SEPP BLATTER
Société

Le football est-il ballonné ?

Nous avons tous plus ou moins entendu parler du scandale qui depuis mai, règne sur le monde du football. En effet, depuis l’arrestation pour corruption de sept de ses dirigeants par la justice américaine, la FIFA fait face à un sacré tourbillon. Mais de QUOI est-il vraiment question ?
Le mythe face à la réalité
Oui, le foot, ce sport qui transcende les Hommes au delà des frontières, qui rassemble autant qu’il divise. Principale cause de prise de poids grâce au trio traditionnel “bière-canapé-match à la tv”, mais également principale cause de divorce au XXIe siècle. Oui, le foot passionne, à tel point que cela en est devenu un acteur économique majeur participant à sa propre mythification. Simple nom de joueur ou Coupe du Monde, une conclusion s’impose : le football est un mythe.
De prime abord, on pourrait imaginer que le retentissement du scandale de la FIFA engendrerait la mise en péril de ce mythe et de ses représentations. La dénonciation (ou plutôt le rappel) de l’existence de la corruption et des mensonges frappe l’imaginaire commun et défie le mythe.
Mais peut-on vraiment parler de crise ? Il est vrai que ce mot devient aujourd’hui « un mot valise », utilisé à torts et à travers. Didier Heiderich, directeur de l’Observatoire International des Crises, explique que pour qu’une crise soit totale, il faut que le mythe s’effondre. Cependant, malgré le scandale de la FIFA, le monde du football connaît encore aujourd’hui une popularité sans limite.
Cette non-réaction de la part des supporters démontre les pouvoirs du mythe. En effet, ce dernier a la capacité de se protéger lui-même : on ne peut pas toucher au sacré. Par le fait même que le foot soit érigé en mythe, il ne peut être en crise totale.
Ce n’est donc pas une crise du foot mais davantage une crise institutionnelle. Or, il en ressort que la FIFA en tant qu’institution n’est pas réellement en crise. En effet, ce qui est véritablement touché, c’est le gouvernement de la FIFA. Le nom médiatique du « scandale de la FIFA » semble alors être un leurre. Le « mal de la corruption » mis en exergue dans les médias, fait écho aux personnes qui sont en charge, les décideurs. Le principal concerné au centre du scandale est Joseph Blatter (aka Sepp Blatter).
Il est nécessaire de faire un double constat :

Le foot n’est pas la FIFA.
La FIFA n’est pas ses dirigeants

La communication de crise : preuve d’un détachement de l’institution par rapport à ses dirigeants
Une communication de crise qui, dès le départ, s’est avérée confuse. Même si la réaction a été immédiate, l’ambiguïté de Blatter concernant sa responsabilité lors de sa première conférence de presse le 30 mai 2015 intrigue. Il reconnaît dans un premier temps qu’il y a une crise, mais il ne reconnaît pas sa responsabilité juridique et morale. Dès sa réélection, S. Blatter mise sur une « stratégie du complot », aussi connue sous le nom de la stratégie du projet latéral. Il contre-attaque lors de son interview à RTS (chaîne suisse) et se place en victime. Il s’en prend à la fois à l’UEFA en visant M. Platini, et aussi aux États-Unis. On voit déjà ici qu’il n’est plus réellement question de la FIFA mais surtout de lui.

On observe deux tournants dans sa communication de crise :
D’abord, sa démission. « Démissionner, ça voudrait dire que je suis fautif, or je lutte depuis 4 ans contre toute corruption » avait-il dit au moment de sa conférence de presse. Cela va être, pour l’opinion publique, un aveu de culpabilité implicite. A partir de ce moment là, il y a clairement la volonté d’une distinction entre l’homme et l’institution.
Par ailleurs, le nom médiatique se modifie subtilement, du « scandale de la FIFA » au « scandale à la FIFA ». On sous entend ici que le scandale ne concerne pas véritablement l’institution en elle même, mais encore une fois les hommes à sa tête.
Vient ensuite, sa suspension avec M. Platini.
Joseph Blatter continue de nier sa responsabilité, autant morale que juridique : « That’s the president, Blatter, he is responsible!” But I object. How can I be responsible morally for all the people? » demande t-il lors d’une interview avec le média TASS (Russian News Agency), le 28 octobre.
Sans pour autant changer de la stratégie du complot, il change de cible : les médias. Dans le même temps, il s’insurge contre M. Platini, encore et toujours.
Anecdotique en apparence, la pluie de billets qui s’est abattue sur Blatter lors de la conférence de presse du 20 juillet est lourde de sens. C’est l’apogée de l’humiliation pour l’ex-président de la FIFA. Cet incident traduit de nouveau le mépris d’un public envers le personnage de Joseph Blatter et de ce qu’il incarne : la corruption et non le foot.
Enfin, envisageons le fait qu’au lieu de vouloir inverser les rôles et de se positionner en victime, Blatter use de la stratégie de la reconnaissance. Autrement dit, admettre sa responsabilité, se remettre en cause et demander pardon. Selon Thierry Libaert, professeur en sciences de l’information et de la communication, cette stratégie de l’aveu pourrait engendrer la possibilité d’acquérir des circonstances atténuantes, voire même d’accroître son capital image.
Blatter demeure l’épicentre du scandale, néanmoins d’autres acteurs internes à la Fifa (Platini, Valcke…) viennent apporter des renversements qui élèvent ce scandale au rang de fiction médiatico-judiciaire.
Et les médias dans tout ça ?
Le rôle des médias est primordial. Dans le cas d’une crise liée au sport, son rôle prend déjà tout son sens en amont, car ce sont les médias qui participent à la mythification d’un sport et de son institution.
Joseph Blatter et ses confrères ont bien compris leur importance et le rôle qu’ils jouent dans une crise. C’est d’ailleurs un argument principal dans leur stratégie de victimisation.
En ce qui concerne l’ex-président de la Fédération, il s’en sert pour les dénoncer : « I think it was the pressure of the media. It was the pressure to get rid of the FIFA president » dans TASS, le 28 octobre.
Cette manipulation médiatique par Joseph Blatter est couronnée par une interview de sa fille, Corinne Blatter-Andenmatten dans le journal Blick. Elle insiste pour clamer son innocence et blâmer les médias qui auraient ruiné la réputation de son père : « Pourquoi s’en prennent-ils à lui? Que leur a-t-il fait? Ce n’est pas seulement de la jalousie. C’est de la haine ».
Cet échange résume particulièrement bien la stratégie de victimisation, que Thierry Libaert définit par le fait de « réduire l’intensité de la crise en recourant au registre de l’émotion et en se positionnant autour de la souffrance engendrée par l’ensemble des critiques ».
Enfin, toujours sous l’angle médiatique, lorsque l’on analyse certaines Unes de journaux sorties à la suite du scandale, on remarque encore une fois une distinction entre la FIFA et Joseph Blatter.

 
 
Tout d’abord, visuellement, par les photos qui le représentent avant de représenter la FIFA. Ensuite par les titres qui mettent en avant ce personnage et non l’institution. Ils sont crus et percutants : ils représentent le spectacle de la chute, un spectacle qui fait particulièrement vendre.
Pour le mot de la fin, on peut également dire qu’un mythe c’est aussi un personnage, un masque, un costume. Comme disait Gainsbourg : « le masque tombe, l’homme reste et le héros s’évanouit », c’est tout le souci de ce scandale : que reste-t-il de l’homme ?
Clémence Midière
Sources : 
La communication de crise – Thierry Libaert
« La crise dans le sport » – Magazine de la Communication de crise et sensible (Vol.22)
« Blatter: FIFA scandal provoked by Michel Platini » – TASS (28 Octobre 2015)
« FIFA : Blatter dénonce une campagne de haine de la part de l’UEFA » – Le Monde (30 mai 2015)
«  FIFA : Blatter noyé sous les dollars pendant sa conférence de presse » – Le Monde (20 juillet 2015)
« Fifa-Krimi: Tochter Corinne verteidigt Blatter » – Blick (5 octobre 2015)
Crédits images : 
Le Figaro.fr
The Guardian
The Times
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L’Express

CASH INVESTIGATION
Société

Cash investigation ou la fabrique du buzz

« Bienvenue dans le monde merveilleux des affaires » : entre journalisme et communication
 

« Les secrets inavouables de vos téléphones portables », « Le business de la peur», « Marketing : les stratégies secrètes »… Derrière ces titres effrayants se cache, et vous l’aurez sans doute reconnu, l’émission Cash Investigation diffusée sur France 2. L’émission, qui part du constat que la vérité nous serait cachée, nous promet d’enfin lever le voile sur les cachotteries des grandes entreprises. Cet engagement, c’est le fond de commerce de la présentatrice et journaliste Elise Lucet et de son équipe de Cash Investigation. Et cette émission se distingue des autres par la figure du journaliste qu’elle met en avant. En effet, le journaliste de Cash, intrépide baroudeur, est en lutte permanente pour la démocratie, combat les autorités et prend même des risques. Le mythe du journaliste qui nous est ici présenté, c’est celui du héros qui dérange, qui remet en question ce qui nous paraît pourtant indubitable. Plus que tout autre, le journaliste est celui qui œuvre pour le bien commun. Dans cette construction, empreinte de bon nombre d’imaginaires professionnels, un objectif surplombe tout autre : la quête de la vérité. Mordante, agressive et toujours impétueuse, Elise Lucet n’hésite pas à piéger les grands patrons, et déboule en pleine réunion d’entreprise.
Parallèlement, l’image des professionnels de la communication dans Cash Investigation est toute autre. Montrés comme une armée de bureaucrates puissants mais incompétents, ceux-ci ne font que très rarement preuve de répartie lors des entretiens accordés aux journalistes de l’émission. Face aux demandes des journalistes, beaucoup choisissent la fuite (Carrefour, Apple), ou démentent les accusations dont leur entreprise fait l’objet (Danone, qui se ridiculise particulièrement dans l’émission Marketing : les stratégies secrètes). Et ces interviews sont réellement montrées comme l’angoisse suprême: ces cadres bien payés utilisent des stratagèmes diaboliques pour se payer la tête du consommateur, voire pire, étouffent de graves polémiques. Il est cependant décevant de constater qu’après le buzz, l’émission n’étend pas sa mission aux suites de ces affaires. A-t-on jamais eu, de la part de Cash Investigation, des informations à posteriori sur d’éventuelles poursuites pénales concernant les entreprises dénoncées ?

Alors les marketeux, les communicants, tous des méchants-pas-beaux ? Il semblerait que les enquêteurs de Cash investigation ne prennent pas en compte les nuances de ce milieu : effectivement le marketing existe, la collecte de data est une pratique bien établie, mais tout cela est encadré par des cadres légaux. Journalistes comme professionnels de la communication, à chacun d’honorer l’éthique du champ professionnel auquel il/elle appartient.
Inception: quand la télé vous délivre les secrets du marketing

Il faut néanmoins saluer la pertinence de Cash Investigation, qui propose des enquêtes approfondies et menées pour certaines sur plusieurs mois, et qui ont pour objectif louable de dénoncer les dérives du monde de l’entreprise. Pourtant, cette émission, comme tout autre production médiatique, ne pourrait pas exister sans les méthodes marketing qui la font fonctionner. Ces journalistes font également partie du système qu’ils incriminent, et appartiennent donc eux aussi à ce « monde merveilleux des affaires ». Cash Investigation doit ainsi faire face à quelques contradictions. A l’image de Carrefour collectant les données (pratique dénoncée dans la récente émission « Marketing, les stratégies secrètes », diffusée le 06 octobre 2015), France 2, comme toute autre entreprise médiatique, collecte les chiffres d’audience de Médiamétrie, incluant des données telles que les Catégories Socio Professionnelles (CSP), le sexe, les âges etc du public de ses programmes télévisés.
Déranger, dénoncer, remettre en cause les méthodes de ces grands patrons qui nous mentent… La méthode Cash Investigation, c’est celle du sensationnalisme permanent. Quelques émissions font très clairement l’objet d’une campagne de teasing sur les réseaux sociaux, un buzz créé avant tout pour attirer de nouvelles cibles, jeunes, connectées et soucieuses de ne plus se laisser « pigeonner » par la société de consommation. A grand renfort de scénarisation, ces teasings mettent en scène des personnalités connues du grand public : on se souvient par exemple de Rachida Dati et son « choc émotionnel » ( ) lors du teasing de l’émission « Mon Président est en voyage d’affaires », diffusée le 07 septembre 2015.
Et il faut croire que faire le buzz paye ! Il est en effet plutôt rare qu’une émission produite et diffusée sur une chaîne publique suscite autant d’intérêt. On comprend donc bien les motivations de Cash Investigation à entretenir cette méthode pour garder de l’audimat. Les audiences très fortes de l’émission en témoignent (voir image ci-dessous). Le « spectacle » Cash Investigation est en quelque sorte un scénario écrit à l’avance, qui suit un schéma prédéfini et reproduit à chaque émission, où les méchants patrons et les gentils journalistes sont clairement identifiés et montrés comme tels. Musique angoissante, rôles attribués, polémisation des thèmes abordés, Cash Investigation se présenterait-elle plutôt comme une émission d’infotainment ?  Quelle peut-être la frontière entre information et divertissement lorsque qu’un programme télévisé se base sur l’exploitation du sensationnel pour des raisons commerciales ?

 La psychose sociale, une méthode qui marche
Cash Investigation, émission programmée sur une grande chaîne du service public, illustre parfaitement la tendance à l’obsession du décryptage, cette véritable quête de nos sociétés 2.0. Car en effet, nous pouvons remarquer que chaque thématique abordée vise à mettre en lumière les grandes manipulations qui assujettissent le français normal. Et en touchant le consommateur moyen, Cash Investigation vise large et touche tout le monde. Ainsi, la majorité des émissions dénoncent les abus de grandes entreprises commercialisant des produits populaires : Apple, Danone, Carrefour, pour ne citer qu’eux. L’objectif de Cash Investigation est de casser l’image infaillible de l’entreprise. Les journalistes de l’émission confirment aussi nos suspicions concernant des produits, des entreprises ou des pratiques dont nous n’ignorons pas les vices. Ils dévoilent ainsi par exemple les liens qui unissent industrie du tabac et politique, ou encore les dérives du marché de la santé. La dénonciation des abus des entreprises par les journalistes relève donc quasiment de l’objectif citoyen.
La critique radicale de ce genre de pratiques est un exercice courageux et admirable. Mais quelle poids a cette parole, lorsque le locuteur est lui-même pris dans ce système qu’il dénonce ? A quand une émission Cash Investigation sur les abus des entreprises médiatiques et leur frénésie de l’audimat ? Car un journaliste qui ferait preuve d’autocritique à l’égard du système médiatique démontrerait certainement sa crédibilité professionnelle. Et celui-ci produirait alors des contenus d’une qualité qui dépasserait sans doute toute autre.
Mathilde Dupeyron
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Sources : 
Guillaume Sylvestre, « Analyse des tweets du Cash Investigation sur les dérives du marketing : la CNIL au top, le flop de Danone », Cartozero
« Faut-il avoir peur d’Elise Lucet ? » Blog l’Entreprise
Tarik Mousselmal, Le buzz du jour – Cash Investigation, A l’heure digitale
Crédits images : 
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FranceTV Sport
Publicité, Société

Quel sport pour la télévision publique ?

Enjeu pour France Télévisions depuis toujours, la retransmission du sport est devenue un casse-tête insoluble entre déséquilibre du marché et devoirs moraux. Mais France Télévisions adopte-t-il la meilleure stratégie possible ?
Le 19 octobre dernier, l’Assemblée Nationale a voté une augmentation de taxes au bénéfice de l’audiovisuel public. Mais cette hausse vient compenser la baisse des subventions directes de l’Etat à France Télévisions instaurée plus tôt. Pas suffisant pour concurrencer les gros acteurs de l’achat de droits TV sportifs. BeIn Sports a étendu son offre pour devenir une référence, quitte à délaisser des sports. Canal+ et TF1 ont concentré leurs offres sur le football (Ligue 1, Ligue des Champions pour l’un, Equipe de France pour l’autre) et les grands événements. La dernière Coupe du monde de Rugby en est un, France Télévisions n’y a pas pris part. Le groupe pourtant premier diffuseur de rugby (VI Nations, Equipe de France masculine et féminine, Coupe d’Europe) n’a pas surenchéri face à ses concurrents.
Est-ce un problème de budget ? En partie oui, il est difficile de dire le contraire. Mais le portefeuille sportif de France Télévisions est large, on peut donc s’interroger sur l’utilisation de ce budget. Les performances nationales dans des sports jusque-là peu médiatisés permettent une multitude de positionnements. Les victoires successives de l’Equipe de France de Handball ont toujours entraîné une hausse du nombre de licenciés, il en sera logiquement de même avec le Volley-Ball et la récente victoire de la « Team Yavbou » en Ligue Mondiale puis aux Championnats d’Europe.
Un autre gâteau plutôt que des miettes
Alors quel est le problème si des publics se créent par les résultats ? Le problème est qu’ils n’entraînent pas automatiquement un besoin. Il est difficile de nier qu’un sport, à partir du moment où il répond à un besoin, est source d’audiences hors-normes. Pour une rencontre de Ligue des Champions entre le Paris-Saint-Germain et un cador européen, Canal+ franchit régulièrement la barre des 2 Millions de téléspectateurs, soit plus de 10% de parts de marché et 30% de son audimat interne. Sur son offre historique (Roland-Garros, Tour de France), France Télévisions est encore capable de dynamiser ses audiences : 3,5 millions de téléspectateurs de moyenne pour le Tour de France 2015 sur des cases ne dépassant que rarement les 2 millions.
Mais les investissements récents dans les compétitions espoirs et féminines peinent à rentabiliser leur prix. Une partie du problème se trouve dans l’attitude de France Télévisions à l’égard des sports qu’il diffuse. Reprenons l’exemple du volley-ball : la « Team Yavbou » a remporté au printemps la Ligue Mondiale, premier titre majeur de son histoire. La presse écrite s’est vite emparée de cette performance pour capitaliser dessus, comme avec les « Barjots » en Handball 15 ans plus tôt. Les championnats d’Europe (à savoir que les meilleures équipes sont européennes) étaient donc un investissement plus que judicieux pour « France Télé » qui n’a pourtant diffusé que la finale sur France 4. Aucune possibilité de teasing et donc audience mitigée : 756 000 téléspectateurs et 2,7% de PdA. En face sur TF1, le quart de finale Australie – Ecosse a bien performé pour une rencontre sans le XV de France. Le face à face entre rugby et volley-ball était prévisible, les parcours des deux équipes françaises également. France 2 pouvait se mettre en concurrence frontale avec TF1 dès les demi-finales et ainsi créer un contre besoin, celui de résultats positifs face au naufrage du XV de France.
A chaque chaîne son positionnement
Dans cette course à l’audimat et à la rentabilité, France Télévisions possède un avantage indéniable mais parfois dangereux sur ses concurrents excepté Canal+ : la variété de ses chaînes. Les groupes TF1 et M6 utilisent leurs autres chaines comme une seconde main, BeIn Sports et Eurosport sont eux contraints d’augmenter leur volume de diffusion pour satisfaire le besoin primordial de direct pour ne pas devoir interrompre la diffusion d’une compétition. France Télévisions possède 5 chaines différenciées mais à trop avoir le choix, peut se tirer une balle dans le pied. Actuellement, le sport est réparti entre les grands événements sur France 2, les événements « mineurs » sur France 4, le sport « régional » sur France 3 et quelques compétitions d’athlétisme, sur France Ô.
Ces positionnements sont faillibles, notamment les rôles donnés à France 2 et France 4. La hiérarchisation évidente entre les deux chaines tire France 4 vers le bas. Tous les groupes médias utilisent cette méthode mais sur des chaînes à cible similaire. France 4 vise les jeunes, le public le plus exigeant. Quand ils diffusent du rugby féminin ou le Challenge Européen (la « petite » coupe d’Europe), le public n’est pas celui visé habituellement ce qui empêche la chaîne de réaliser de grosses audiences. 3,4M sur TMC pour du handball, 4,1M sur W9 pour du football féminin tandis que France 4 n’a jamais dépassé les 2,3M (Ski lors des JO de Sotchi). Problématique quand on sait que la quasi-totalité des meilleures audiences de la TNT est faite par le sport.
On ne pouvait pas traiter ce sujet sans évoquer le football, sport qui trust les meilleures audiences de l’histoire. France Télévisions a beaucoup réduit son offre à cause de l’explosion des droits mais certaines compétitions restent accessibles, encore faut-il qu’elles en valent la peine. France 2 et surtout France 3 sont seuls diffuseurs de la Coupe de la Ligue. La chaîne régionale diffuse donc la compétition française la moins authentique, et les audiences s’en suivent. Le système « à chaque région son match » n’a pas empêché France 3 de se retrouver quatrième chaine le 29/10 avec seulement 7% de PdA, face à une forte concurrence il faut l’avouer. Mais que « France Télé » se console, les beaux jours vont revenir et avec eux des audiences dopées par Roland-Garros, le Tour de France et les Jeux Olympiques.

FOOTBALL
Thibaut CAILLET
@Caillet_Thb
Sources : 
– Ozap http://www.ozap.com/actu/audiences-les-profs-devance-asterix-bon-score-pour-arte-et-le-volley-ball/480313
– Le Figaro/TV Mag http://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/article/television/87574/record-d-audience-historique-de-la-tnt-pour-w9-avec-le-foot-feminin.html
– Télé Loisirs http://www.programme-tv.net/news/tv/64295-france-4-comment-ligne-editoriale-chaine-evolue-10/
Crédits images : 
– N. Doychinov, AFP
– C. Gauberti, France Télévisions

AFROSTREAM
Société

Afro on demand

Afrostream est une plateforme de vidéos à la demande créée en Novembre 2013 par Tonjé Bakang. Après une période d’essai qui a débuté le 1er septembre, puis son lancement officiel le 1er octobre 2015, zoom sur l’évolution d’un média prometteur.

 
 
 
 
 
 
AfroStream est la première plateforme française à proposer des films, des séries, des dessins animés et des spectacles (et bientôt des documentaires) afro-culturels. Ce nouveau mode de consommation de produits culturels afro, souvent laissés de côtés par les médias, a immédiatement trouvé son public, las de ne pouvoir accéder qu’à des contenus en streaming illégaux ou de mauvaise qualité. Preuve à l’appui : la plateforme réunit déjà presque 90 000 personnes sur Facebook et plus de 3000 abonnements. Le fonctionnement est simple, il y a trois types d’abonnements, de 6,99 euros par mois à 99,99 euros par an, qui permettent un accès illimité à divers contenus. La plateforme s’envole, les abonnés se multiplient et différents projets sont en cours de développement. Elle prépare la création d’une application mobile pour fin novembre et la réalisation d’une production originale en 2018 (il existe déjà une web série diffusée sur Youtube « Les Ways de Mimi »).
Aujourd’hui elle propose une sélection de Nollywood, des films à succès comme Think like a Man, Bande de filles, ou encore, depuis quelques jours, suite à son nouveau partenariat avec Sony Pictures Television, un grand nombre de films inédits en France comme The Wire, et des films plus classiques comme Bad boys avec Will Smith. Mais Afrostream ne se rêve pas seulement en diffuseur de culture afro, la plateforme a une plus large ambition et veut maîtriser l’ensemble de la chaîne, de la production à la diffusion de contenus.
 
 

 
 
 
 
 
Repérée par Y Combinator (l’incubateur de la Silicon Valley qui a aidé des sociétés comme Airbnb ou Dropbox), intégrée à la plateforme MYTF1 VOD, soutenue par Orange, et partenaire de Sony, AfroStream, la plateforme attire l’attention des géants du secteur depuis deux ans. Sont-ils séduits par la volonté de défendre une culture et de la diffuser, par le fait que le cinéma africain connaisse un succès énorme depuis quelques temps et mobilise un grand public, ou bien encore parce que l’Afrique est dans la ligne de mire de la plateforme qui veut en faire son marché numéro un ? Orange en tout cas ne doute pas du potentiel d’Afrostream et investit entre 500 000 et 3 millions d’euros via sa filiale Orange Fab France. L’opérateur explique qu’ils ont beaucoup en commun, en commençant par la diffusion de contenus. Ce dernier ne cache plus sa volonté de créer un Netflix à la française et voit dans ce partenariat la possibilité de se familiariser avec ce type de projet. Orange est d’ailleurs présent dans bientôt vingt pays africains où il réalise 10% de son chiffre d’affaire. Cet investissement va lui permettre d’appuyer sa présence et son image auprès des populations africaines (Afrostream est disponible en Côte d’Ivoire, au Sénégal mais aussi en France, en Belgique, en Suisse, au Luxembourg et le sera dans certains pays anglophones d’ici 2016), mais va également lui permettre d’enrichir son offre de contenus, car Afrostream devrait être lancé l’été prochain sur la TV d’Orange.
 
 

 
 
 
 
 
Afrostream se veut porteur d’identité pour ceux qui n’ont pas accès aux contenus afro. Les deux fondateurs veulent « montrer des héros qui ressemblent aux gens autour de nous et particulièrement l’homme et la femme noire, peu présents sur les écrans français. » Depuis quelques années, on voit se développer des médias ethniques en réponse à un sentiment d’appartenance à la société qui s’affaiblit. Les films et les séries sont à la fois des supports et des producteurs d’identités. Ils font fonctionner un imaginaire commun à travers le langage, les images, les relations ou encore les musiques. Cette culture commune nous touche, elle mobilise nos souvenirs et nos affects et nous permet de nous identifier aux personnages. Aujourd’hui, on sera plus touchés par un film qui va nous rappeler nos vacances d’été dans le Sud, ou nos repas de famille (oui, oui) qu’un film qui laisse notre partie droite du cerveau indifférente. Tonjé Bakang précise : « Durant mon adolescence, je regardais les séries et émissions américaines. J’y voyais enfin des gens comme moi, qui faisaient des blagues similaires à celles de nos familles africaines. En France, la seule représentation de la diversité dans l’humour était Jamel Debbouze » et veut ainsi « faire découvrir le monde à travers un autre point de vue, ne plus se contenter du regard caucasien ». Afrostream se considère comme plus qu’un simple média ethnique et cible toutes les personnes attirées de près ou de loin par la culture afro à travers le monde. En Afrique, grande oubliée de Netflix (pour l’instant), Afrostream veut développer la production et la diffusion de films afro, et va devoir se heurter à la concurrence que représente IrokoTV au Nigéria.
 
 

 
 
 
 
 
 
Si l’ambition sans limite du fondateur d’Afrostream laisse espérer un avenir prometteur pour la plateforme à la conquête du marché africain, ce dernier ne doit pas oublier que Netflix prévoit de « conquérir le monde » d’ici 2016, et que son arrivée sur le continent Africain risque de compromettre l’ascension fulgurante de la start-up …
Victoire Coquet
Sources :
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/02/26/afrostream-se-reve-en-netflix-africain_4584215_3212.html
https://afrostream.tv
Crédits images : 
afrostream.tv

Brooklyn Mania - La grande épicerie de Paris
Société

Brooklyn-sur-Seine, l'influente

La revanche d’une mal-aimée
« How Does Paris Stay Chic? It Imports Brooklyn » titrait le Wall Street Journal à l’occasion de l’inauguration de l’exposition de rentrée du Bon Marché qui mettait cette année à l’honneur la « Brooklyn’ Mania ». Longtemps considérée comme la petite sœur pauvre et ingrate de l’opulente Manhattan, Brooklyn semble aujourd’hui avoir pris sa revanche. Qui aurait cru que ce quartier longtemps ouvrier, laborieux et industrieux aurait fait l’objet de tant de convoitise, jusqu’à, selon le quotidien américain, être désormais habilité à donner des leçons de style au sein du premier Grand Magasin parisien ? Dès les années 1990 s’est enclenché à Brooklyn un processus d’embourgeoisement, quelques visionnaires – jeunes, bohèmes et aisés pour la plupart – ayant flairé l’aubaine que constituaient ses loyers attractifs. Les anciens entrepôts industriels furent investis par une faune hippie, repentie de la jungle urbaine de Manhattan.
Mais au lieu de se cantonner à une simple banlieue-dortoir, Brooklyn a donné naissance à un nouveau style de vie dont le rayonnement a largement dépassé les rives de l’Hudson River. Le borough s’est (re)construit par opposition et par contraste, en se positionnant comme une alternative à Manhattan. S’y est opérée une réinvention de la manière de travailler, de s’habiller, de se nourrir … le tout en assumant de manière décomplexée la normalité, l’imperfection, voire la laideur. Une conception du style loin d’être tapageuse qui se situe aux antipodes de l’esprit de l’exposition « Brooklyn’ Mania ».
Brooklyn succède au Brésil et au Japon en tant que thème de ce rendez-vous annuel organisé par le Grand Magasin. L’ancien borough bénéficie du même statut privilégié qu’un pays-continent et qu’une île dont le « soft power » est l’un des plus influents au monde…
 

Un positionnement étonnant
La campagne réalisée par BETC Luxe est de surcroît assez surprenante. Les habitants de Brooklyn auraient ainsi difficilement pu y être représentés de manière plus caricaturale : bonnets aux couleurs criardes, chemises à carreaux, longue barbe, tatouages de loup de mer… Le tout sous le regard éberlué de l’indétrônable pigeon, emblème du Bon Marché. Comme si ce laisser-aller assumé était devenu une mode à part entière et qu’elle perdait donc son aspect marginal et hors-norme. Comme si, comme l’anticipait le sociologue américain Merton, l’innovation basculait inexorablement dans le conformisme ; ce style de vie si atypique né à Brooklyn étant tombé dans le domaine public.
Comme il est légion lors de phénomènes soudains et inattendus, les interprétations données à la « Brooklyn’ Mania » divergent. Pour la directrice du Bon Marché, Brooklyn est en réalité « très Rive Gauche ». Il y aurait un esprit français qui émanerait de ce borough, « une approche intellectuelle de la vie, du style, qui […] est aussi française que le sont Sartre et Beauvoir eux-mêmes », d’après le New York Times. Mais désigner Brooklyn comme parangon du style et de l’élégance, qualités traditionnellement reconnues aux Français, n’est-ce pas là dénaturer l’essence même de ce qui a fait de ce borough le berceau de l’avant-garde américaine ? Inversement, en laissant Brooklyn marcher sur ses plates-bandes, Paris ne risque-t-elle pas de se laisser décrédibiliser par sa toute jeune rivale ?
 

Vers la « brooklynisation » de Paris ?
Le Bon Marché, auquel on reproche souvent son image poussiéreuse, semble avoir fait le choix de la modernité. En cela, la direction s’est montrée audacieuse. A priori, l’association entre Paris et New York dans son ensemble aurait semblé plus évidente – et ce fut d’ailleurs l’idée initiale –, ces deux villes ayant en commun la sophistication et l’opulence. Mais selon la responsable du style au Bon Marché, « Brooklyn était assez forte et différente pour raconter quelque chose par elle-même ». En filigrane se devine surtout une stratégie de « brooklynisation » que les institutions de la mode parisienne élaborent pour rester « dans l’air du temps ». Elles doivent s’adapter à de jeunes citadins qui aspirent à un retour aux fondamentaux, mais qui refusent de transiger sur la créativité, l’innovation et le mouvement.
Réputés éco-responsables, soucieux de consommer local, et prônant un art de vivre plus lent, les nouveaux résidents du borough s’inscrivent dans le rejet de ce que la ville a de déshumanisant et de lessivant ; or les jeunes actifs reprochent souvent ces travers à Paris. Mais Brooklyn n’en demeure pas moins un eldorado pour les jeunes entrepreneurs et un haut lieu de création technologique et artistique désormais reconnu à l’échelle mondiale. Le borough a le vent en poupe en France – et a fortiori à Paris – parce qu’il parvient à faire la synthèse du local et du mondial, de l’authentique et du précurseur. Le positionnement du Bon Marché, au-delà de l’effet de décalage voire de surprise, traduit une volonté de séduire ces trentenaires surmenés qui aspirent à la « slow life » plus qu’au « fast living ». Tout cela sans renier leurs origines franchouillardes : le sweat à inscription « Brooklyn parle Français » commercialisé par la jeune marque parisienne branchée BWGH s’est écoulé à des milliers d’exemplaires.
Erwana Le Guen
Sources : 
 

http://www.wsj.com/articles/how-does-paris-stay-chic-it-imports-brooklyn-1442408401
http://www.vogue.com/13331344/le-bon-marche-brooklyn-style/
Crédits images : 
1. L’ADN
2. L’ADN
3. Vogue

NICOLAS HULOT
Environnement, Société

Nicolas Yolo Break the Internet

 
Il y a quelques semaines, Nicolas Hulot, épaulé par Golden Moustache, a publié une vidéo visant à sensibiliser les jeunes aux enjeux du climat et à l’événement que constitue la COP 21. L’objectif : que sa pétition soit au maximum agréée pour interpeler les chefs d’états. Pour faire passer son message, il convoque les codes de l’humour 2.0 et prouve par le même biais son engagement pour la planète.

La vidéo s’intitulant « Nicolas Yolo, Break the internet » n’a pas fait que nous casser de rire, puisque dès les premiers jours, le serveur de sa fondation n’a pas résisté au nombre faramineux de visiteurs. C’est ce qu’on peut appeler un coup de com’ réussi, puisqu’on recense aujourd’hui 500 000 signataires et plus de 7 millions de vues sur la page Facebook de la fondation Nicolas Hulot.
Mise en abyme
« Faire passer le message de la manière la plus efficace possible » est l’enjeu même de ce clip ; sorte de mise en abyme du brainstorming qui a du vraiment avoir lieu, lorsque  Nicolas Hulot a frappé à la porte des studios Golden Moustache. L’équipe, désireuse de soutenir cette cause s’est portée bénévole durant les trois jours de tournage (Le making-off)
Ce qui est intéressant dans cette vidéo, c’est qu’elle est construite autour de la vraie problématique rencontrée par le personnage principal Hulot/Yolo : faire passer son appel à la pétition. D’un point de vue communicationnel, même si ce procédé est assez courant, mettre en scène de faux essais, qui prennent en compte les enjeux de départ, permet de montrer l’ampleur des débats et mises en gardes à l’égard de toutes les cibles.

Transparence et références
Admettons aussi que ce genre de procédé médiatique est efficace par sa transparence apparente (comme lorsque nous sommes amenés à voir les fonds verts du tournage). Comme nous le rabâchent nos médias, notre époque est plus que jamais celle de la transparence, du « décryptage », et c’est pourquoi montrer les processus de création, l’envers du décor (même s’ils sont biaisés par la mise en récit) reste très efficace.
Aussi, ce qui provoque le rire (et le buzz) , c’est évidement le contenu en lui même. Ces cinq minutes sont saturées de références à la génération Y. Les intonations et blagues plus ou moins douteuses de Bapt et Gaël, la présence de Kyan Khojandi, le « rainbow-cat » qui surgit avec vigueur et son « nyanyanya », ou encore l’ouverture du clip avec un clin d’œil à « Norman fait des Vidéos » … autant de références qui s’adressent aux jeunes que d’arguments d’autorité. Ou d’arguments utilisant l’autodérision… Car une grande part du comique réside dans le contraste entre l’équipe de com ultra branchée, incarnant un stéréotype poussé à l’extrême, et l’authenticité de Nicolas Hulot.

Léger décalage
Ce dernier est une personnalité médiatique habituée aux caméras, puisqu’il a été candidat aux présidentielles de 2012 et présentateur d’Ushuaïa pendant 25 ans. Il incarne donc un visage familier, que nous avions l’habitude (ou pas…) de voir dans des contenus orientés planète et écologie, donc peu humoristiques, c’est le cas de le dire. Le changement de style de son discours et de cadre d’élocution sont donc aussi des clefs de voûte du succès viral de ce clip.
Ainsi, l’autre tension que nous pouvons soulever suite à un tel buzz, c’est l’écart qui sépare l’importance des questions écologiques et la difficulté à trouver un bon moyen de les communiquer, de les faire résonner avec impact. Pourquoi la cause écologique, aussi importante soit-elle, continue à être un sujet rébarbatif, qui rebute et ennuie nombre de nos concitoyens ? Comment est-il possible que l’écologie souffre encore de son image austère, « terre à terre » et peu sexy, alors qu’elle constitue un enjeu clef pour les générations à venir ? Les « sympathisants » n’auraient donc pas besoin de se faire draguer par une com’ édulcorée ? Il faut envisager que si, à en croire les chiffres énoncés précédemment. Et il faut espérer que certains continueront à être drôles et inventifs, si c’est pour la bonne com, euh… cause.
Julia Lasry
Sources : 
www.osons-agir-pour-le-climat.org
http://www.franceinter.fr/emission-linvite-nicolas-hulot-0
http://www.ladn.eu/actualites/nicolas-hulot-golden-moustache-interpellent-jeunes,article,28081.html#ixzz3phbZHasY
Crédits images : 
Libération, « quand Nicolas Yolo joue la carte virale »
Golden Moustache

Break the Internet : le making of !

Nicolas Hulot "Break the Internet: le making of de la vidéo" Merci encore une fois à Golden Moustache McFly Studio Bagel madmoiZelle.com Mcfly – David Coscas Kyan Khojandi Natoo La Ferme Jerome ! Bapt&Gael Kayane Raphaël Descraques François Descraques – Page officielle – Marjorie Le Noan Le Fat Show Justine Le Pottier FloBer Aude Gogny-Goubert Kemar Lucien Maine Adrien Ménielle Nad Rich' Hard Akim Omiri Julien Pestel Juliette Tresanini Comédienne Marion Seclin – Mady Nicolas Berno sans oublier Havas Worldwide ParisSi vous ne l'avez pas déjà fait, n'hésitez plus : signez l'appel !! C'est par ici: https://goo.gl/vPygyS#osons

Publiée par Fondation pour la Nature et l'Homme sur Mardi 13 octobre 2015

Accueil

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AYLAN KURDI
Société

Du racolage médiatique : le cas Aylan Kurdi

Aylan Kurdi, 3 ans, retrouvé mort sur la plage turque de Bodrum le 2 septembre, sa photo a fait des Kurdi le symbole d’une tragédie vécue par des milliers de migrants.
Une image racoleuse
La photographe turque Nifüler Demir s’est déclarée très émue devant cet enfant qui n’a pu être sauvé des eaux. Une image qui ne manque pas de faire écho à notre image judéo-chrétienne de ces enfants hébreux assassinés par le pharaon qui voulait éradiquer leur « race ». Il n’est pas étonnant que la presse à sensation anglo-saxonne et plus largement européenne ait saisi le potentiel émotionnel de la photo et son levier tire-larme : un enfant de 3 ans, rejeté par la mer et laissé comme endormi sur un lit de sable. Autrement dit, elle avait tout pour devenir virale : la tragédie, l’horreur fascinante de la mort et du désespoir, servie sur un plateau d’argent pour une société de plus en plus voyeuriste. Mais la scène est trop belle, trop parfaite, on croirait le début d’un polar, le moment où l’on découvre le cadavre, puis le gros plan sur le bel inspecteur qui doit retrouver le meurtrier – pour les amateurs de séries, comment ne pas penser au premier épisode de Broadchurch ? Mais ici, les responsables sont multiples, les pouvoirs politiques comme l’opinion endormie. L’image est propice à une explosion de storytelling autour de l’enfant, de sa famille. Seul le père a survécu. Comment rêver meilleur synopsis pour un film dramatique ?
La Repubblica titre « L’image qui fait taire le monde », El Periodico annonce le « Naufrage de l’Europe ». Mais pourquoi a-t-on attendu cette image-là pour s’indigner ? Les morts se comptent par milliers depuis des mois, la précarité de ces migrants est visible au quotidien. La famille Kurdi est devenue le « symbole de la tragédie des migrants ».

Certains parlent même de décerner le prix Nobel de la paix 2015 au petit kurde, une manière de réserver des fonds à la cause humanitaire des réfugiés.
Peut-être que l’on passe totalement à côté du débat en se focalisant sur l’allégorie d’un corps dénué de vie, semblable à une poupée ; une poupée qui fonctionnerait peut-être comme une poupée vaudou, entre les mains de fétichistes qui savent où appuyer pour faire mal, ou faire le buzz, au choix. Peut-on d’ailleurs parler de ces personnes rassemblées, habillées de t-shirts rouges, shorts bleus et qui s’allongent sur une plage au Maroc en hommage à Aylan ? Le manque de tact et le ridicule de cet événement cérémonial tiennent plus de la sieste collective de mauvais goût que d’une réaction constructive pour remédier à la situation. La réappropriation de la scénographie de la photo n’est-elle pas une usurpation émotionnelle de son contenu sémantique ?

Sans parler des stars qui se sont autoproclamées porte-paroles de la tragédie des réfugiés, en quête d’humanisation et de valorisation médiatique. On pense alors à Alex Lutz et sa pétition signée par 66 artistes comme Marc Lavoine, Laurent Laffite, Michèle Laroque ou Mélanie Laurent, « pour qu’il n’y ait jamais plus d’Aylan sur les plages turques ». L’intention est peut-être noble, mais elle est à l’image des manifestations publiques, où l’on fait sa bonne action, on se sent appartenir à une cause, avant que la situation ne se tasse.
La polémique de « l’oubli » des Unes françaises
D’autre part, il a fallu attendre le vendredi 4 septembre pour que les Unes françaises commencent à montrer Aylan et sa famille. Scandale médiatique, pourtant cela ne relevait pas d’un refus de parler de la détresse des migrants, qui est pourtant au cœur de l’actualité. Mais cette absence a été interprétée comme un déni de voir la réalité, « cachez ce petit corps que les français ne sauraient voir » (Source : Challenges). Le journal, comme de nombreux internautes, a réagi de manière très émotionnelle à une image très puissante. Une image qui a d’ailleurs été accusée de tous les maux, de tous les complots et manipulations. Voilà que la mort d’un enfant est devenue « l’Affaire Aylan », digne des conversations de café, autrement dit, chacun y va de son opinion. Cela montre bien que le tour du monde de la photo ne relevait pas de l’information, mais d’une allégorie en formation, capable de faire du bruit.
Le Monde a eu le temps de réagir grâce à son planning de publication. Le quotidien a pu mettre l’image en couverture le jeudi 3 septembre. Sauf qu’une erreur de coordination a apposé aux cotés de la couverture une campagne pour Gucci avec un mannequin allongé sur une plage. L’ironie est belle, et l’excuse du Monde aussi. On est face à une illustration de la tension du double lectorat, entre l’annonceur et le public.
Les autres quotidiens ont dû suivre le vendredi. Et la presse française a été « sommée » de s’expliquer. Libération s’est excusé collectivement sous la plume de Johan Hufnagel, ils n’avaient pas saisi l’importance de cette image. Pourquoi ? Parce qu’ils ont publié des images d’enfants morts avant, qu’ils suivent ces dossiers depuis longtemps. Cette photo a fait l’effet d’une décharge électrique, parce que certaines photos se cristallisent plus que d’autres dans nos esprits, même chose pour l’image du rassemblement à la place de la République le 11 janvier 2015. Libé en a vu d’autres, mais pas celle-là.
N’est-il pas aberrant que les médias, appareils vecteurs d’information, aient dû se plier à un caprice de l’opinion qui prenait soudain conscience d’une injustice somme toute de plus en plus banalisée ? La contrainte n’est pas seulement émotionnelle, elle est bien sûr économique. Il faut vendre, au risque d’aller vers une standardisation des médias dans leur forme et leur contenu. L’info est devenue un bien de consommation comme un autre, ingurgitée rapidement, massivement, et sans distance critique.
Mais l’opinion n’est jamais rassasiée, elle s’est aussi insurgée contre la Une de Charlie Hebdo et de sa caricature du tableau tragique. Bien que les codes de l’image permettaient de déceler l’absence d’humour et une vraie dénonciation de la situation, le journal a eu la vie dure. Merci à ce fameux décryptage (osons les gros mots) relayé par Konbini.
Quant à notre chère garde des sceaux, on peut lui décerner le prix de la fausse bonne idée, lorsqu’elle n’a pu s’empêcher d’exhiber sa plume littéraire par un tweet qui a fait bad buzz : « Son prénom avait des ailes, son petit cœur a dû battre si fort que les étoiles de mer l’ont emporté sur les rivages de nos consciences » . A vouloir toucher les étoiles, on se brûle Christiane…

Finalement, si la photo du petit Aylan a suscité autant de réactions, peut-être est-ce davantage dû à un retour d’un conservatisme moral qui s’immisce dans toutes les sphères de la société ; mais est-ce bien légitime lorsque l’on pense à tous ces enfants qui meurent chaque jour dans des conditions similaires ?
Judith Gasnault
Sources : 
France Info : http://www.franceinfo.fr/actu/monde/article/aylan-kurdi-ce-que-l-sait-du-parcours-de-la-famille-725087
Bfmtv : http://www.bfmtv.com/international/migrations-l-europe-sous-le-choc-apres-la-photo-d-un-enfant-mort-noye-911785.html 
Médiapart : http://blogs.mediapart.fr/edition/le-prix-nobel-de-la-paix-2015-pour-aylan-kurdi 
Twitter : https://twitter.com/ChTaubira/status/639436472001646594?ref_src=twsrc%5Etfw
Libération : http://www.liberation.fr/monde/2015/09/03/pourquoi-nous-n-avons-pas-publie-la-photo-d-aylan-kurdi_1375094 
Crédits images : 
– Slate.fr
– France Info
– Twitter

Gluten
Société

Gluten : pourquoi tant de haine ?

« Est ce que c’est sans-gluten? » : ou comment résumer en 6 mots, dont un composé, la tendance qui sévit dans nos assiettes depuis quelques années. Car oui, nous avons tous, dans la file d’attente d’une boulangerie, à table dans un restaurant et même en attendant notre BigMac (ressentez le vécu qui s’exprime) entendu cette question. Mais comment la mode du gluten-free a-t-elle pu se répandre au point de s’intégrer complètement dans nos quotidiens ?
Gluten, qui es-tu?
Le gluten est une des protéines contenues dans le blé. Son intolérance, prouvée scientifiquement, est appelée « maladie coéliaque » et détruit progressivement la paroi de l’intestin grêle. Cependant, il existe également une forme d’hypersensibilité au gluten, c’est-à-dire que l’on observe une amélioration de l’état de santé des individus qui stoppent ou réduisent la consommation de cette protéine, sans pour autant que ceux-ci ne soient atteints de la maladie coéliaque. Aucune preuve absolue n’a aujourd’hui été apportée à cette thèse, ce qui n’empêche pas 5 à 10% des Français de s’auto-déclarer hypersensibles.
Il y a quelques années encore, les partisans du sans-gluten étaient assez marginaux, et pourtant, à voir la multiplication des enseignes de restauration et les marques qui se targuent de proposer des produits « gluten-free », un constat s’impose : le sans gluten est devenu un argument de vente solide et aguicheur, au même titre que le bio ou le local. Bien qu’aucune étude n’ait pu démontrer de façon indubitable que réduire ou stopper notre consommation de gluten ait une incidence positive sur notre santé, il faut bien l’avouer : le sans gluten, niveau marketing, a fait ses preuves. Le nombre d’intolérants au gluten est estimé à 1% de la population Européenne et Nord-Américaine et le marché génère plus de 2 milliards de dollars par an aux Etats-Unis. Autrement dit, c’est un marché bien foisonnant pour si peu de véritables intolérants au gluten …

 
Le gluten: partout sauf dans nos assiettes
Pourtant, malgré le flou scientifique qui plane sur la question du gluten, on retrouve le label « sans gluten » dans de plus en plus d’endroits, toujours plus insolites. Qu’il s’agisse de marques célèbres comme Cheerios, qui a lancé une gamme de céréales gluten-free, ou de toutes jeunes marques spécialisées dans le sans-gluten. C’est évidemment le secteur alimentaire et les cosmétiques qui sont les plus touchés par cette tendance. Plus surprenant, on la retrouve également sur des sites de rencontre comme Glut’aime, ou encore dans the Gluten Free Campaign, un projet dont le but est de réunir assez d’argent pour pouvoir acheter une île paradisiaque (oui, oui) où le gluten n’aura pas sa place.

 
Less is more…
Pour expliquer ce succès, il faut le lier à une tendance plus générale qui est celle du « sans » : la chimiste Ni’Kita Wilson explique au magazine Pure Trend : « Nous sommes dans une ère du marketing « sans » : sans parabens, sans parfum, sans huile, et maintenant, le petit dernier de la famille, le sans gluten ». Il semble que nos produits du quotidien ne peuvent devenir sains que par un retour aux sources. Il faut donc qu’ils se débarrassent de tous ces additifs qui ont été intégrés dans l’imaginaire collectif comme néfastes. Les marques ont bien compris qu’une grande partie des consommateurs (et généralement celle qui dispose d’un plus grand pouvoir d’achat) choisit ses produits en fonction de cette nouvelle variable. La santé et le bien-être sont les nouveaux critères de sélection de notre société d’abondance occidentale.
Comment le gluten-free vous envahit
Comment toute cette histoire a-t-elle commencé ? C’est en 2011 que le docteur Peter Gibson publie une étude, affirmant l’existence d’une forme d’hypersensibilité au gluten, créant maux de ventre et autres migraines. A partir de ce moment, c’est l’engouement et on voit se multiplier les formes de régime qui excluent la méchante protéine, notamment chez les people … Gwyneth Paltrow, guru du « healthy lifestyle » n’hésite pas à partager sur les réseaux sociaux ses nouveaux choix de vie (elle crée d’ailleurs la polémique en affirmant avoir supprimé les pâtes et le pain de l’alimentation de ses enfants). Elle finit même par publier un livre de recettes sans gluten, permettant aux intolérants et hypersensibles de se régaler en prenant soin de leur santé. Et c’est surtout ce type de personnalités, avec une forte présence médiatique, qui a pu donner de l’importance à ce mouvement. Novak Djokovic (qui a d’ailleurs sorti un livre sur son régime sans gluten), Oprah Winfrey, Lady Gaga ou encore Victoria Beckham sont tous adeptes de cette tendance et n’hésitent pas à le partager … A chacun la figure people qui le convaincra peut-être de franchir le cap de l’alimentation gluten-free.

Une chose est sûre : quand bien même la tendance s’essoufflerait (notamment à cause de son prix relativement élevé), une autre prendrait sa place et le cycle merveilleux des modes et tendances de consommation continuerait… Après le sans gluten, who’s next ?
En attendant : bonus !

Sana Atmane
Sources : 

http://www.lexpress.fr/styles/saveurs/faut-il-ceder-a-la-folie-du-sans-gluten_1106427.html
http://okmagazine.com/get-scoop/gwyneth-paltrow-shares-how-going-gluten-free-changed-life-her-family/
http://www.puretrend.com/article/des-cosmetiques-sans-gluten-pour-quoi-faire_a80429/1
http://www.lsa-conso.fr/gerble-et-novak-djokovic-s-associent-autour-du-sans-gluten,170541
Vanity Fair n°26 (août 2015)

Crédits images : 

– Cheerios
– Gerblé
– Alimentation Générale

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Société

Prostitution étudiante: un nouveau paradigme communicationnel

Un véritable boom nous interpelle : celui de la prostitution étudiante en parallèle d’une courbe ascendante incluant frais universitaires et quotidiens. En effet, le syndicat SUD-étudiant révèle un chiffre qui a doublé en seulement une décennie : 40 000 étudiants en France se prostitueraient aujourd’hui. Si la toile joue désormais un rôle prépondérant au sein du fonctionnement de la prostitution, les applications s’en donnent désormais à cœur joie et tous deux ciblent stratégiquement de plus en plus les étudiants. C’est pourquoi l’émergence des sugar daddies « papa gâteaux » apparaît symptomatique d’une nouvelle conception communicationnelle de la relation spécifique client/prostitué(e)-étudiant(e) en partie déterminée par ces nouvelles médiations technologiques.
Stratégie communicationnelle : une cible de plus en plus étudiante
Une kyrielle de sites de prostitution a fleuri en parallèle d’une vie étudiante de plus en plus chère : le prix des loyers a par exemple augmenté de 43% à Paris en seulement dix ans et les étudiants peinent à garder la tête hors de l’eau. Constatant cela, les sites ciblent de plus en plus les étudiants : les périphrases sugar daddy – papa gâteau – et sugar baby rendent palpables la position infantilisée de l’étudiant face au client souvent bien plus âgé. Ainsi, le Seeking-arrangement – développé aux Etats-Unis compte tenu de leurs frais universitaires élevés – attire de plus en plus les étudiant(e)s français avec le lancement de la version francophone symptomatique donc de la réalité française du phénomène.
De plus, des applications telle qu’Ohlala s’inspirent tacitement des modèles familiers aux jeunes générations comme Tinder en filtrant les personnes par critères (géolocalisation, fourchettes tarifaires, durée de la prestation…). Rapide, discret et virtuel, Ohlala n’est usitée qu’en Allemagne mais envisage d’investir le marché français. Par conséquent, cela engendre une territorialisation de ces innovations médiatiques puisque se polarisent axiologiquement deux « Europes » : l’une schématiquement indulgente et réaliste, l’autre plutôt puritaine et idéaliste. L’Allemagne ayant légalisé la prostitution, promeut un laisser-faire, alors que la France chasse juridiquement ces médiations pour proxénétisme comme ce fut le cas avec escort-eden retirée en 2014.
Se vendre corps et âme pour un diplôme : un savoir-faire communicationnel ?
À New York, on constate une institutionnalisation de ce phénomène avec l’Université Sugar Daddy fondée par un ancien client, Alan Schneider, et sa sugar baby, ancienne étudiante prostituée, où ils prévoient d’enseigner les codes communicationnels sous-jacents à cette relation. En effet, ces codes clairement définis oscilleraient entre échange de services, mécénat et séduction, illustrant la spécificité communicationnelle de cette nouvelle relation.

Un visage communicationnel déterminé par le média
Les supports médiatiques orientent les enjeux communicationnels de la relation.
-La dé-réalisation. Jouant en faveur du fameux passage à l’acte qui est déterminant dans l’engrenage, la sécurité apparente suscitée par le support médiatique sollicite plus facilement l’envie de s’inscrire pour voir : ce n’est pas comme s’il fallait s’exposer publiquement au bord du trottoir. Au contraire, la discrétion initiale rassure et favorise ce premier pas en dé-réalisant ce passage à l’acte qui n’implique plus immédiatement le corps physique mais seulement une présence dé-réalisée, en perte de conscience de l’engagement de sa propre corporalité pour s’incorporer uniquement dans la communication même.
-L’exhibition ou la médiatisation comme sublimation. Le corps n’est plus jeté en pâture mais est sublimé par la distanciation effective procurée par le média. Celui-ci alimente à la fois le fantasme et la valorisation du moi parsemé en divers indices fragmentaires (photos avantageuses ou messages échangés).
-L’échange, une mise en spectacle : pour charmer, le discours doit jouer avec les codes communicationnels de l’espace virtuel comme par exemple les smileys qui donnent à voir l’émotion, le différé qui joue sur l’attente et la ponctuation qui communique l’implicite.
-Du pouvoir du choix : si le client croit choisir en quêtant sur le site, c’est avant tout l’étudiant(e) prostitué(e) qui choisira parmi la masse de clients qui n’est plus circonscrite à une rue. C’est pourquoi l’enjeu de plaire au sugar baby est devenu d’autant plus essentiel. Ceci engendre une refonte lexicale : l’escorting. Le fait de choisir ne donne pas l’impression aux étudiant(e)s qu’on leur impose un client, comme si la prostitution, la vraie, se définissait par l’impossibilité de choisir ses clients et non pas d’avoir une relation sexuelle tarifée. Mais de la prostitution à l’escorting, il n’y a qu’un mot : si la relation sexuelle n’est pas systématique, elle est potentiellement systématique. Si la consonance anglo-saxonne paraît chic face à la traditionnelle prostituée qui fait le tapin, cette substitution lexicale reste cet échange de services réifiant le corps en simple instrument.
– Paradoxe de la relation qui se veut pérenne, mécènique et paternelle : le sugar daddy. Ne pas enchaîner diverses personnes mais fidéliser devient monnaie courante tant pour le client que pour le sugar baby grâce à un entretien du contact où le client incarne une posture détournée et hybride du mécène et de la figure paternelle.
Déficience communicationnelle ou déni institutionnel ?
En aval, l’AFEP (Association Fédérative des Etudiants de Poitiers) a mené une campagne en 2013 autour de témoignages partageant vécu et conseils : avant tout préventive et informative, ciblant les étudiants, elle veut aussi communiquer cette réalité aux personnes environnantes. Cependant, en amont, l’UNEF (Union Nationale des Etudiants de France) milite pour que le Ministère de l’Enseignement Supérieur s’empare de la problématique car pour eux il n’y a personne pour « écouter », « encadrer » ni même « soutenir » ces étudiants : « A l’université, les personnels ne sont ni préparés, ni formés, ni sensibilisés ». Ils suggèrent d’abord d’entreprendre de véritables enquêtes afin de chiffrer minutieusement le phénomène. Mais pourquoi ce silence ? L’Etat français serait-il dans le déni ?

Allison Leroux
LinkedIn
Sources : 
http://lci.tf1.fr/france/societe/qui-sont-ces-etudiantes-qui-s-inscrivent-sur-sugardaddy-fr-8395164.html

http://www.ouest-france.fr/allemagne-ohlala-le-uber-de-la-prostitution-arrive-berlin-3641693
http://www.meltycampus.fr/prostitution-etudiante-decouvrez-les-facs-avec-le-plus-de-sugar-babies-a378146.html
http://www.20minutes.fr/economie/815290-20111031-loyers-flambe-50-dix-ans-paris

La prostitution étudiante : un tabou encore très fort aujourd’hui.


http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/03/27/seekingarrangement-c-est-de-l-escorting-donc-de-la-prostitution_4390995_3224.html
http://rue89.nouvelobs.com/2010/01/25/le-crous-tarde-a-payer-les-bourses-et-met-les-etudiants-dans-le-rouge-135019
http://www.franceinfo.fr/emission/Unknown%20token%20emisaison-type-url/noeud-diffusion-temporaire-pour-le-nid-source-1372245-05-05-2014-11-47
http://lesvilainspetitscanards.jimdo.com/actualisez-moi/prostitution-%C3%A9tudiante-du-banc-%C3%A9tudiant-au-lit-d-un-client-le-nouveau-m%C3%A9c%C3%A9nat-du-si%C3%A8cle/
Crédits images : 
– Application Ohlala
– Europe 1
– Campagne Osons en parler

Johnny Harrington Lancôme
Société

Rhoooo la barbe … !

Atout de la sexy-attitude ou au contraire objet « has been », la barbe est devenue aujourd’hui un enjeu communicationnel. Comment ? Permettant à celui qui la porte de s’affirmer et d’être identifié par les autres, la barbe et les barbus deviennent une véritable cible marketing pour des marques comme Philips, mais elle vient aussi se placer au cœur de problématiques sociales puisque pour certains elle est synonyme de précarité voire de misère.
La barbe comme marqueur identitaire
La barbe a pendant longtemps été le reflet des différences de statuts. Néanmoins, ses représentations dans l’imaginaire collectif ont évolué et semblent davantage s’attacher à la personnalité d’un individu. On la porte pour se faire remarquer, plaire ou simplement pour soi à présent : propre à chacun, libre court est donné à sa forme et sa taille.
Ci-dessus on peut voir le mannequin britannique Johnny Harrington posant pour une pub Lancôme. Les photographies reflètent l’évolution de l’image du barbu dans la pub : lors d’une interview donnée pour le site « La Belle et la bête », ce dernier affirme que la barbe lui donnait l’air plus âgé, plus viril. Considérée comme ringarde au début de sa carrière, elle redevient branchée quelques années plus tard. Normal, la mode semble être un éternel recommencement. Mais à quoi est dû ce renouveau de la barbe dans notre société ? Selon le Journal of Marketing Communications : « Les barbus ont l’air fiables et sérieux » et dégageraient alors une aura rassurante dans une société en crise.
Ce « magnifique cache-sottises » dont parlait Victor Hugo, permet à tous ceux qui trouvent des imperfections à leur visage, d’améliorer, d’un certain point de vue, l’image qu’ils ont d’eux-même. 53% des hommes se sentiraient plus désirables avec une barbe : un moyen de se démarquer donc, mais aussi de séduire. Avant même de parler avec un barbu, nous avons tendance à nous identifier d’une certaine manière à lui : il peut nous sembler agréable, confiant ou alors trop rustre. La barbe convoque des imaginaires différents en fonction de la personne. La communication ne passe pas seulement par le langage : c’est aussi du métalangage, et le fait d’arborer une barbe peut en dire bien plus sur la personne qu’un long discours.
Pourtant la barbe ne fait pas l’unanimité, et quoi de mieux qu’un défilé de mode pour démasquer la position des marques : certaines préfèrent des mannequins barbus qui donnent une impression plus rock et plus virile, tandis que d’autres vantent une beauté pure et immaculée de leurs égéries, quasi nubile.
De l’huile et des crèmes pour ces messieurs je vous prie
Mais de nos jours être barbu ce n’est pas être qu’un hipster écolo laissant une barbe hirsute et non entretenue. Non le barbu c’est aussi celui qui la soigne et la coupe, que ça soit chez un barbier, ou à domicile avec son propre coffret de professionnel.
En peu de temps, les marques que l’on avait l’habitude de voir pour des produits destinés à un public féminin comme les crèmes rajeunissantes Clarins, les laits Nivea ou encore Bioderma, se sont mises à lancer des soins spécialement réservés aux hommes. La barbe est alors devenue un enjeu marketing important sur le marché des cosmétiques.
Le bar à barbe devient tendance  et les opérations marketing originales se multiplient, à l’instar de Philips qui nous avait déjà fait sourire avec sa campagne publicitaire il y a 2 ans. La marque est revenue en force cet été avec son concours « La barbe la plus cool du web » : lors du Festival Rock en Seine en août 2015, la marque avait installé un stand, le « Barber shop » où les festivaliers intéressés pouvaient se faire tailler la barbe. Pour participer à la web série de Philips et gagner des places pour le festival, les participants devaient se prendre en selfie, poster leur photo sur une plateforme réservée et c’était au tour des internautes de voter pour « la barbe la plus cool du web ». Les 30 participants qui avaient obtenu le plus grand nombre de votes se voyaient offrir un rasoir électrique Philips : un bon coup marketing pour réunir la communauté des barbus l’instant de quelques jours.
Des barbiers branchés aux défenseurs de causes
Tandis que la barbe est pour certains un marqueur identitaire, pour d’autres elle renvoie à une situation sociale difficile, à une estime de soi au plus bas. Elle représente alors un enjeu social : en rasant et en coupant les cheveux de ces personnes, les barbiers du dimanche leur permettent de retrouver une dignité qui jusque là leur était étrangère.

D’autres encore utilisent leur barbe comme œuvre d’art et d’expression, comme ces deux amis, Brian Delaurenti et Jonathan Dahl, qui y accrochent fleurs et motifs végétaux. A travers leur projet « The Gay Beards », les deux hommes souhaitent sensibiliser leurs fans à la cause LGBT.

 
Certains la trouvent démodée, plus franchement singulière, d’autres hype, cool et rock ; de nos jours la barbe est un élément interprétable sous de multiples rapports. On voit d’ailleurs qu’il ne s’agit plus uniquement d’un objet esthétique mais bien d’un objet communicationnel qui permet de s’exprimer de manière plus originale. Et puis, le Père Noël porte bien une barbe non ?
Ludivine Xatart
Sources : 
– Madame Figaro : « La barbe, stop ou encore ? »
– Konbini : « Des barbes pour sauver l’humanité »
– L’Express Styles : « Ma barbe et moi »
– YouTube : « Philips SensoTouch 3D- Pub Tv 2013- Barbe de 3 jours (30s) »
– Philips : « Jeu concours Philips »
Crédits images : 
– L’Express Styles : Johnny Harrington pour Tush Magazine
– Konbini : « Les barbiers des rues, ces hommes au grand cœur 
– « Les Gays Beards, une bromance de barbus créatifs »