JWT Trends pour 2012
Edito

Retour vers la future année 2012

 
Pour débuter cette nouvelle année, je vous propose, une fois remis de votre cuite d’hier soir, de découvrir les prévisions en matière de tendances pour l’année 2012. C’est la période vous me direz ! Tout le monde y va de son petit rapport, de sorte que l’on ne sait plus à quel saint se vouer. Après avoir procédé à un choix quasi cornélien, je me suis penché sur celui de l’agence américaine JWT.
En effet cela fait près de 7 ans que l’agence publie chaque année un cahier développé par  leur bureau de recherche JWT Intelligence à l’aide d’études quantitatives et qualitatives tenues durant l’année.  C’est donc début décembre que le rapport annuel a fait son apparition, à la fois en print et en digital avec un slideshare et une vidéo teaser de 2 minutes que je vous invite à visionner ci-dessous :
 

 
Parce que tout le monde n’est pas bilingue en anglais et que la synthèse d’idées, parfois complexes, n’est pas toujours accessible, je suggère de se prêter à une petite réflexion sur chacun des concepts abordés dans cette animation.
 
Navigating the new normal // Chérie j’ai rétréci les gosses
Restons sur le sujet de l’accessibilité avec cette première tendance et sa signature pas si évidente.  Loin de moi l’idée de vous en fournir une traduction exacte, cependant il semble pertinent d’y associer l’ouverture. Celle-ci s’opèrera au niveau de l’entrée de gamme grâce à des marketeurs prêts à jouer sur des mini prix et des mini tailles. Autant dire que l’on aura bientôt tout en miniature dans notre cuisine. De quoi reconstituer une vraie maison de poupées !
 
Live a little // Un peu de « laisser-aller » n’a jamais tué personne
Les consommateurs trouveront leur compte dans le tout miniature, car en cette année 2012 difficile, ils vont s’accorder plus de plaisir mais à petites doses. Marre de se serrer la ceinture, de courir le matin, de manger sain et d’être un saint !
 
Generation go // La génération entrepreneuriale
Pendant ce temps, les jeunes, contrairement à ce que l’on peut penser, ne vont pas se tourner les pouces. Face à un marché du travail gelé et bouché, ils n’ont plus d’autre choix que de créer leurs propres opportunités. Cette année va voir fleurir des start-up qui vont peut être, à leur façon, relancer l’économie. Qui sait ?
 
The rise of shared value // Synergie et valeurs pour tous
Avant de s’inquiéter de la montée en puissance des start-up, les entreprises vont surtout s’inquiéter de leur image citoyenne. Renflouer les associations ne suffit plus, il faut maintenant intégrer des problématiques sociales à son business model.  Mais si les entreprises doivent sauver le monde, qui va sauver les entreprises ? Super-État ?
 
Food as the new eco-issue // Manger mieux pour dormir mieux
Les entreprises ne seront pas les seules à mettre la main à la pâte. Les consommateurs vont faire plus attention à leurs choix de nourritures et à ce qu’ils peuvent entrainer comme conséquences pour l’environnement. Les marques vont trouver de nouveaux moyens d’inciter à une consommation toujours plus responsable.
 
Marriage optional // Le mariage, c’est en option ?
Plus responsables en matière d’alimentation mais pas forcément quand on en vient à l’engagement suprême. Des femmes, de par le monde, redéfinissent le concept du « happily ever after » a.k.a.* « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». De toute façon, depuis que la valise à roulettes existe à quoi bon se marier ?
 
Reengineering randomness // Laisser le hasard faire les choses
On contrôle tout, si bien que plus rien ne nous étonne. On se constitue un monde personnalisé pour marquer notre individualité. On se renferme sur soi jusqu’à devenir soi-même plus étroit d’esprit. Cette année sera celle de l’ouverture à une vie faite de découvertes aléatoires et de points de vue divergents, synonymes de « nouveau souffle ».
 
Screened interactions // Miroir, mon beau miroir, qui est la plus belle ?
L’écran s’incrustera partout ! Dans les tables de restaurants, dans les murs, dans les panneaux publicitaires… Le tactile prendra le pouvoir en faisant de chaque écran un pur outil interactif afin de découvrir, commander, acheter, et cela partout, sans oublier, tout le temps.
 
Celebrating aging // L’âge rend plus sage
C’est officiel, on vit plus longtemps qu’avant ! Les mentalités vis à vis de l’âge vont s’en trouver changées. Nous allons y voir les bons côtés et redéfinir à quel moment on devient véritablement « vieux ». Quand vieillir devient « cool »…
 
Objectifying objects // L’objet « objet »
Dans un monde de plus en plus digital, des objets de tous les jours comme les cartes de vœux (c’est la saison) ou les cartes postales disparaissent au profit de leur équivalent numérique. Cependant, les consommateurs sont en demande de matérialité. Un objet que l’on puisse toucher, faire tourner et, pourquoi pas, coller à son frigo.
 
Maintenant vous savez à quoi vous en tenir pour 2012 !
 
Marion Mons
 
Sources :
JWTIntelligence
Slideshare Trends 2012
*c’est-à-dire.

La Barbe au Petit Journal de Canal+ en décembre 2011
Flops

Des féministes à barbe, une communication barbante

Le 9 décembre dernier, le collectif La Barbe était invité sur le plateau du Petit Journal. La Barbe est un groupe de féministes dont le but est de dénoncer « la domination des hommes dans les hautes sphères du pouvoir, dans tous les secteurs de la vie professionnelle, politique, culturelle et sociale »*. Pour cela, La Barbe préconise l’action : leurs activistes (des femmes, donc) se rendent dans des lieux majoritairement occupés par des hommes, en arborant une barbe. Leur but est de déranger et de rendre visible l’inégalité sexuelle qui réside encore dans bien des domaines.
Une action pacifique et plutôt louable, donc, car basée sur une vraie constatation : l’égalité hommes-femmes est encore loin d’être établie !
Pourtant, lorsque deux activistes du groupe La Barbe sont invitées sur le plateau du Petit Journal de Yann Barthès, cela se conclut par un échec médiatique et communicationnel évident.
Retour sur l’interview du 9 décembre :

Pas besoin d’être un génie en communication pour remarquer que Céline et Amélie, les deux représentantes de La Barbe ce jour-là n’étaient absolument pas préparées, et qu’en matière d’image, elles ont plutôt raté leur coup.
Pourquoi ?
Tout d’abord parce qu’elles sont visiblement mal à l’aise, face à un Yann Barthès que personnellement j’ai pourtant trouvé assez accueillant. Ensuite, en plus d’être agressives et sur la défensive, leurs arguments ne sont pas convaincants : elles utilisent des statistiques fausses, se montrent évasives lorsque Yann Barthès leur demande ce qu’elles attendraient d’un cabinet de la République constitué de 83,3 % de femmes, au lieu  de répondre que les féministes ne souhaitent pas obtenir une majorité de femmes, mais une égalité 50/50 entre les sexes. Quand Yann Barthès leur demande pourquoi elles ne s’attaquent pas au Front National qui, à l’exception de sa présidente, est constitué exclusivement d’hommes, elles se rétractent et parlent d’un « non-sujet », nous laissant sur notre faim. Qu’est-ce qu’un non-sujet ? Pourquoi La Barbe ne s’intéresse pas au Front National ? Le doute flotte. Enfin, elles citent le rapport Reiser sur la place des femmes dans les médias sans l’expliquer, ce qui aurait pourtant permis de prouver qu’elles ne se basent pas que sur du vent pour justifier leurs actions.
A la fin de l’interview, Yann Barthès leur demande « Pouvez-vous dire [aux hommes] que vous n’avez rien contre eux ? », leur donnant ainsi l’occasion d’expliquer qu’elles demandent simplement que l’inégalité hommes-femmes soit réellement reconnue et que quelque chose soit fait, l’occasion de se montrer enfin sous un jour positif. Mais non, rien n’y fait, la question obtient une réponse une fois de plus agressive, digne d’un enfant de 5 ans qui rétorquerait « j’te cause plus » ou « même pas vrai » à une question qui le dérange.
Bref, les personnes qui ont vu cette émission et qui n’étaient pas sensibilisées aux idées du féminisme ont dû se dire que c’était une bande de filles agressives, qui se battent contre du vent et sans un fond de réflexion. Ce n’est évidemment pas le cas. Il suffit de jeter un coup d’œil au site internet de La Barbe pour comprendre que leur action est justifiée et fondée (elles y expliquent notamment pourquoi elles ne veulent pas s’attaquer au Front National).
Ce petit évènement médiatique nous montre combien un communicant peut faire du tort à ce qu’il représente. Les deux interviewées ont en effet donné une mauvaise image de leur collectif, à un moment d’audience et de visibilité nationale élevée, idéal pour montrer posément leurs idées, leurs revendications, pour faire parler d’elles d’une bonne manière.
Cela prouve une fois de plus à quel point la communication est nécessaire et doit être un élément pensé, qu’on ne peut pas laisser au hasard. Quelque soit la structure, l’entreprise, la marque ou l’association, qu’elle ait de bonnes idées ou non, elle n’est rien si elle n’est pas accompagnée d’un discours positif et valorisant qui la rend visible et appréciable.
Depuis le 9 décembre, cette interview a fait couler beaucoup d’encre, notamment sur les réseaux sociaux, et le collectif a eu l’occasion de s’expliquer sur plusieurs blogs. Il est simplement dommage que La Barbe n’ait pas su montrer un visage positif plus tôt, et on espère qu’elles auront retenu la leçon : qu’on le veuille ou non, on n’est rien sans communication.
 
Claire Sarfati
Sources :
Site internet du collectif La Barbe
Canal+
Crédits photo :
Site internet La Barbe

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Débat des candidats républicains aux présidentielles à Las Vegas en 2011
Com & Société

En janvier : l'Odyssée républicaine débute…

Aux États-Unis, la campagne pour les présidentielles de 2012 est lancée et on  voit poindre les challengers potentiellement éligibles au milieu d’une pléthore de prétendants.
Si Barack Obama ne s’est pas encore prononcé quant à une probable candidature pour briguer sa propre succession, c’est le branle-bas de combat du côté des Républicains puisque les primaires vont commencer le mardi 3 janvier.
Au gré des affaires, les candidats tombent et laissent place à de nouveaux favoris : si Herman Cain, mis hors course pour cause de scandales sexuels était en bonne place dans les sondages, son éviction a redonné de l’espoir aux candidats aspirants à l’investiture de leur parti. À l’heure où nous écrivons, ils sont sept, sept à pouvoir prétendre affronter le candidat démocrate, et parmi eux, trois fringants sexagénaires, sinon septuagénaires, prêts à se lancer dans la bataille des primaires qui ne consacrera qu’un unique vainqueur.
Newt Gingrich, 69 ans, Mitt Romney, 64 ans et enfin le doyen Ron Paul âgé de 76 ans ont pour point commun d’être les candidats les plus âgés de la campagne. Si ce point pourrait paraître anecdotique, on peut toutefois s’interroger sur ce phénomène et son incidence sur la future campagne électorale. En effet, depuis 2008 et la campagne victorieuse d’Obama, les codes ont changé. Ces seniors sont-ils capables de s’adapter ? Quelles stratégies seront mises en place pour l’emporter ?
 
Une campagne gagnée sur la toile
 
Si l’élection d’Obama en 2008 porte aux nues tant un candidat que des valeurs qu’il incarne telles que le dynamisme, la nouveauté ou la jeunesse, elle pose aussi de nouvelles questions en termes de communication. La campagne d’Obama est en effet sans précédent, donnant au marketing politique de nouveaux codes qui font souffler un vent de fraîcheur sur la campagne, l’affluence aux urnes témoignant de cette ferveur citoyenne. Cette campagne a su toucher les jeunes (66% des 18-25 ans ont offert leur vote à Obama) et les minorités, qui avaient le sentiment d’être délaissés, en parvenant à entrer dans leur quotidien et à les atteindre par le biais de la toile.
Vraie révolution politique qui s’est massivement fondée sur les nouvelles techniques de communication, Obama est parvenu à faire entrer sa campagne dans l’Histoire. Mû par un formidable plan de bataille, Obama a conquis la toile où la résistance de son ennemi était dérisoire. Les réseaux sociaux furent son premier porte-voix : les désormais traditionnels Twitter et Facebook associés à des dizaines de sites communautaires se firent l’écho de cette campagne et lui apportèrent un grand soutien. Avec son propre réseau social MyBarackObama.com, le candidat impulse un militantisme virtuel et efficace qui se retrouve sur une plate-forme gérant les réunions, l’organisation des meetings, le partage des informations entre ses soutiens et à travers le pays : grâce à « MyBo » les actions sur le terrain et sur le net se multiplient. Énième ressort ; son site officiel ObamaBidensite.com, extrêmement actif ET interactif. En un mot : le concept d’échange au carré.
Notons la réactivation de ce site pour la prochaine campagne (on ne change pas une équipe qui gagne !). L’« e-publicity », les plates-formes dédiées aux vidéos de soutien du candidat, la diffusion massive d’informations par SMS sont d’autres vecteurs utilisés par l’équipe d’Obama en 2008.
Ce phénomène nouveau dit du « grassroots » (littéralement les « racines »), exprime le mouvement du « bottom up » au cœur de la stratégie de communication politique d’Obama : l’émulation doit venir des citoyens et être portée par eux.
 
Des seniors prêts à s’y mettre ?
 
La question semble rhétorique : par la force des choses, chaque candidat se doit d’être présent sur ce nouveau terrain, au risque d’être tout simplement mis hors course avant même le coup d’envoi de la campagne. Si les démocrates bénéficient d’une bonne avance dans leurs infrastructures en ligne, les républicains ne sont pas en reste et ont habilement rattrapé leur retard, reconnaissant la maîtrise d’internet comme le nerf de la guerre.
Une présence quasi-formelle est nécessaire sur Twitter ou Facebook, un site officiel s’impose, et ça, les républicains l’ont compris.
Un candidat aussi vieux soit-il n’est en aucun cas un senior lambda qui rechigne à se mettre à la technologie, il est avant tout une bête politique prêt à tout pour gagner. Gageons donc que l’équipe de jeunes communicants dont le futur candidat investi sera bardé se chargera de pallier ses carences si, d’aventure, il en présentait.
 
Des politiques trop conservateurs ?
 
On pourrait donc s’inquiéter pour l’ensemble du parti plus que pour ces trois candidats.  Les conservateurs ont accusé un sérieux retard et cette image de parti courant après le train, acquise en 2008, risque de leur coller à la peau.
Ce qui pourrait faire la différence entre les candidats serait leur manière d’investir ces outils. Les termes « voter », « réseaux sociaux », « Obama » formaient le même paradigme en 2008 ; voter s’était fait avec le même naturel qu’utiliser Twitter pour une bonne partie des citoyens et Obama fut le candidat de ces « virtual citizen ». Le défi de 2012 pour Obama : réitérer l’exploit. Celui des républicains : pouvoir y prétendre.
Pourtant se mettre à jour est-il suffisant pour remporter l’élection ? En effet pendant que les républicains se démènent pour se mettre à niveau, il est certain qu’Obama et ses équipes continuent de perfectionner leur plan de bataille et réservent des surprises (à l’image du site MyBo, devenu une référence en la matière) en terme de communication politique  pour 2012.
La bataille sera rude et épique, mais il est certain que tel Ulysse dans l’Odyssée, le prétendant qui voudra éliminer tous ses concurrents devra user de ruse et de finesse pour gagner le cœur de l’Amérique.
 
Marie Latirre
 
Crédits photos :
©Ethan Miller/Getty Images North America
©Twitter
©Shannon Stapleton, Reuters
 

Agora, Com & Société

Tu n'elle, tue elle, tu née elle – La suite

 
DEUXIEME PARTIE
 
La seconde partie de cet article était la fin de ma démonstration. Elle vous racontait comment Juan Pablo, le héros du roman El tunel d’Ernesto Sabato tuait la femme de sa vie, parce qu’il ne supportait qu’elle lui échappe, et il vous proposait de lire la métaphore du tunnel comme celle des dangers de l’incommunication. La phrase espagnole disait « j’avais vu cette jeune femme et j’avais naïvement cru qu’elle venait d’un autre tunnel parallèle au mien, alors qu’en réalité, elle appartenait au vaste monde, au monde sans limite de ceux qui ne vivent pas dans des tunnels ». Et je vous expliquais que Madame Boutin vivait dans un tunnel, dangereusement fermé sur les évidences les plus flagrantes, sur le bon sens même, malgré son statut de femme politique.

A la place, je vous propose une anecdote, qui parlera d’elle-même et qui illustrera les dangers du tunnel. Jeudi 15 décembre 2011, à 19h30, je me suis rendue au tabac en face de chez moi. « L’Aquarium », 230 boulevard Voltaire 75011 PARIS – pour un maximum de transparence. L’Aquarium a la caractéristique charmante des tabacs et cafés parisiens d’être particulièrement désagréable, agressif parfois, mais c’est Paris, c’est comme ça : on râle et on oublie. Cependant depuis quelques mois, ce tabac avait embauché cette jeune femme au sourire franc, et à l’accent du sud, à l’amabilité exemplaire ; elle avait rendue mes deux dernières visites presque agréables. Les deux fois pourtant, derrière la toute petite fenêtre de son comptoir, elle m’avait prise pour un homme : « Bonjour Monsieur ! … OH PARDON ! Mademoiselle, Madame, mademoi… Je suis désolée, pardon, pardon, pardon, que puis-je vous servir ? Encore désolée… Je suis une idiote, pardon… » . Moi, emmitouflée sous mon bonnet, ma capuche, mon casque audio, mon écharpe, dans mon gros manteau en cuir (que j’ai acheté au rayon homme en plus), je lui souris, je lui pardonne bien sûr, et nous rions.

Ce jeudi 15 décembre, à 19h30, je suis rentrée, et elle n’était pas derrière le comptoir,  il y avait un homme à la place, un des propriétaires : « Bonjour, un paquet de *** light s’il-vous-plaît », et il m’a dévisagée. Alors elle est arrivée, je lui ai répété ma commande, et il m’a coupée : « Tu es un homme ou une femme ? ». Elle a eu un rire gênée : « Arrête, la pauvre, je me suis déjà trompée… ». Il a pris une lampe torche, et l’a braquée sur mon visage : « Tu es un homme ou une femme ? ». J’ai répondu que j’étais une femme, et j’ai demandé poliment si ça posait un quelque espèce de problème. Il m’a regardée à la lumière de sa lampe, et a confirmé : « Mais oui, tu es une femme… ». Il a reposé la lampe ; elle m’a servie mon paquet et encaissé l’argent en se mordant les lèvres.
– Donc si tu es une femme, ça ne te dérangerait pas de sortir avec un homme, c’est ça ? a-t-il rajouté.
– Et si c’était le cas, ai-je répondu, ça poserait un problème ?
– Non, comme ça, j’essaye juste de te prouver quelque chose là, tu vois… »

J’essaye encore de comprendre ce qu’il cherchait à me démontrer, peut-être que vous, chers lecteurs, avez la réponse. Pour moi, derrière la fenêtre de son comptoir, il était dans son tunnel, et il ne m’a pas vue : il m’a aperçue, au travers du prisme de ses valeurs, et de ses idées. Il n’a pas vu l’Autre en moi, il a vu le contenu impropre de ses principes. Il n’a pas pensé à l’impolitesse de sa « démonstration », il n’a même pas pensé à la dimension si peu commerciale de son geste, il n’a vue que ma silhouette dans sa fenêtre, la forme de moi-même, moulée dans son égocentrisme, dans son idéologie niaise, fermé sur lui-même.

Cette histoire n’a malheureusement rien d’extraordinaire : pour beaucoup de personnes, afficher une ambiguïté sexuelle dans son style vestimentaire conduit à l’incompréhension la plus totale, malgré la liberté grandissante accordée aux citoyens concernant leur apparence. La question de la frontière entre les genres reste un tabou indépassé et indépassable dans la plupart des démocraties occidentales. Cependant, il est très rare que cette incompréhension s’exprime de manière aussi directe,  dans une situation si peu familière, et sans la moindre petite parcelle de réflexivité (pourquoi poser ces questions à une cliente complètement inconnue, juste pour « prouver » quelque chose ?) : tu nais elle, mais tu restes sens cesse confrontée au tunnel des autres. Alors que pour tout le monde, partout, la limite de la pensée devrait être Autrui.
La prochaine fois que vous irez chercher vos cigarettes, mettez vos seins sur le comptoir mesdames, votre sexe sur le comptoir messieurs : l’humanité avance à l’obscurité de sa lampe policière.
 
Marine Gianfermi

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Jakadi qu'il fallait tweeter

Jakadi que le “live-tweet” est l’avenir du journalisme
 
Le 30 novembre dernier, les chargés de communication du Prix Pulitzer ont laissé entendre sur leur site internet qu’il y aurait quelques changements pour l’année 2012…
Pour les non-initiés, le Prix Pulitzer est une récompense américaine décernée chaque année dans plusieurs grands domaines, dont le journalisme ; il s’agit d’ailleurs d’une référence au sein de la profession. S’il existe aujourd’hui 14 catégories relatives à la presse, allant du commentaire à la critique, en passant par la photoreportage, ou le dessin, celle qui devrait connaître les changements les plus profonds est la catégorie « Breaking news », ou « infos de dernière minute ». En effet, le communiqué mentionnait l’importance du « real-time reporting » : en clair, ce qui fait une bonne information, c’est sa fraîcheur, le fait qu’elle soit délivrée en temps réel. « The revised definition for Breaking News focuses on reporting that, « as quickly as possible, captures events accurately as they occur, and, as time passes, illuminates, provides context, and expands upon the initial coverage. »
A première vue, rien de particulièrement nouveau ni bouleversant. S’il reste difficile pour des journaux papiers d’actualiser leurs contenus à la minute, les chaînes de télévision d’information en continu telle que BFM ou itélé, ou même simplement les supports internet des grands journaux, font une place de plus en plus grande au « real time » : la toute primeur de l’info devient un gage absolu de qualité. Elle est ainsi livrée brute, ou à peine dégrossie ; et, comme pour les produits agricoles, le consommateur apprécie qu’elle lui soit fournie de manière aussi directe que possible : moins il y a d’intermédiaires entre lui et le producteur de l’information, sa source première, mieux c’est.
Résumons : une information délivrée brute, de façon quasi-immédiate, par des hommes et des femmes de terrain. Qu’est-ce que cela vous évoque-t-il, sinon Twitter ? L’avenir du journalisme résiderait-il donc sur le réseau social ? Le « live-tweet » serait-il la forme journalistique de demain ? Se peut-il qu’un journaliste soit récompensé du Prix Pulitzer pour son activité sur Twitter ?
A priori, la grande révolution ne serait pas pour tout de suite : si le réseau social lancé il y a seulement 5 ans par Jack Dorsey comptait en septembre 2011 plus de 100 millions d’utilisateurs actifs, il n’est peut être pas encore assez popularisé. Son fonctionnement et même simplement son langage, si particulier, restent obscurs pour une grande majorité de non-initiés. Beaucoup apparaissent découragés à leur première utilisation et abandonnent rapidement leur compte après l’avoir créé, sans vraiment prendre le temps de comprendre ; d’autres se contenteraient de suivre l’actualité de leurs abonnements sans rien communiquer eux-mêmes. Pour le moment, Twitter demeurerait trop sélectif pour que l’on puisse parler de bouleversement effectif dans la pratique qu’ont Monsieur et Madame Tout-le-monde de l’information.
Notons cependant que si 40% des utilisateurs actifs s’inscrivent uniquement pour « voir ce qu’il se passe autour », sans contribuer au flux, cela représente malgré tout un public non négligeable. En outre, Twitter note sur son blog qu’un nombre de plus en plus considérable de journalistes se sert du réseau pour supplémenter leur « reporting efforts », « partageant des histoires et des images directement du front ».  Et Twitter de prendre pour exemple Brian Stelter, ou @brianstelter, reporter pour The New York Times et followé – à l’heure où je vous parle… – par 97 764 personnes. Son tweet sur la tornade de Joplin illustre parfaitement cette nouvelle forme de journalisme : un court texte clair et frappant, accompagné d’une photo partagée via Instagram, une plateforme internet permettant de mettre en ligne et diffuser des images depuis son ordinateur ou son Iphone (et bientôt depuis son Smartphone Androïd). Notons qu’elle est également utilisée par Facebook et Flickr…
Cela nous donne-t-il à tous la possibilité de devenir des journalistes ? D’abord, ces nouvelles pratiques modifient-elles vraiment la donne ? Chacun avait déjà les moyens de s’improviser journaliste via un blog, et certains grands reporters d’aujourd’hui ont d’ailleurs débuté ainsi. Twitter bouleverse cependant par l’extrême brièveté de ses posts (140 caractères maximum !), et parce qu’il permet d’actualiser en temps réel l’information. Elle est toujours plus fraîche, et toujours plus proche de sa source.
Il convient néanmoins que nous nous demandions quelle valeur accorder à des news délivrées si brutes et immédiates : s’agit-il réellement de journalisme, ou simplement de témoignages ? Qu’apportent-elles réellement ? Pour le moment, Twitter reste un outil de complément ; on continue à chercher une information plus détaillée et analytique dans les journaux, sur des sites internet ou à la télévision – et la signature d’un professionnel, d’une personne de métier, demeure un gage de qualité.
Mais demain ?
 
Elodie Dureu
Sources et liens :
Pulitzer.org – Digital Entries
Blog Twitter – One hundred million voices

Agora, Com & Société

Tu n'elle, tue elle, tu née elle

 

PREMIÈRE PARTIE
 
L’acte de communiquer n’a en apparence rien de compliqué, il ne l’est de fait peut-être pas : je communique, tu communiques, pas de quoi casser trois pattes à un canard. Cependant, il peut tout de même arriver que certains obstacles surviennent, rendant la communication plus difficile, il arrive même parfois (rarement ?) que la communication soit ou devienne impossible. C’est ce que nous donne à lire, entre autres choses, Ernesto Sabato, dans son ouvrage El tunel.
 
Ô Christine…
 
Les obstacles de la communication peuvent se rencontrer au quotidien : souvent, un manque ou un surplus d’intelligence suffit. Par exemple lorsque Christine Boutin nous dit que « les civilisations qui ont reconnu l’homosexualité ont connu la décadence », elle choisit une communication dite à obstacle : la compréhension de son discours est difficile, car son surplus d’intelligence lui fait voir ce qui nous est invisible, soit que la Grèce antique était une civilisation de la décadence. De manière générale, une inégalité de compétence ou de qualité peut entraîner des problèmes de communication. Un autre obstacle possible serait un manque de consensus : deux êtres ne peuvent communiquer, s’il n’existe entre eux un terrain d’entente, d’échange.
 
L’histoire

Dans le roman d’Ernesto Sabato, Juan Pablo Castel, un peintre, tombe amoureux d’une jeune femme nommée Maria Iribarne. La relation amoureuse en général contient en elle-même tout un panel de codes et de signes qui encadrent et régulent sa communication. Mais celle-ci a la particularité de n’obéir à aucune règle, aucun code, car Juan Pablo, le héros et narrateur du roman, ne saurait s’y soumettre (ou alors, il transcende ses codes en choisissant de les appliquer à la lettre, mais ceci est l’objet d’une autre réflexion). Ernesto Sabato parvient alors à nous offrir l’exemple d’une relation où la communication devient petit à petit impossible, à force d’obstacles – comme celle entre moi-même et Christine Boutin.
Le premier des obstacles est donc la différence d’intelligence : Juan Pablo est un homme à la logique implacable, son raisonnement s’appuie sur un système de déductions, basé sur la stricte observation, n’admettant aucune variation ou influence affective. Son intelligence est abstraite, rapide, infinie dans ces cycles de déductions et d’inductions. L’intelligence de Maria nous est très peu décrite, elle apparaît cependant comme une femme à l’intelligence fine, mais commune, souvent parasitée par ses émotions ; on pourrait penser que le lecteur a davantage tendance à s’y identifier.
Le second obstacle est le manque d’un espace de partage, d’une interface d’échange : Juan Pablo et Maria n’ont absolument rien en commun, ils sont en réalité presque à l’opposé l’un de l’autre. Le peintre est un homme qui a pour valeur l’absolu : il ne conçoit rien en dehors de sa vision du monde, il a une lecture exclusive de ce qui l’entoure, qui se veut universelle (puisque strictement logique). Ainsi il ne peut supporter que Maria ne réponde pas précisément à ses questions, ou qu’elle se permette de laisser des silences au sein de leurs conversations : pour lui, si elle ne dit pas tout, c’est qu’elle lui cache quelque chose ; refuser de parler, de lui donner à lire, de se donner à lire entièrement, c’est le trahir. Maria, elle, est une femme aux valeurs relatives, elle incarne davantage ce qu’on pourrait qualifier de communication « facile » : elle a plusieurs amants, elle est mariée, elle a un travail qui l’occupe et des amis, elle navigue entre différents milieux sociaux sans difficultés ; et cette qualité lui permet de comprendre l’homme que jamais personne n’avait compris : Juan Pablo.
 
Un roman à clefs
 
Leur rencontre se produit de manière très précise autour d’une image clef : une partie d’un tableau de Juan Pablo, qui représente une fenêtre, à travers laquelle on aperçoit une femme au bord de la mer :
« Era una mujer que miraba como esperando algo, quizá algún llamado apagado y distante. » (C’était une femme qui regardait comme si elle attendait quelque chose, peut-être un appel effacé et distant.)
Ils ont le sentiment qu’ils sont les seuls à avoir la bonne lecture de cette image, qui serait censée représenter « la solitude anxieuse et absolue », « un message de désespoir », mais cette lecture n’est que très confusément expliquée. Quoiqu’il en soit, ça sera la seule chose qu’ils n’auront jamais en commun : ce bout de tableau, qui traduit leur vision du monde, et leur relation. En effet, à plusieurs reprises, ils incarneront eux-mêmes l’image du tableau, Maria étant la femme au bord de la mer, pleine d’espérances nostalgiques, et Juan Pablo le peintre, qui la voit, la désire, et la contrôle. Ce qui est très intéressant ici, c’est que cette image écrite (le livre ne comporte aucune illustration), et incarnée par les personnages, est donnée à lire aux lecteurs sans que Juan Pablo et Maria parviennent eux-mêmes à clairement définir les sentiments qui y sont associés. Le roman est tout entier l’écriture de cette image, sans qu’elle soit vraiment décrite objectivement, ni complètement traduite émotionnellement. L’image dans le texte est davantage comme une ombre, clef de la communication, qui ouvre aux personnages et aux lecteurs un monde de possibles indicibles. La seule chose qui permet en réalité de véritablement construire cette image, c’est la certitude qu’elle n’a qu’une seule vraie lecture, et que c’est à condition qu’on la comprenne que l’image (et donc le roman) prendra sens.
 
Marine Gianfermi
Toutes les traductions faites ici sont personnelles, et corrigées par Irène Gimenez.
Pour les étudiants et amateurs, le livre se lit aisément en espagnol.

Archives

Jacques a dit d’aller voir Intouchables

 « Pas de bras, pas de chocolat » ça vous dit quelque chose ? Si non, c’est sans doute que vous vivez dans un monde parallèle sans le moindre média, voire sans personne. En effet,  puisque Jacques l’a dit, ce sont plus de 10 millions de français qui ont gagné les salles obscures pour voir ce « phénomène ».
Impossible d’y échapper, le film d’Eric Toledano et Olivier Nakache est omniprésent  dans les médias. Ainsi, Philippe Pozzo di Borgo et Abdel Sellou, les personnes ayant inspiré le film, font l’objet de « portraits » tandis que leurs interprètes dans le film sont les invités de plateaux télé tels que le JT. Ces apparitions sont bien sûr relayées dans les réseaux sociaux. Par exemple ce tweet de ‘20hLFerrari’ : « Omar Sy et François Cluzet seront les invités mercredi 30 nov du 20H de TF1 pour les  10 millions d’entrées d’intouchables ». La page facebook du film compte actuellement plus de 200 000 « j’aime » et la presse écrite n’est pas épargnée (double page consacrée au film dans Libération).
Pourquoi un tel succès ? Tout d’abord, un sujet grave traité sur un ton léger plaît en ces temps de crise et de pessimisme. Le film cherche à délivrer un message de tolérance puisqu’il relate l’amitié inattendue entre un riche tétraplégique et un jeune de banlieue repris de justice. Stéréotypes me direz-vous ? Sans doute, mais le fait que le film est inspiré d’une histoire vraie ajoute une touche d’émotion et de compassion qui suscite l’adhésion des spectateurs. Ainsi, personne ne s’indigne lorsque Philippe Pozzo di Borgo et Abdel Sellou expliquent que les courses- poursuites avec les forces de l’ordre sont réellement arrivées, le regard porté sur eux est au contraire indulgent et bienveillant.
Comme tous les films français sortis récemment, Intouchables a bénéficié d’une promotion avant sa sortie en salle. Et le résultat est là. Cependant, contrairement aux autres films sortis à cette même période, la promotion s’est largement poursuivie, voire amplifiée après sa sortie. Alors, à la manière de l’œuf et de la poule, une question relative à la communication faite autour du film se pose : Est-ce la bonne promotion qui a attiré autant de  spectateurs ou est-ce au contraire l’incroyable succès du film qui a provoqué une telle médiatisation ? Autrement dit, lequel est arrivé le premier entre l’hyper-promotion du film et l’adhésion du public ? Désormais, lorsqu’on interroge une personne pour savoir si elle a ou non vu Intouchables, les réponses se répartissent souvent entre un « oui » enthousiaste et un « non, pas encore ». Pas encore, comme s’il était indispensable et évident qu’elle ne tardera pas à y aller.
Ce succès inattendu provoque également des débats dépassant (peut-être) le cadre du film. Le handicap est ainsi devenu un sujet très en vogue dans tous les médias. Alors que Le Parisien publie un supplément spécial handicap, le Petit Journal de Canal + interroge Mickaël Jérémiasz, le tennisman paraplégique, afin de connaître son avis sur le film, et au micro d’Europe 1, on demande à Dominique de Villepin s’il l’a vu. Le film pose également, dans une moindre mesure, la question des inégalités sociales. Autant de sujets mis ou remis au goût du jour grâce à un film, reste à savoir si la parenthèse sociale qui s’est ouverte ne va pas se refermer dès que le nombre d’entrées en salles s’essoufflera.
 
Manon Levavasseur

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Agora, Com & Société

La vague française

 
Je n’aime pas les films français (surtout les comédies). Peu subtils, et souvent envieux des productions d’outre atlantique, ils se retrouvent rapidement dans la catégorie « films que je n’irai jamais voir au cinéma ». Pourtant, cette rentrée 2011 fait office d’exception dans mon avis tranché et renfrogné. Les quatre derniers films que je suis allée voir ces deux derniers mois étaient français, et je les ai tous aimés.
Cette nouvelle saison a commencé en beauté, tous genres et nationalités confondus : « Drive », « La guerre est déclarée », « The Artist », « Les marches du pouvoir »… comme à l’accoutumée dans la dure loi qui régit le calendrier cinématographique, les films présumés bons sortent tous en même temps. Or, alors que les américains avaient une offensive de choix avec la super production spilbergienne, la consécration du sexy Ryan Gosling et la suite de la saga Twilight, le cinéma français d’habitude mauvais élève, devient premier de la classe, et éclipse les productions hollywoodiennes, tant sur le nombre d’entrées que sur la couverture médiatique. Dans le Top 10 du Box-Office France, huit sont de « chez nous » : devant des résultats si éloquents, je sens poindre chez les français une petite fierté nationale. La palme revenant évidemment au fameux « Intouchables », détrônant du même coup, « Tintin et le secret de la licorne ».
Beaucoup d’interrogations gravitent autour de cette vague, que dis-je, ce raz de marée français : Pourquoi est-ce que ces films, de genre différents marchent ? Y-a-t-il un renouveau du cinéma français ? Cette question nous intéresse particulièrement et nous replonge au cœur de la problématique d’un marketing cinématographique qui promeut des objets hybrides, entre produit de grande consommation et œuvre artistique : est-ce que la stratégie marketing sert ou dessert la promotion d’un film ?
 

 
L’exemple : « Tintin et le secret de la licorne »
Budget : 135 millions de dollars
Tout l’été nous avons été, et ce jusqu’à sa sortie, bombardés par une promotion proportionnelle au budget de tout blockbuster qui se respecte : à l’instar de notre Martine, Tintin, lui aussi peut tout faire: Tintin fait ses courses chez Carrefour, Tintin va au McDonald, Tintin roule en Peugeot, Tintin prend le Thalys etc…
En plus de cette stratégie commerciale massive, les distributeurs du film, Paramount et  Sony Pictures, ont bien travaillé leurs relations avec la presse, très partiale : pas moins de douze quotidiens ont réservés leurs Unes au reporter à la houppette.
 
Le contre-exemple, plus subtil : « Intouchables »
Budget : 9,6 millions d’euros.
Pour ce qui est de la promotion, une simple présence Facebook, une campagne d’affichage et surtout une couverture médiatique importante… après la sortie. Tous les médias s’intéressent à ce nouveau film événement : le bouche à oreille est lancé. Ce succès a même réussi à éclipser deux films américains très bien partis : « Drive » et « Les marches du pouvoir », tous deux menés par Ryan Gosling. Le film devient un phénomène de société, tout le monde en parle, tout le monde veut le voir et on se voit refoulé d’une séance déjà complète pour attendre la suivante en faisant la queue pendant 45 minutes. Intouchables est d’ores et déjà sacré « plus grand succès de l’année au Box Office français » – plus de 7 millions d’entrées oblige.
 
Ma conclusion est prévisible : nous avons ici une preuve que ce n’est pas la campagne marketing qui fait le succès du film. Comme tous produits mercantiles, le cinéma n’échappe pas à la règle de qualité : le produit doit être bon. Mais pas que. C’est également la rencontre de l’offre et de la demande, donc la réponse à un besoin particulier : les français auraient envie de rire. Pourtant, le succès des derniers films français de la rentrée ont des genres et des sujets différents : drame, comédie, film muet ! Cette diversité nous pose donc d’autres questions. Est-ce que la très bonne réception des films français a préparé un terrain favorable à « Intouchables » qui aurait alors bénéficié d’un élan d’affection pour les productions françaises – d’affection, ou de chauvinisme. Concernant le cas Tintin, est ce que finalement, cette stratégie marketing très agressive n’a pas desservit le film, provoquant habitude et lassitude avant même sa sortie en salle ?
C’est la fin de l’année. Espérons que les prochaines enquêtes et analyses sur cet intriguant sujet aideront à répondre aux interrogations soulevées par ces succès français !
 
Marine Plagne

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Jacques a dit qu’en matière d’élections il ne faut pas oublier la photo pour accompagner le CV

 
Et ce conseil a été suivi à la lettre par l’ensemble de nos politiques qui ne se lassent pas de s’afficher sous toutes les formes et sur toutes les plates-formes : affiches, blogs, site internet, réseaux sociaux, tout y passe. Cela dit, cette habitude ne serait-elle pas un des facteurs d’explication d’un mal être qui se fait de plus en plus profond chez les français ? En effet, si on excepte les élections présidentielles de 2007 qui peuvent être qualifiées de réaction automatique à la piqure de rappel infligée en 2002 lors de l’affrontement Chirac/Le Pen, force est de constater que l’abstentionnisme électoral est en train de devenir la norme[1]. A une époque où tout le monde s’exprime sur tout, tout le temps, il semble nécessaire de se demander ce que peut signifier ce manque de communication ahurissant entre gouvernants et gouvernés au travers de la non-utilisation de cet outil qu’est le droit de vote et pour lequel certains se sont battus. Il est possible de considérer cette question en observant deux phénomènes inter-reliés.
 
Dans un premier temps, comportons nous comme un passant en pleine campagne électorale. Dans la rue, nous croisons des affiches représentant la plupart du temps un candidat au sourire béat. Son slogan est généralement largement affiché à ses côtés dans un paysage correspondant à l’image qu’il veut renvoyer. Plus tard, il est l’heure de rentrer et au journal télévisé passe ce même candidat que nous avons pu observer dehors il y a quelques minutes à peine. Il a soigné son allure, ses vêtements et son discours est préparé, même les petites phrases assassines à l’égard de ses concurrents qu’il espère voir reprises par la presse le lendemain. Il a l’air plus gros que ce matin quand on l’a vu faire son jogging. Finalement, à la fin on nous citera les différentes plateformes où l’on peut discuter des « idées » débattues qu’il s’agisse de blogs, de site web ou de réseaux sociaux. Ce que l’on peut retirer de ces observations c’est que le dispositif de communication en soi se veut plus présent que les idées elles-mêmes. On multiplie les contenants sans les agrémenter du contenu nécessaire. On met en avant des hommes plus que leurs idées.
 
A partir de là, il est tout à fait compréhensible que l’on se sente l’objet de manipulations permanentes. La politique devient un objet de marketing où chacun devient une cible et non plus un citoyen capable de penser par lui-même. Une impression se dégage selon laquelle nous sommes une voix supplémentaire dans le compte électoral plutôt qu’une voix complémentaire dans le mécanisme démocratique. L’abstention alors peut être considérée de deux manières. Soit comme un vote de protestation parce qu’aucun des candidats en lice ne s’est montré à la hauteur des espérances du votant et que dans notre pays, aucune distinction n’est encore faite entre le vote blanc et le vote nul. Soit comme un vote d’indifférence parce que le votant est désabusé des discours politiques qu’il fourre dans un unique sac peu importe qu’ils soient de droite de gauche ou du centre et que de toute façon la seule chose qui compte pour M. Machin c’est d’être élu voir réélu.
 
On peut donc se poser cette question le plus sérieusement du monde : et si les hommes politiques ne s’affichaient plus ? Cela ne signifie pas qu’il faille abandonner toute forme de communication, celle là est évidemment plus que nécessaire, mais c’est un dispositif à repenser parce qu’aujourd’hui aux yeux des citoyens elle inspire d’avantage la méfiance que la confiance. Ne faudrait-il pas s’abstraire de la vision de l’homme en tant qu’être de chair et d’os pour une représentation de l’homme en tant qu’esprit productif d’idées. Au fond ce que les citoyens attendent aujourd’hui est ce que ce n’est pas une abstraction de l’homme plutôt qu’une abstraction des idées et des actes? Et si les hommes politiques ne s’affichaient plus ? Peut être qu’ilslaisseraient la place aux idées et que leurs actes pourraient parler pour eux…
 
Justine Jadaud

 

[1] Abstentions

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