexuelles de chacun et vidéos pornographiques amatrices. C’est ce sur quoi les recherches du professeur Katrien Jacobs, ont porté dans son livre « Pornographie du peuple : sexe et surveillance sur l’Internet chinois ». Et oui, le cyberactivisme pour défendre les droits de l’homme, ça peut aussi passer par le porno!
Ce qui est certain, c’est que Diesel a réussi un tour de force avec cette campagne de publicité. Habituée de puis toujours à jouer la carte de la provocation à travers des campagnes toujours plus choquantes les unes que les autres, la marque avait déjà , par le passé, eut affaire au registre de la pornographie. On se souvient entre autre de cette vidéo parodique (extralink :)qui croisait avec humour film porno vintage et dessin animé.
Si ces opérations ne sont pas au goût de tous, elles ont le pouvoir d’attirer les regards et de faire le buzz. C’est pourquoi, malgré les critiques et le accusations, Diesel, depuis 1991, ne cesse de nous provoquer en diffusant l’image d’une femme facile, stupide… mais sexy. Hier, la marque revendiquait la stupidité avec sa campagne « Be stupid », aujourd’hui elle utilise un logiciel illégal pour diffuser du faux porno, jusqu’où sera-t-elle prête à aller ?
Hélène Carrera
Sources
Rue89
LADN
Darkplanneur