CINEMA DES FAUVETTES
Société

Le cinéma des Fauvettes : un renouveau de l'expérience visuelle

6 novembre 2015, 18h, une file d’attente se bouscule au 58 avenue des Gobelins, bracelets VIP aux poignets avant de pénétrer dans le cinéma des Fauvettes flambant neuf après plus de vingt mois de travaux. L’inauguration se fait dans les règles de l’art, hôtesses et serveurs, vin et champagne, conversations sur la magnificence du lieu. Car oui ce n’est pas un simple Gaumont-Pathé, mais un véritable bijou architectural. Le lancement du nouvel investissement de la Fondation Pathé-Seydoux est un magnifique coup de com. Chaque invité, après s’être mêlé à la petite famille du cinéma, se voit attribuer à sa sortie une enveloppe renfermant une carte magnétique vous offrant trois places de cinéma gratuites (le chiffre impair signant la logique marketing de fidélisation). Cinéphiles et initiés, soyez les bienvenus. Mais justement, ne vous trompez pas de numéro dans l’avenue des Gobelins, ici ce n’est pas l’UGC, on ne passe que des films restaurés. Le projet ? Rendre accessible une culture de l’image et honorer notre patrimoine. Mais à quel prix ?
Aziz, Lumière !

Le Cinéma des Fauvettes n’est pas un cinéma comme les autres. Un bâtiment sombre aux décors semblables aux files d’attente de Disney ? Niet. L’architecte Françoise Raynaud a voulu en faire un puits de lumière. Le cinéma est donc doté d’une cour intérieure qui laisse paradoxalement entrer les rayons du soleil. Le concept : en faire un lieu de sociabilité, où l’on s’attarde après ou avant la séance en prenant un verre dans l’espace lounge. On peut y croiser du beau monde, comme par exemple le réalisateur des Blues Brothers, John Landis (true story). Le design intérieur est signé Jacques Grange. Dommage que le tissu des fauteuils et canapés fasse un peu tache, mais après tout, c’est la signature Pathé qui le veut.

Les boiseries magnifiques du lieu mettent à l’honneur l’architecture japonaise et l’artisanat. On se croirait dans un sauna suédois, avec un petit jardin sous verrières au centre du cinéma. Les dizaines de poutres en bois font écho aux écrans pixellisés qui illuminent l’avenue des Gobelins et la rue Abel Hovelacque. Bref, Shanghai et Time Square s’invitent à Paris. Il s’agit là d’une œuvre de l’artiste Miguel Chevalier. Ces façades extérieures diffusent des extraits de films, qui changent selon les cycles proposés par les Fauvettes. C’est un écran publicitaire unique qui vient signifier le passage dans une autre dimension. D’ailleurs le couloir de l’entrée provoque cet effet tunnel et déroutant grâce à la chaleur naturelle du bois, contrastée par des écrans et machines ultra modernes.

Mais les salles de visionnage ne sont pas immédiatement visibles. Les cinq salles sont situées au sous-sol, pour un total de 646 places contre 1000 dans l’ancien cinéma. C’est le confort qui est privilégié. Autrement dit, c’est toute l’expérience du cinéma que la fondation Pathé-Seydoux entend renouveler.
(Est) Fauve qui peut
« Films restaurés, émotions intactes ». C’est le slogan du cinéma dans lequel la fondation a investi plus de 6,5 millions d’euros pour les travaux. C’est l’expérience cinématographique qui est valorisée au travers de leur communication. Un choix éditorial d’ailleurs sursignifié par le passage d’un petit court-métrage avant la diffusion de votre film qui remplace les habituelles bandes annonces et publicités. Le court métrage est à la limite du mini documentaire qui explique via un storytelling bien ficelé, sur une musique dramatique, l’art de restaurer un film. Pathé a ainsi lancé en 2012 un grand plan de restauration d’une centaine de films.
L’expérience mise en avant est celle d’un cinéma de luxe. 12€ la place, c’est aussi le prix d’un spectacle à l’Opéra en catégorie 5. Entre le bar-salon et la possibilité de choisir son siège comme au théâtre – rang, numéro, solo ou duo. Les Fauvettes vous offrent même le privilège d’une séance sans publicité remplacée par une promotion en interne puisqu’en plus de vanter l’artisanat des techniciens, sont annoncés sous la forme de bandes annonces des films que l’on connaît déjà, que l’on aime et aimera revoir, histoire de commencer la séance le sourire aux lèvres et les souvenirs plein la tête.
C’est une promotion sans bavure et sans fioritures. La question se porte donc sur le financement de cette communication. La cible : les CSP+, des retraités et des cinéphiles connaisseurs. Pathé espère créer un concept qui sera copié par ses concurrents. Mais est-ce réellement un nouveau concept ?
« Il y a des films inoubliables, il y a maintenant des cinémas pour les rendre éternels »
Cet autre slogan a failli faire s’étrangler les concurrents de Pathé. Nombreux cinéma français font honneur au patrimoine cinématographique. MK2 fonctionne déjà sur l’alternance blockbusters/rétrospectives. Les MK2 communiquent autour des expositions culturelles partenaires et diffusent aussi des films restaurés. Mais leur vision de l’accessibilité est différente de celle des Fauvettes. Différente aussi du Champo, à deux pas de la Sorbonne qui ne diffuse que des films anciens.
L’offre des Fauvettes se tourne vers les films qui ont plu au public, de grands classiques comme Le Corniaud qui a inauguré le cinéma, mais aussi les dessins animés Pixar, les James Bond ou la saga Harry Potter. Les Fauvettes fonctionnent ainsi par thématiques, cycles de films qui s’adressent à des initiés, à des cinéphiles qui veulent voir sur grand écran en haute définition les images qui ont marqué leur époque. La fondation Pathé-Seydoux, d’ailleurs située au 73 de l’avenue des Gobelins, se cale ainsi sur des projections Arte ou sur des festivals comme le Festival « Il Cinema Ritrovato » de Bologne qui a inspiré Jérôme Seydoux pour la création des Fauvettes.
En somme, le passereau réussit à faire son nid avenue des Gobelins et l’expérience vaut le détour.
Judith Gasnault
Sources :
Cinéma les Fauvettes – http://www.cinemalesfauvettes.com
Besse Caroline, « Les Fauvettes : de « Top Gun » à « Casino », un cinéma dédié aux grands films restaurés » in TELERAMA, mis en ligne le 13/11/15. Disponible sur : http://www.telerama.fr/cinema/top-gun-retour-vers-le-futur-casino-cinema-les-fauvettes-petit-a-petit-l-oiseau-refait-son-nid,134099.php
Fabre Clarisse, « Les cinémas parisiens au bord de la crise de nerfs » in LE MONDE, mis en ligne le 09/11/15. Disponible sur : http://abonnes.lemonde.fr/culture/article/2015/11/09/les-cinemas-parisiens-au-bord-de-la-crise-de-nerf_4805719_3246.html
Larrochelle Jean-Jacques, « Bain de lumière et de pixels pour le cinéma Les Fauvettes, à Paris  » in LE MONDE, mis en ligne le 09/11/15. Disponible sur : http://abonnes.lemonde.fr/cinema/article/2015/11/09/bain-de-lumiere-et-de-pixels-pour-le-cinema-les-fauvettes-a-paris_4805721_3476.html
Crédits images : 
http://culturebox.francetvinfo.fr/cinema/evenements/les-fauvettes-un-cinema-ultra-moderne-dedie-aux-films-classiques-ouvre-a-paris-230341 
Judith Gasnault
http://www.telerama.fr/cinema/top-gun-retour-vers-le-futur-casino-cinema-les-fauvettes-petit-a-petit-l-oiseau-refait-son-nid,134099.php

BRANDALISM COP21 TOTAL
Société

Brandalism : l'exposition événement !

 
Les jours précédant la COP 21, les rues de Paris ont été le théâtre d’un étrange phénomène. À la surprise générale des passants, des prints hors normes ont remplacé les affiches publicitaires dans les cadres symboliques et d’autorité que représentent les espaces publicitaires JCDecaux. Pour le groupe industriel JCDecaux et les sponsors de la COP 21, ça fait tâche.
« Artivistes »
Cette opération haute en couleur a été menée par le mouvement britannique Brandalism, contraction de « brand » (osons la traduction : « marque » en anglais) et « vandalisme ». Derrière ce nom percutant, un collectif constitué de 80 artistes engagés, tels que les français Alex One, Arnaud Liard, Millo and ZAD mais aussi Paul Insect (le collaborateur de Banksy), Neta Harari etc. Ensemble, ils avaient déjà mené des campagnes de « publicité subversive », notamment en Angleterre, et participé à des projets tels que Dismaland, l’exposition de Bansky qui donne à voir une version lugubre de Disneyland.
Le poids des mots, le choc des photos
Les « œuvres d’art » qui ont remplacé les publicités de Paris sont toutes pour le moins percutantes, ironiques, voire amères. En général, elles revisitent les codes de nos imaginaires collectifs, les déconstruisent pour nous jeter au visage une vérité qui n’est pas toujours bonne à entendre. L’innocente Alice, loin du pays des merveilles, est esseulée dans un fond blanc, reliée à une bouteille de gaz toxique. L’affiche factice de Total clame : « Notre philosophie, vous n’avez pas besoin de savoir ». Et la contrefaçon Volkswagen racole avec le slogan « Roulez plus propre. Du moins en apparence ». Brandalism se joue des publicités et souligne avec finesse le scandale du concessionnaire, comme l’argument marquant l’impossibilité de confiance que nous pouvons placer dans ces multinationales, pourtant partenaires de la COP 21. Ce genre de slogans inhabituels provoque l’incompréhension, donc l’intérêt. Il s’agissait pour Brandalism de donner des noms, de dénoncer en parodiant, pour avoir l’attention du public. Pari gagné ?

Des multinationales aux chefs d’états : les coupables pointés du doigt
Dans leur communiqué de presse, Brandalism dénonce « la mainmise des négociations sur le climat par les multinationales » durant la COP 21. Ainsi, cette campagne incarne leur indignation contre le positionnement contradictoire d’entreprises, à la fois grands pollueurs et sponsors de la COP. En pointant du doigt le « greenwashing » des multinationales qui continuent à exercer leur modèle économique destructeur, c’est à tout un système qu’ils s’attaquent.
 

Un refus de la pub et du consumérisme « insoutenable »
La publicité, note dissonante d’optimisme et d’hypocrisie sur une partition médiatique alarmiste, a de quoi irriter nos oreilles. En effet, même quand les médias annoncent des mauvaises nouvelles, la publicité est toujours là, positive, poussant à la consommation malgré la réalité … Comme le collectif l’évoque sur son site, les retombées des attentats de novembre ont conduit à l’interdiction pour le peuple de manifester, de s’unir physiquement pour réfléchir ensemble. Mais rien n’a stoppé l’encouragement à la consommation de masse, et ce sans se poser de questions. De ce fait, cette « campagne massive de détournement publicitaire », vise à recréer de l’union dans l’action, et à bousculer notre inertie face aux publicités consuméristes. Cette campagne artistique pose la question de « l’infra-ordinarité » de l’omniprésence visuelle des messages commerciaux, qui ont la presque exclusivité sur le paysage urbain.
Ce pastiche potache qui révèle au grand jour l’ironie de la communication dit aussi la difficulté pour le consommateur de ne pas se laisser berner. En adoptant le même type de discours affirmatif sans nuance, c’est à nous plus qu’aux grands pollueurs, que Brandalism s’adresse, en nous priant habilement de ne pas tout avaler. Et c’est l’autre tension que cristallise cette campagne artistique : la différence fondamentale entre l’art et la publicité. Ce week-end, ils étaient dans les mêmes cadres …
Un message clair
Dans cette campagne de « piratage créatif », seuls les activistes restent mystérieux. Dans une vidéo publiée sur leur site, ils dévoilent leur stratégie d’action, montrant les affiches roulées et se donnant à voir déguisés en agents d’affichage de la compagnie JCDecaux. Autant de transparence sur leur façon de procéder qu’ils en attendent de la part des chefs d’états et des multinationales. Cette campagne hautement maitrisée est révélatrice de la volonté de transparence vers laquelle tend le groupe. Dans le communiqué, nous pouvons lire au sujet des multinationales : « elles font comme si elles faisaient partie de la solution alors qu’elles font partie du problème ». Cette tournure de phrase illustre la posture de Brandalism qui se veut rectificateur de la vérité. Ils s’imposent comme des lanceurs d’alerte, voire des adjuvants : « Il est plus important que jamais de dénoncer leurs mensonges et de mettre en lumière les enjeux de pouvoir derrière les négociations [NDLR de la conférence de Paris] ». Leur utilisation de la modalité épistémique (le discours qui pose le vrai et le faux) ne fait qu’attiser la paranoïa actuellement présente dans notre société. En effet, les « on ne nous dit pas tout », ou « on nous ment » sont des remarques plus que récurrentes de nos jours. En adoptant cette posture sans nuance qui flatte les sceptiques, nous resterons sur notre faim en termes de propositions sociétales, et de pistes de réflexions. Mais est-ce vraiment le rôle de l’art que de donner des réponses ?
Le mouvement Brandalism soulève violemment mais pacifiquement des questions épineuses, loin de la communication édulcorée de la COP 21. Autant d’affiches et d’acteurs que de questions qui méritent une réflexion poussée sur des problématiques de fond. Mais cette bataille des images et des messages n’aura eu qu’un temps, la « JCdéco » a regagné la ville.
Julia Lasry
Sources :
Brandalism.org.uk
La revue des images d’Helene Delye, sur France Culture
Next Libération
Big Brother, blog du Monde

Des fausses publicités pour dénoncer les « mensonges » des sponsors de la #COP21

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Crédits images : 
http://airinfo.org
France Culture
http://www.nuitetjour.xyz
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/11/29/de-fausses-publicites-denoncent-les-mensonges-des-sponsors-de-la-cop21/
http://www.brandalism.org.uk/brandalism-cop21

GRAFFITI
Société

Le graffiti est-il l'esthétique d'une communication rebelle ?

Graff’, graffiti, tag… Ces termes connaissent encore un amalgame. D’un côté il y aurait les rebelles de la ville, ceux qui taguent à la va-vite le nom de leur âme-sœur ou bien leur haine du système. Et de l’autre il y aurait les vrais artistes, ceux qui passent du temps à peaufiner leur œuvre. Mais au fond, n’y-a-t-il pas la même volonté sourde d’être entendu, de communiquer sur ce que l’on est et ce que l’on pense ? Ce cri du cœur ne se serait-il pas au bout du compte transformé en simple objet d’art ?
Un antique moyen de communication
Parce que oui, les premiers graffitis remontent bel et bien… à l’Antiquité ! 2000 ans plus tard, des archéologues ont découvert des pans entiers de la ville de Pompéi recouverts de « graffitis », à savoir des petits mots qui louaient ou blâmaient une personnalité ou qui dénonçaient l’esclavage. Mais il s’agissait de simples phrases, là où un véritable art du graffiti s’est développé aux Etats-Unis dans les années 60, issu de la culture hip-hop. Au départ il s’agissait de tags plutôt sauvages, puis petit à petit la technique a évolué et les graffitis sont devenus plus esthétiques. Le tag, simple mot écrit à la hâte qui permet à l’auteur « vandale » de laisser sa signature, s’oppose de plus en plus au graffiti. Il s’agit pour l’artiste de mettre en forme ses idées de manière esthétique. Néanmoins le graffiti en France est légalement puni : liberté d’expression oui, mais pas n’importe comment ni n’importe où. De manière générale, on le considère comme une « destruction, dégradation ou détérioration volontaire d’un bien appartenant à autrui ». Vous pouvez donc faire des graffitis mais ce en toute discrétion, ou bien il doit faire l’objet d’une commande officielle.
 

Le graffiti fait de la résistance
Le graffiti urbain a donc connu une déferlante à partir des années 1970 et ce malgré les interdits. Il connaît un franc succès dans des villes qui ne cessent de s’étendre et où les habitants ont du mal à trouver leur place. Le graffiti est donc le moyen d’affirmer une identité dans une ville qui ne semble rien voir, rien savoir de ses artères humaines. Pour beaucoup il est également le moyen d’afficher ses revendications et de s’opposer publiquement au gouvernement en place. Il y a quelques semaines, Le Petit Journal avait réalisé un reportage sur la Birmanie où l’arrivée au pouvoir du parti d’Aung San Suu Kyi annonçait un souffle de liberté, notamment dans le domaine de la musique et de l’art. Un jeune graffeur explique devant un de ses graffitis représentant la quête pour la paix, que les artistes étaient censurés s’ils utilisaient la couleur rouge dans leurs œuvres –couleur de la Ligue nationale pour la démocratie-, et que ces élections étaient prometteuses quant au statut et à la liberté des artistes.
S’ils traduisent la colère ou l’aspiration à une société meilleure, les graffitis permettent aussi de fédérer des populations entières autour de valeurs communes. C’est dans un contexte malheureusement bien triste que cela s’est confirmé avec les attentats en France des 7 janvier et 13 novembre 2015. Des artistes sont alors descendus dans les rues pour rendre hommage aux trop nombreuses victimes, pour exprimer leur chagrin à travers leur talent et ainsi redonner de la vie, des couleurs, tout ce qu’aimaient les victimes, et qu’artistes et citoyens souhaitent aujourd’hui perpétuer malgré la douleur.

Chaque artiste apporte sa touche personnelle mais c’est bien un message commun auquel tout le monde s’identifie, à travers les hashtags « Jesuischarlie », « Prayforparis » ou la devise de Paris « Fluctuat nec mergitur ».
La love story compliquée du graffiti et de l’art
Malgré l’émotion que dégagent ces graffitis, force est de constater qu’ils peinent encore à se faire reconnaître. C’est d’ailleurs dans cette traque à la reconnaissance que s’est constitué le mouvement du « street art » où l’on retrouve la notion d’art : il ne s’agit pas d’esquisser deux traits de couleurs sur un mur, mais de passer du temps à la réalisation d’une œuvre, ce qui demande de la technique et de la minutie. Paradoxalement, le graffiti se trouve aujourd’hui devant un autre dilemme : s’il est parfois tacitement accepté dans les villes et exposé dans des galeries, on peut s’interroger sur le type de communication qu’il engendre désormais. Certains maires commandent même des œuvres pour « habiller l’espace urbain » et raviver des bâtiments ternes : où est donc passé le côté spontané du graffiti qui même ouvragé correspond à l’identité d’un artiste, à sa signature ? On peut alors douter de l’authenticité de l’œuvre lorsque celle-ci doit répondre à certaines attentes de la part du mécène. L’œuvre retombe dès alors dans les mêmes problématiques qui se posent dans l’art concernant sa part de liberté et d’influence extérieure.
Mais ne jetons pas la pierre aux graffeurs car dans toute communication, il y a bien un émetteur et un récepteur. Et si le graffiti tend à devenir plus artistique que revendicateur, peut-être est-ce la faute à notre regard critique face à ces inscriptions urbaines. Soyons honnêtes, il est plus agréable de regarder un graffiti esthétiquement attirant, même si le sujet est poignant, plutôt que de s’arrêter devant un graffiti qui se sera plutôt concentré sur le message que sur la forme. Lors des attentats, nous avons tous été touchés par la multiplication de ces graffitis qui reprenaient des expressions connues et par leur portée symbolique. Mais n’y a-t-il pas, au fond, une certaine hypocrisie à accepter et même à inciter les graffitis lors de moments de crise, là où en temps normal ceux-ci sont interdits et même hués par beaucoup ? A-t-on été plus ému par le fait que chacun prenne ses bombes de couleurs et laisse un hommage, ou par l’image en elle-même d’une France meurtrie ? Cela signifierait que la communication de l’artiste serait plus forte en temps de crise qu’en temps normal, alors même que celui-ci dessine tous les jours ce qu’il est, ce qu’il espère et ce dont il souffre parfois. Mais comme dans tout art, un graffiti ne peut être apprécié de tous car cela relève du subjectif, et l’on peut trouver dommage d’y être confronté dans des lieux publics sans avoir eu le choix de le voir ou non. Pour être apprécié à sa juste valeur, le graffiti a encore des batailles à gagner, du côté des graffeurs comme du public.
Ludivine XATART
Sources :
« Graffitis, art et communication dans la ville », EYSSARTIER Mélissa, FERRON Mélanie, GIACOBBO Josepha, GRUNENWALD William, GUYADER Olivier, Université Michel de Montaigne,Bordeaux3, ISIC, L3, 2010.
« Du graffiti romain au graff moderne » in HugoL’escargot. Disponible sur  http://www.hugolescargot.com/article-des-origines-du-graffiti-au-street-art-ou-art-urbain.htm
« Graffiti, historique du mouvement ». Disponible sur  http://www.jean-michel-basquiat.net/mouvement-graffiti.html
« Après les attentats de Paris, le street-art pour afficher sa résistance », in FranceInter, mis en ligne le 20/11/15. Disponible sur http://www.franceinter.fr/depeche-apres-les-attentats-de-paris-le-street-art-pour-afficher-sa-resistance
Crédits photos :
lapresse.ca
http://www.hugolescargot.com/article-des-origines-du-graffiti-au-street-art-ou-art-urbain.htm
streetartandgraffiti.blogspot.com
positivr.fr

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SOURIRE
Société

Le sourire est-il trop populaire ?

Si vous aussi on vous répète toujours de sourire sur les photos pour qu’on ne pense pas que vous faites la gueule, alors bienvenue au club. Quand est-ce que crier bêtement « cheese » avant la capture fatidique est devenu une norme, presque un rite de passage ? On savait que le fromage avait des vertus gustatives particulières mais au point de vous faire paraître heureux, vraiment ? On peut penser que le sourire transcrit le bonheur mais ne perd-t-il pas de son intérêt naturel par une capture qui n’a rien de spontanée ? Cheese ou smiley, analysons la place majeure et insoupçonnée de ce rictus.

SCANDAL
Société

Spin doctors VS Magistrat

Olivia Pope et sa bande de gladiateurs en costume ont contribué à faire connaître au grand public les spin doctors, des pros de la communication de crise. Le terme spin doctor nous vient du verbe anglais « to spin » qui veut dire « faire tourner » dans le sens de l’effet qu’on peut donner à une information. A l’origine, on retrouve plutôt les spin doctors dans les hautes sphères de la politique comme dans la série américaine « Scandal ». Aujourd’hui c’est dans les tribunaux qu’ils s’invitent aux côtés des avocats pour essayer d’influencer l’opinion publique.
Il était une fois des storytellers…

Les spin doctors sont avant tout des storytellers. Leur travail consiste à donner une bonne image de leurs clients en racontant une histoire au public. Ils doivent faire en sorte qu’on en dise du bien. En politique, cela se traduit par le fait de rendre un candidat séduisant aux yeux de l’électorat en racontant une histoire de ce dernier. Dans les tribunaux, ils ont toujours cette même fonction de storytellers sauf qu’ils doivent donner une bonne image de leurs clients poursuivis en justice. Pour cela, les spin doctors vont s’aider de tous les moyens de communication à leur disposition : tweets, communiqué de presse, mise en scène d’interview…
Les communicants de crise vont aussi scénariser la prise de parole de leurs clients pour qu’ils n’y prononcent pas un mot de travers qui pourrait écorner l’image de ces derniers. Ils définissent la stratégie à adopter avec leurs clients en travaillant main dans la main avec les avocats. Chacun son rôle, les spin doctors sont les spécialistes de l’image et les avocats se chargent du plan juridique. Il peut arriver que l’un s’efface au profit de l’autre. Ainsi, durant la phase d’instruction d’une enquête, l’avocat se concentre sur les avancés de l’enquête et laisse la place aux storytellers. Il arrive aussi que les spin doctors s’éclipsent pour ne pas donner l’impression qu’une parole est instrumentalisée comme cela a été le cas lors du procès de Dominique Strauss Khan pour proxénétisme.
Il était une fois des magistrats et des storytellers …

C’est la tendance de ces spécialistes de la communication à influencer l’opinion publique et attirer l’attention des journalistes qui entraîne une animosité des magistrats à leur égard. L’un des exemples les plus récents est l’affaire Bettencourt. Le 28 mai dernier, lors du dernier acte de cette saga judiciaire, un des juges a critiqué le fait que « la parole et la communication de Liliane Bettencourt ont été instrumentalisées ». Auparavant, lorsque les magistrats critiquaient la défense d’une des parties, ils se tournaient vers les avocats. Aujourd’hui, les spin doctors se trouvent dans leur ligne de mire. En effet, dans l’affaire Bettencourt, les juges considèrent qu’une série d’interviews de la milliardaire a été instrumentalisée. Il y aurait eu une mise en scène d’une interview donnée par Liliane Bettencourt en 2010 sur M6 avec Marc-Olivier Fogiel. Les communicants de Mme Bettencourt auraient proposé des modèles de questions et de réponses à l’animateur pour essayer de donner un certain angle à l’interview.
Cela ne s’arrête pas là. Toujours dans l’affaire Bettencourt, la fille de la milliardaire, Françoise Bettencourt-Meyers, a fait appel à des spin doctors pour le procès comme sa mère. Ainsi, lorsqu’elle est appelée à la barre pour témoigner, son intervention est totalement orchestrée. Ici, le rôle du spin doctor est de préparer sa cliente à faire face aux juges. Il ne s’agit plus de donner une bonne image à l’opinion publique mais de répondre aux attentes des juges, des réponses qui permettront de gagner l’affaire et tout cela sans se parjurer.
L’autre point important du travail des communicants de crise est d’attirer l’attention de la presse et surtout une attention favorable à leur client. Cela leur permet d’exercer une certaine « tension » sur les magistrats. « Notre boulot, c’est aussi d’amener des journalistes dans la salle d’audience » assène Guillaume Didier. « Pour un magistrat, la tension est beaucoup plus forte quand la presse est présente, encore plus aujourd’hui avec les tweets ».
Une efficacité variable
La principale mission du spin doctor, que ce soit en politique ou dans les tribunaux est d’influencer l’opinion publique pour leurs clients. Si cela peut avoir de véritable résultat en politique à travers la bonne communication d’un candidat et son élection au poste convoité, cela n’est pas forcément le cas dans une affaire juridique. En effet, on peut se demander si la bonne communication ou la bonne image du prévenu a vraiment une incidence sur le verdict des magistrats. Certes, ils auront peut-être la sympathie du public mais les juges se fieront plus aux faits et aux résultats de l’enquête pour rendre leur verdict.
Hawa Touré
Sources :
« Ces pros de la com qui défient les juges » in GQMagazine, mis en ligne le 09/11/15. Disponible sur :  http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/gq-enquete/articles/enquete-qui-sont-les-communicants-de-crise/29597
Schneider Vanessa. « Les politiques sous influence » in LeMonde, mis en ligne le 04/10/13. Disponible sur http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2013/10/04/les-politiques-sous-influence_3489100_4497186.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Spin_doctor
Crédits images : 
actuseries.fr
gqmagazine.fr
lemonde.fr

SPECTRE JAMES BOND
Société

My name is Brand, James Brand

Décidément, rien n’arrête plus James Bond : Spectre, le 24e film de la saga, bat le record du meilleur démarrage en France et explose littéralement le budget des précédentes aventures de 007. En effet, avec un budget de 350 millions de dollars, Spectre se hisse loin devant Skyfall qui n’en avait coûté « que » 200 millions et devient ainsi un des films les plus chers de l’histoire du cinéma. Une somme colossale qui n’a pourtant rien d’un pari risqué quand on sait que James Bond est la saga la plus rentable du 7e art. Les seules entrées en salles auraient rapportées près de 15 milliards de dollars depuis 1962. A titre de comparaison, Star Wars, 2e au classement, n’a engrangé que 9 milliards de recettes. La carrière de l’agent au service secret de sa Majesté a donc encore de beaux jours devant elle… De même que l’engouement des annonceurs pour Bond !
Goldmaker
Il semble loin le temps où Albert Broccoli, le fondateur de la société américaine EON qui produit les films de la saga 007, devait lui-même prêter sa Rolex à Sean Connery sur le tournage de James Bond contre Dr No, à défaut d’avoir obtenu une contribution de la part du célèbre horloger. Le luxe et un certain art de vivre ont toujours été étroitement associés à la figure de l’agent secret et ce, même quand la production n’en avait pas les moyens. « Ajoutez à toute aventure de James Bond, une touche de luxe et de confort », disait Ian Fleming, l’auteur des aventures de 007. Aussi, dès les années 70, le marketing saisi tout le potentiel de la saga et investit l’univers bondien au travers de partenariats et placements de produits encore modestes. Tout ce que Bond touche se transforme alors en or. Les producteurs en profitent sans modération… jusqu’à écœurer le public. Ainsi, Die Another Day, sorti en 2002, est rebaptisé Buy Another Day, par les critiques de l’époque tant les placements de produits y sont exagérément nombreux (le film n’avait pas moins de 21 marques partenaires). Depuis, EON Productions a revu sa copie : exit le bling-bling, les partenariats ont été limités mais la place pour pouvoir apparaître au côté de Bond n’en est que d’autant plus chère. Pour Spectre, 12 marques ont réussi à conquérir son cœur et contribuent, en tant que partenaires, d’une manière ou d’une autre, au financement et au succès du film. Et ce fut là le coup de maître d’EON : au lieu de se faire payer grassement pour quelques secondes à l’écran, la société de production exige que les marques partenaires s’engagent sur un investissement publicitaire. Objectif : faire un tapage médiatique maximal au moment de la sortie du film. Personne ne doit ignorer l’arrivée du nouvel épisode ! C’est aussi le rôle que joue la chanson du générique : indissociables d’un James Bond, elles sont très attendues et servent au lancement du film en générant un buzz. Avec plus de 3,5 millions d’exemplaires vendus, un clip visionné 15O millions de fois sur YouTube et l’Oscar de la meilleure chanson (une première pour un générique James Bond), Skyfall d’Adèle a fortement participé au succès de l’épisode auprès du public.
James Bond au service secret de la publicité
Parmi les 12 marques partenaires de Spectre, on compte naturellement des marques de luxe. Celles-ci font partie de l’identité même de l’agent secret. A l’époque, Ian Fleming fut l’un des premiers à pratiquer le « name-dropping » dans ses ouvrages : l’auteur prenait toujours soin de préciser le nom du fabricant des chemises de son héros, de ses cigares et de ses alcools préférés… Dans les films aussi, James Bond a tout ce qui se fait de mieux et le dernier opus ne fait pas exception : voitures Aston Martin, Land Rover, Jaguar ; montre Omega (qui a réussi à éjecter Rolex et fut rendue célèbre par la réplique d’Eva Green alias Vesper dans Casino Royale : un exemple parfait de placement de produit réussi) ; vodka Belvédère et champagne Bollinger ; costumes Tom Ford… « Ces produits seraient de toute façon présents dans le scénario, aussi nous nous efforçons simplement de choisir des partenaires qui offriront les meilleurs chances de succès au film », explique Jean-Patrick Flandé, directeur de l’agence Film Media Consultant qui place des produits dans les James Bond depuis 1978. Ce n’est donc pas un hasard si la franchise est considérée comme la référence en matière de placement de produits : grâce à des objets qui s’intègrent parfaitement au scénario, les producteurs réussissent à susciter une focalisation immédiate de la part du public. Et alors qu’on pourrait s’attendre à ce que 007 ne roule qu’en Aston Martin et n’utilise que la vodka Belvédère pour la préparation de son célèbre vodka-Martini (« Shaken, not stirred »), 007 se révèle être aussi infidèle avec les marques qu’avec ses James Bond girls puisqu’il peut, dans un même épisode, boire aussi bien son cocktail préféré qu’une bière Heineken (les puristes crient au scandale !). « L’infidélité » de Bond permet ainsi aux producteurs d’éviter que le film ne prenne trop l’allure d’un long spot publicitaire à la gloire d’une seule marque d’alcools, de voitures… (ou du moins que cela soit moins flagrant). Et puis, quitte à ce qu’il soit un « homme sandwich », autant qu’il le fasse pour plusieurs annonceurs afin d’augmenter encore les recettes !

« James Bond n’utilise que le meilleur ». Ou pas…
Mais les marques de luxe sont loin d’être les seules à vouloir profiter de l’univers et de la notoriété de l’agent secret pour booster leurs ventes. Des marques de grande consommation tel que Heineken, Gillette ou encore Sony se sont vues octroyées par EON le droit d’utiliser l’image de Bond en contrepartie du lancement de campagnes de grande ampleur lors de la sortie du film. Une stratégie très avantageuse puisqu’elle permet de saturer encore plus les écrans publicitaires et de faire la promotion du nouvel épisode auprès d’un public très large (sans pour autant que cela coûte à EON). En associant son image à de tels annonceurs, James Bond ne risque-t-il pas pourtant de s’éloigner de son cœur de métier : vendre du rêve ? C’est justement cet argument qui a bien failli coûter sa place à Sony, pourtant coproductrice du film. Comme l’ont révélé des mails dévoilés lors du piratage informatique de Sony Pictures en novembre 2014, Sam Mendes, le réalisateur de Spectre ainsi que Daniel Craig ont tenté d’exclure la marque japonaise, avançant que « James Bond n’utilise que le meilleur ». Comprenez, Sony n’est pas à la hauteur. Mais, la logique de marque a fini par prévaloir et le nouveau portable a même le droit, en plus de la campagne publicitaire, à sa petite heure de gloire à l’écran. Quelques secondes auprès de Bond, n’est-ce pas ce dont tout le monde rêve finalement ?

Héloïse Bacqué 
Sources :
Challenges.fr http://www.challenges.fr/challenges-soir/20151027.CHA0950/les-dessous-de-l-incroyable-cash-machine-007.html
Lefigaro.fr http://www.lefigaro.fr/cinema/2015/11/12/03002-20151112ARTFIG00056–spectre-james-bond-bat-le-record-du-meilleur-demarrage-en-france.php
Lesechos.fr http://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/021431571542-james-bond-les-marques-qui-surfent-sur-spectre-1169380.php
Francetvinfo.fr http://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/james-bond/spectre-james-bond-au-service-de-la-publicite_1158961.html
Capital, Dossier spécial n°007, octobre-novembre 2015. Titre : La saga James Bond, objectif fric !
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dutyfreehunter.com

SNAPCHAT LUXE
Société

Snapchat, nouveau pass VIP des anonymes

Snapchat, l’application de partage de photos et de vidéos que nous connaissons tous, est devenue le nouveau terrain de jeu de la mode, de la haute-couture et du luxe. Qui l’eut cru ? Certainement pas ses créateurs, deux étudiants de Stanford, dont l’inspiration venait du scandale Anthony Weiner, un élu new yorkais plutôt coquin. Désormais, Snapchat rapporte gros et son utilisation va bien au delà de l’échange de sextos et de grimaces habituels. Snapchat est devenu un réseau social incontournable et la mode l’a bien compris.
Snapchat, le nouveau pass VIP des défilés incontournables
Vous adorez la mode mais la mode vous snobe ? Vous vous verriez bien en backstage ou au premier rang des plus grands défilés ? Malheureusement, votre statut d’étudiant anonyme et votre découvert bancaire ne vous permettent actuellement pas de copiner avec les marques les plus prestigieuses. En attendant d’être à la mode ce que Sarah Jessica Parker est à Sex and the City (car le jour viendra les amis, ne perdez pas espoir !), Snapchat devient le pass VIP des anonymes. En effet, les plus grands noms de la mode ont pris d’assaut l’application pour notre plus grand plaisir.
C’est la partie « story » de l’application qu’utilisent le plus les marques. Celle-ci leur permet d’optimiser leur visibilité. Il vous suffit d’ajouter leurs comptes et vous aurez accès à leurs snaps durant 24h. La présence des marques sur Snapchat reste cependant ponctuelle, le but est de promouvoir des événements tels que l’ouverture d’une nouvelle boutique, l’annonce d’une succession à la direction artistique ou encore, une nouvelle campagne publicitaire.
Burberry en est le meilleur exemple. La prestigieuse marque londonienne n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de présence digitale et cela notamment grâce à son directeur artistique de génie, Christopher Bailey. Après les cabines d’essayage en réalité augmentée ou encore la chaîne Apple Music dédiée à la marque, Burberry nous a donné accès à la conception de sa dernière campagne publicitaire via Snapchat avec le seul, l’unique, Mario Testino. Durant 24h, du 22 octobre à 18h jusqu’au lendemain même heure, on a pu voir en direct le célèbre photographe de mode shootant la nouvelle campagne de la marque. En septembre dernier, Burberry avait d’ailleurs révélé au grand public les looks de sa dernière collection dans une story exclusive.
Pendant certaines périodes de l’année néanmoins, Snapchat se met aux couleurs de la mode. Lors des Fashion Weeks, les marques sont très présentes. Certaines, sans aller jusqu’à nous faire découvrir les défilés eux-mêmes, nous donnent à voir leurs backstages. C’est le privilège qu’a accordé récemment Victoria’s Secret à ses nombreux fans à travers le monde. La marque de lingerie est connue pour ses défilés grandioses regroupant une liste d’invités triés sur le volet et les plus beaux mannequins du monde, rien que ça ! 

De nombreuses femmes à travers le monde se sont réunies autour de la story Victoria’s Secret et sans même le savoir, se sont lamentées en communauté. Des résolutions similaires ont alors été prises : 1. lâcher le chocolat que l’on a actuellement dans la main, 2. faire 20 abdos (là tout de suite !), 3. s’inscrire dans une salle de sport.

Snapchat + luxe = succès ?
Les 8000 captures d’écran faites de la story Michael Kors lors de la Fashion Week de New York témoignent du succès de la combinaison Snapchat et mode. Celle-ci plaît au public car elle est la promesse d’une authenticité qu’on ne trouve pas ailleurs. À l’inverse d’Instagram, Snapchat permet très peu de retouches photos. On a accès à un contenu peu contrôlé, capturé à chaud et donc plus vrai. De plus, cette combinaison est plus proche de nous. Avec Snapchat, la mode et le luxe, d’ordinaire si loin du grand public, atteignent notre sphère intime. La mode devient plus accessible, plus humaine et ainsi, suscite le désir. Le public a l’impression d’avoir un laissez-passer entre les mains qui lui permet d’avoir accès aux coulisses de la mode. C’est si bon, le temps d’un snap, de se prendre pour Andréa dans Le Diable s’habille en Prada !
L’aspect éphémère des snaps intéresse beaucoup les marques. Il permet de se montrer sans trop se dévoiler et surtout, force l’attention. La courte durée d’un snap oblige l’utilisateur à y être attentif à une époque où il est de plus en plus difficile de capter l’attention du public durablement.
La cible « digital natives »
L’utilisation de Snapchat par les marques est avant tout une stratégie d’entreprise. En effet, 71% des utilisateurs de l’application ont moins de 25 ans. Il s’agit donc d’attirer de futurs consommateurs. Le but est d’approcher la génération Y via un canal de marketing original, qui leur parle. Snapchat est une manière pour les marques de rester jeunes et au goût du jour. Ainsi, en s’intéressant à ses potentiels futurs consommateurs, les marques évitent de vieillir.
On peut néanmoins s’interroger sur l’efficacité d’une telle stratégie : les jeunes qui suivent aujourd’hui la story Valentino deviendront-ils de futurs consommateurs ? Les digital natives sont séduits par le couple Snapchat-marques notamment parce qu’ils aiment l’instantanéité mais rien ne prouve un réel impact sur les ventes.
Luxe et Snapchat : la démonstration en images d’un profond changement dans la culture d’entreprise
La présence des marques sur Snapchat est révélatrice d’une prise de conscience. Alors que la croissance du marché mondial du luxe a ralenti, le luxe prend le poids de la nécessité du digital. Longtemps réfractaire au digital, le monde du luxe comprend maintenant que ses nouveaux consommateurs évoluent rapidement, et qu’il doit évoluer avec eux.
L’engagement dans le digital du groupe LVMH par exemple, pourrait aller plus loin, en rendant disponible à la vente en ligne toutes ses maisons. Le succès du site de ventes en ligne de Cartier dément l’idée commune liant ventes en ligne et dégradation de l’image de marque.
Une chose est sûre, les réseaux sociaux allègent les dépenses publicitaires et une plus grande ouverture du luxe au e-commerce permettrait sûrement une augmentation des ventes et une plus forte rentabilité.
Yasmine Guitoune
Sources :
ELLE, Burberry dévoile son défilé en avant-première sur Snapchat, 18/09/15. Consulté le 10/11/15 –  http://www.elle.be/fr/96168-burberry-devoile-son-defile-en-avant-premiere-sur-snapchat.html
Poyer, Marine. Burberry : la campagne printemps-été 2016 réalisée en direct sur Snapchat, ELLE, 22/10/15 – Consulté le 10/11/15 – http://www.elle.fr/Mode/Les-news-mode/Burberry-la-campagne-printemps-ete-2016-realisee-en-direct-sur-Snapchat-3006621
Vincent, Anthony. Pourquoi Snapchat captive la mode ? Grazia. 15/04/15. Consulté le 10/11/15 – http://www.grazia.fr/mode/news/pourquoi-snapchat-captive-la-mode-754224
Blanchot, Valentin. Luxe et réseaux sociaux : Burberry se lance sur Snapchat. Siècle Digital, 04/05/15 – Consulté le 10/11/15 – http://siecledigital.fr/2015/05/luxe-reseaux-sociaux-burberry-snapchat/
Malka, Raphaël. Burberry – Snapchat , zoom sur le partenariat Luxe & Social Media de la rentrée! My Digital Luxury Galaxy. Consulté le 10/11/15 – http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/burberry-snapchat-zoom-sur-le-partenariat-luxe-social-media-de-la-rentree/
Luxusplus. La génération Y ciblée par les géants du luxe sur Snapchat, 12/06/15. Consulté le 10/11/15 -http://luxusplus.fr/revue-presse/475-snapchat-les-geants-du-luxe-visent-les-consommateurs-de-demain?utm_content=buffer03522&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer
Challenges. Le luxe doit rattraper son retard dans le digital, 22/04/15. Consulté le 10/11/15 -http://www.challenges.fr/finance-et-marche/20150422.REU9528/analyse-le-luxe-doit-rattraper-son-retard-dans-le-digital.html
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Photo de une : Burberry
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DON DU SANG HOMOSEXUEL
Société

Le don solidaire ou l'indécision sanitaire

Le 4 novembre dernier, la ministre de la Santé, Marisol Touraine a annoncé une révision des contre-indications au don du sang. Dès le 1er juin 2016, tout homme ayant eu des relations sexuelles avec d’autres hommes aura enfin la possibilité de devenir donneur à son tour … à condition qu’il ait respecté au préalable une période d’abstinence de douze mois. Face aux justifications médicales et à une communication ministérielle beaucoup trop évasives, la réforme est jugée encore trop culpabilisante, réaffirmant les stéréotypes homophobes. Un débat à mi-chemin entre égalité, solidarité et sécurité sanitaire.
Mauvais genre…
« Je m’appelle Steven Kuzan, j’ai 23 ans. Je suis aide-soignant par passion, je me considère comme combattant pour le bonheur et le bien être des gens. » Steven a le sang rare et l’esprit solidaire. Il y a quelques mois, il a lancé une pétition à l’adresse de Marisol Touraine, revendiquant l’autorisation des hommes homosexuels à donner leur sang. Il y a peu encore et selon un arrêté de 1983, le site de l’EFS recensait la contre-indication suivante : tout homme « ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, quelle que soit l’ancienneté du rapport » ne peut être donneur. « Pourquoi ? Parce que je suis gay ! Gay donc drogué, malade ou contagieux ? NON ! Mais c’est ce que notre réglementation nous dit ! » ajoutait Steven dans sa lettre. Lui et quelques 180 000 autres signataires brandissent aujourd’hui leur détermination sur le site Change.org tandis que le ministère semble encore hésiter. En 2012, la future ministre de la Santé déclarait :
« Les homosexuels hommes devraient bientôt être autorisés à donner leur sang en France alors qu’ils en sont, jusqu’à présent, exclus en raison d’un risque, considéré comme accru, de contamination par le virus du sida. Le critère de l’orientation sexuelle n’est pas en soi un risque. En revanche, la multiplicité des relations et des partenaires constituent un facteur de risque, quels que soient l’orientation sexuelle et le genre de la personne ».
L’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne a appuyé ce propos en 2014, en annonçant que l’exclusion des homosexuels provoquait « une évidente discrimination indirecte basée sur le genre et l’orientation sexuelle. » D’un côté se trouvait donc toute une communauté discriminée mais désireuse d’agir pour son prochain, et de l’autre, un établissement français du sang exsangue. L’équation semblait évidente…
… Et mauvais sang
Pourtant, trois ans après sa première déclaration, Marisol Touraine freine des quatre fers et annonce que si les hommes homosexuels pourront dorénavant donner leur sang, ils devront avoir au préalable respecté une période d’abstinence de douze mois. A ce retournement, on invoque des raisons médicales. Le Comité d’Éthique émet de sérieuses réserves, indiquant que le taux de contamination au VIH reste aujourd’hui élevé au sein de la communauté gay et à ce titre, le risque de transmission virale par transfusion l’est tout autant. Le professeur Benoît Valet, directeur général de la Santé, ajoute qu’il « n’y a pas encore à ce stade, de données suffisantes pour démontrer l’absence d’augmentation du risque transfusionnel du VIH pour un délai inférieur à douze mois. »
Et c’est là justement que le bât blesse. Le ministère, pour justifier ses tergiversations sanitaires, a usé des mêmes stéréotypes que Marisol Touraine disait justement vouloir désamorcer. L’homosexualité masculine est toujours perçue comme un facteur de risque. On renoue avec les discriminations faites à une orientation sexuelle particulière. La boucle est bouclée et le sang des internautes ne fait qu’un tour :

 
 
Bon sang ne saurait mentir !
Quant à la presse, elle ne fait pas non plus dans la demi-mesure. Il y a d’un côté ceux qui saluent l’avancée sociale, et de l’autre ceux qui dénoncent l’hypocrisie du ministère. C’est sans doute là toute la difficulté du sujet que de ne pas se laisser tenter par les raccourcis. Certes, la réforme impose une abstinence de douze mois en ce qui concerne le don de globules rouges, mais le don de plasma, lui, est autorisé aux mêmes conditions pour tous, sans distinction d’orientation sexuelle. Il ne s’agit donc peut-être pas tant d’une démarche homophobe que d’une tentative ratée de mettre fin à une discrimination permanente parmi les donneurs tout en maintenant le niveau de sécurité des receveurs.
Malgré tout, la communication autour de cette nouvelle réglementation semble beaucoup trop élusive. Trente-deux ans après la reconnaissance du SIDA et sa propension à toucher TOUT le monde, est-il encore possible d’affirmer que les rapports masculins constituent un plus grand risque que toute relation hétérosexuelle non protégée ? Car face au douze mois d’abstinence exigés des hommes homosexuels, quatre seulement sont demandés aux donneurs hétérosexuels après un changement de partenaire ou un rapport à risque.
En vérité, cette réforme n’est sans doute que l’ébauche d’un progrès, marquant la fin d’une exclusion permanente, mais ne sachant encore trop comment articuler « égalité » et « sécurité » de manière harmonieuse et sans contradictions.
Marie Philippon
Sources :
Steven Kuzan, « Oui au don du sang pour tous », change.org – https://www.change.org/p/oui-au-don-du-sang-pour-tous-stop-%C3%A0-l-interdiction-pour-les-homosexuels-marisoltouraine
Jean-Yves Nau, « Don du sang chez les gays: le difficile exercice de la démocratie sanitaire », Slate, le 04/11/2015 – http://www.slate.fr/story/109385/don-sang-homosexualite-sida-democratie-sanitaire
Maxime Bourdeau, « La période d’abstinence d’un an demandée aux homosexuels pour le don du sang critiquée (et détournée) sur Twitter » Le HuffPost, le 04/11/2015 – http://www.huffingtonpost.fr/2015/11/04/abstinence-un-an-homosexuels-don-du-sang-critiques-twitter_n_8471086.html
http://www.dondusang.net/
Crédit images :
Le Monde.fr, Aurel
Twitter, Sergio Coronado, @sergiocoronado, le 04/11/2015
Twitter, Piedminu, @piedminu, le 04/11/2015
RT Pierre, @Rouatp, le 04/11/201

Société

Complot de l'atmosphère ou atmosphère de complot ?

Une heure après la fusillade du 7 janvier dans les locaux de Charlie Hebdo, une centaine d’arguments « pro-complot » émanent d’Internet : comment quelqu’un pouvait se trouver, juste au même moment, sur le toit d’un immeuble pour filmer la scène ? Comment se fait-il que les auteurs de l’acte terroriste puissent oublier leur carte d’identité dans leur voiture abandonnée ? Comment se fait-il que le président Hollande arrive si vite sur les lieux – sinon qu’il ait été prévenu à l’avance du drame ? Autant d’interrogations auxquelles de plus en plus de gens semblent préférer la thèse d’une vaste conspiration plutôt que celle de la folie meurtrière et idéologique. Problème : on y trouve pas le début d’une preuve rationnelle.

Le mythe du complot ne date pas d’hier. Il est né, en France, avec la Révolution de 1789 : preuve qu’il émerge d’événements des plus violents. Il a cependant changé de nature. Presque devenu anodin, on le voit surgir non plus seulement à chaque événement dramatique (attentat, crashs…), mais aussi à l’occasion de n’importe quel fait avéré de notre monde, pour peu qu’il soit inédit. Ainsi le changement climatique, dont nous ressentons pourtant les effets, est traité par certains comme le produit d’un vaste complot.
La vérité est ailleurs…
Une contradiction demeure : on voit surgir, dans une société hyper informée, une forme de paroxysme  de la rumeur. La faute, justement, à la surabondance de médias ?
Préférant la polémique à la pédagogie, ils alimenteraient le sentiment collectif d’une conspiration, d’une vaste supercherie concernant les problèmes de fond de notre société. L’éclairage médiatique, quand il est provoqué par un détracteur, ou un pourfendeur d’une  thèse, peut-il mener à autre chose qu’a la suspicion ?
Rien n’est moins sûr. Sur des sujets comme la réchauffement climatique, la « machine à clash » dont nous parlions ici même, pousse les gens non pas à l’action, mais à la résignation. On se réjouit que certains se demandent s’il faut vraiment continuer à inviter les climatosceptiques sur les plateaux télé, ou si ceux-ci font du bien à la science et au débat démocratique.
Car la crise climatique devrait provoquer  un sentiment d’urgence des décisions, et non l’agitation  stérile – souvent à l’initiative, il faut bien l’avouer, des politiques. Celle ci  n’amène qu’à la défiance, et deux choix s’offrent alors à nous : la résignation devant « ces choses qui nous dépassent », ou  la préférence paresseuse pour le complot.

Certains penseront aussi que les médias « ne disent pas tout, et que tout ce qu’ils ne disent pas se trouve sur internet ». C’est d’ailleurs parfois vrai… Mais, le nouveau réflexe de l’opinion commentant, instantanément, un événement fait qu’elle bascule vers des explications complotistes – ce au même titre que les médias traditionnels.
Quand chacun y va de sa propre interprétation, le citoyen est perdu. Le désordre du web conduit à un ordre factice. Le complotiste vous donnera en effet l’illusion d’apporter un peu de cohérence à ce désordre, uniquement par la réfutation méthodique d’arguments avérés par les médias et/ ou par les politiques. Pour cela, il utilisera la même logique que ceux qu’il critique : titres racoleurs, preuve par l’image… (On pense, dans le cas de Charlie Hebdo, à la polémique autour des rétroviseurs de la voiture des terroristes).
Séduisant, non ? La rhétorique du « on vous ment », on le sait, est aujourd’hui fructueuse. Même pour des domaines scientifiques, comme pour celui du climat,  elle fait  recette.
Climatosceptiques : du complotisme actualisé
Il n’est pas étonnant, de nos jours, de voir certains acteurs profiter d’un moment particulier pour faire valoir leur arguments – souvent vides – en faveur d’un complot organisé. Cela offre une « fenêtre d’écoute » très convoitée. En ce qui concerne le climat, ce moment, c’est évidemment la COP21. Les climatosceptiques, eux non plus, ne datent pas d’hier: seulement, on observe un retour sensationnel de leurs théories, à la veille de la conférence mondiale des Nations Unies.
À la source de ce scepticisme, on trouve la même défiance envers les institutions, médiatiques et cette fois scientifiques. D’une part, on observe en effet un certain catastrophisme à l’oeuvre dans les médias quand il s’agit de traiter un événement climatique. Images chocs, témoignages tristes et effrayants, bref, la « fin du monde » ne semble jamais loin. Là aussi, on préfère la polémique à la pédagogie, le sensationnalisme à l’information. Le sentiment d’impuissance prend le pas sur celui de la volonté d’agir, de trouver des solutions, de s’adapter.
D’autre part, le GIEC (Groupe Intergouvernmental d’Experts sur les Effets du Climat, crée en 88 par deux instances de l’ONU) a beaucoup de mal à se faire entendre : les accusations d’une trop grande complexité des rapports (même pour les Etats…) s’ajoutent aux accusations d’erreurs scientifiques – même quand elles sont corrigées ; et aussi au scandale sexuel qui a touché le président du groupe l’année dernière. Pas étonnant que le complotisme y trouve un terrain particulièrement intéressant.

 
Les climatoscpetiques ont par ailleurs une lourde responsabilité : la chimère du complot dissimule la réalité. En attendant, on compte à ce jour les réfugiés climatiques à 23 millions de personnes. Quand on parle de réchauffement, on ne parle pas seulement de la fonte des glaces – à des milliers de kilomètres de chez nous. On parle de morts, de drames, de catastrophes ; bien réels. Nier tout cela est à la limite de « l’indécence », selon Emmanuelle Cosse, élue EELV.
Le cas Philippe Verdier : quand monsieur météo fait dans le climat…
Tout cela n’enchante pas vraiment notre vision du monde. Quelle meilleure réponse à ce désenchantement que sa réfutation complète, par le biais de révélations des plus gargantuesques ? Il s’agit de « magnifier » l’événement pour le rendre soi disant plus intelligible ; tout ça en masquant allègrement des vérités que chacun peut pourtant voir de ses propres yeux (quand la pollution de l’air ne les pique pas…).
Le scandale médiatique autour du livre de Philippe Verdier, Climat Investigation, témoigne de la gêne occasionnée par ce genre de discours conspirationniste, le plus souvent dénué de toute preuve. En effet, le livre ne contient ni notes, ni bibliographie. Mais ! Pas de panique, « quand les températures sont plus confortables, nos modes de vie s’adoucissent », nous dit Philippe Verdier. Avec un tel postulat, qui a besoin de preuves, après tout ?

Personne n’a véritablement besoin d’avoir un doctorat en sciences climatiques pour comprendre, à la vue de cette vidéo « trailer » du livre, qu’ici le complotisme (même s’il est nié) est utilisé uniquement à des fins marketing. On voit mal en effet comment un sujet aussi sérieux peut être traité de manière crédible et scientifique, quand il est présenté sur la bande originale du film Interstellar, en images accélérées –  ou encore quand le champ lexical de la guerre (« machine de guerre », « peur », « otages »…), mêlé à celui de la tromperie (« manipulation », « corruption », « conflit d’intérêt »… Oui oui, tout ça en même temps) laisse entendre une volonté de dénonciation, plutôt que d’investigation.
On ne sait pas, alors, s’il faut se réjouir ou pleurer de ce changement de nature du conspirationnisme. Le cas Philippe Verdier nous montre qu’il peut parfois être risible – donc peu crédible.
Reste que nier l’évidence est plus apaisant que s’accoler à la résoudre, et il est désolant de voir cette négation prendre plus d’ampleur dans les médias que les solutions mises en œuvre face au changement climatique. On peut cependant constater que malgré cet espace médiatique offert au complotisme, il ne trouve toujours pas de place au sein des décisions étatiques ; sauf si ceux qui s’en nourrissent arrivaient un jour au pouvoir…
Faustine Faure
@FaustineFaure
Sources
Revue Esprit, La passion du complot, Novembre 2015
http://www.franceculture.fr/emission-culturesmonde-l-art-du-mensonge-44-theories-du-complot-la-fabrique-de-la-mefiance-2015-11-0
http://www.franceinter.fr/emission-le-79-emmanuelle-cosse-les-climatosceptiques-me-font-penser-aux-negationnistes-du-sida-des-

http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/11/09/s-il-y-a-eu-un-echec-du-giec-c-est-sur-la-communication_4805927_1650684.html
http://libelalettredorion.blogs.liberation.fr/2015/11/06/un-refugie-climatique-debarque-du-service-public-televisuel/
http://www.liberation.fr/planete/2015/10/15/climat-une-bonne-dose-antisceptique_1404928
http://www.slate.fr/story/110803/urgence-climatique-quarante-trois-ans 
Crédits photos
http://www.joewebbart.com/
http://www.mondesetranges.fr/spip.php?article91
9gag

TAFTA
Société

Dans la boîte noire du TAFTA, il y a …

Vous êtes un As de la fouille de terrain pluri-médiatique ? Vous avez reçu un catalogue des acronymes internationaux pour votre anniversaire ? Félicitations : la probabilité que vous ayez déjà entendu parler du TAFTA est non nulle.
Pour les autres, au risque de vous décevoir, le  »taffetas » dont nous parlons est loin d’être aussi soyeux que le tissu… Le Traité de commerce Transatlantique ou TAFTA, est un projet d’accord entre les États-Unis et l’Union Européenne, dont le but manifeste est de faciliter les échanges commerciaux entre les deux parties, notamment par le biais de l’harmonisation des normes. Ainsi dit, le projet semble promettre limpidité et efficacité. Bien loin d’être aussi franc et univoque en soi, de nombreuses dimensions de ce projet sont discutables, à la fois sur le plan démocratique, moral ou environnemental. Fort d’un double silence démocratique et médiatique, le projet évolue dans l’ombre.
Le TAFTA, Kézako ?
Le principe même du TAFTA consiste à achever la dynamique de libre-échange existant entre les Etats-Unis et l’UE, en mettant la priorité sur la facilitation du procédé de l’échange lui-même, et non sur d’autres aspects comme la qualité des biens & services échangés.
Les arguments avancés pour justifier la légitimité du TAFTA ont évolué dans le temps, l’un chassant l’autre quand celui-ci s’avérait réfuté : des retombées positives sur la croissance dans l’UE (…+0,05% du PIB européen pour la prochaine décennie), des créations d’emplois (qui seraient plutôt une « destruction massive d’emplois » selon Attac), une aubaine pour les PME (démenti par Attac entre autres)… Une communication qui peut sembler plutôt maladroite de la part de la Commission Européenne.
Les négociations devraient majoritairement aboutir au choix de lois moins contraignantes pour les multinationales et les banques. Ce faisant, les mesures de prudence prises dans l’Union Européenne concernant les effets néfastes, scientifiquement prouvés ou potentiels, de certains produits ou de certaines pratiques, pourraient désormais être abolies concernant l’agriculture intensive, les OGM, l’utilisation massive du gaz de schiste par exemple. Beaucoup de notions controversées qui pourraient pourtant devenir une réalité pour les européens dans un avenir proche.
Le silence démocratique
Un projet d’ampleur donc, illustré par le fait que le beau bébé va bientôt fêter ses 4ans. Mais si les négociations avancent sur le sujet, les enjeux démocratiques de représentativité et de justice demeurent.

Alors que les négociations se déroulent à huit-clos, la Commission européenne affiche un procédé de négociations « clair et transparent » sur Twitter, donnant ainsi un accès public à des documents… intégralement rédigés en anglais. L’occasion de se remémorer l’article 15 du traité sur le fonctionnement de l’UE, promettant « la participation de la société civile » et un « principe d’ouverture. ».
Les pays européens ont accepté en juin 2013 par mandat d’être représentés par des commissaires européens, nommés par les eurodéputés. Cependant, on peut regretter la faible ouverture du procédé à une multiplicité d’acteurs concernés par ce traité, puisque les négociants proviennent à 90% de la sphère économique. Le mystère entourant ces négociations est tel, que Julian Assange, fondateur de Wikileaks, a promis une récompense de 100 000 euros à quiconque ferait fuiter le document.
Dans le monde de l’après TAFTA, les États ont perdu toute souveraineté vis-à-vis des grandes entreprises : une clause instaure en effet le droit des entreprises à poursuivre les États s’ils estiment que certaines décisions institutionnelles constituent des obstacles à leur développement. Ce monde existe déjà : au Canada, où le NAFTA est en vigueur depuis 1994, des multinationales comme Lone Pine ou Monsanto ont obtenu gain de cause.
TAFTA : Une maille manquante au tissu médiatique
La visibilité médiatique, notamment télévisuelle, des enjeux du traité est plutôt mince. Pourquoi les effets cancérogènes de la viande ou la COP21 sont-ils préférés par les chaînes ? La faible exposition médiatique de cette cause pourrait s’expliquer par la lenteur du processus de négociation du TAFTA, inadapté aux logiques reines de buzz ou de coup médiatique.
Concernant les chaînes privées, leur dépendance vis-à-vis de grands groupes à l’activité fortement diversifiée comme Havas ou Bolloré peut avoir des répercussions sur leur programmation. Mais comment expliquer le silence des chaînes publiques ?
Nous remarquons que la chaîne Youtube « Datagueule », qui se saisit largement de problématiques actuelles comme le TAFTA, est réalisé en coproduction avec France Télévisions. Pourquoi ne pas défendre cette cause sur des chaînes grand public ? Le TAFTA est en effet majoritairement évoqué par des médias dont l’audience est restreinte et ciblée (Public Sénat, France Culture ou encore Mr.Mondialisation). La mise à l’agenda médiatique est pourtant une condition nécessaire au débat public.
Quoi qu’il en soit, le silence qui entoure le TAFTA est une aubaine pour les extrêmes de tous bords, à l’heure où l’Europe est tourmentée et remise en question par certains, à l’image de Philippe Loiseau, député européen Front National.

Le manque de transparence du procédé alimente les esprits conspirationnistes et nationalistes, qui jouent sur la confusion de l’UE et l’opacité des négociations du TAFTA pour promouvoir un repli sur la patrie. La mobilisation du Président du Bundestag en Allemagne souligne le silence des responsables politiques français notamment.
Dans tous les cas, qu’il s’agisse d’une frilosité politique, d’une dépendance des médias privés ou d’une résignation des médias télévisuels publics, le cas du TAFTA permet de penser le rôle majeur de la télévision dans la mise à l’ordre du jour des sujets dans l’opinion publique.
Fiona Todeschini
@FionaTodeschini
Sources :
Émission France Inter, « Le Téléphone sonne » de Nicolas Demorand. « Où en sont les négociations du TAFTA ? », jeudi 29.10.15 avec Elvire et Yannick Jannot
La Croix. Consulté le 29/11/2015 – http://www.la-croix.com/Actualite/Europe/Comment-les-commissaires-europeens-sont-ils-designes-2014-10-07-121761
Somofus, “TTIP/TAFTA et ses investisseurs tout-puissants”. https://www.youtube.com/watch?v=LLi4dej-nw
Datagueule, « TAFTA gueule à la récré – https://www.youtube.com/watch?v=zHK1HqW-FQ
Attac TV https://www.youtube.com/watch?v=-AXPpS5n_gE 
Boulevard voltaire – http://www.bvoltaire.fr/hildegardvonhessenamrhein/president-bundestag-se-rebiffe-contre-traite-transatlantique,215456
Traité sur le fonctionnement de l’UE, en ligne.
Crédits photos :
Comptes Twitter de Philippe Loiseau et de la Commission européenne
Photo de couverture : mr.mondialisation.org
Pour plus d’informations, consulter le site de la Commission Européenne, le site de Public Sénat, ou encore le site du Monde, comportant une rubrique consacrée uniquement au TAFTA.